Un groupe de femmes âgées surnommées les superagers pour leur forme et leur mémoire étonnante.
Des autopsies de SuperAgers ont montré que leurs neurones de la mémoire, dans le cortex entorhinal, sont plus grands et mieux préservés que chez d’autres seniors selon le Journal de Neurosciences. © Freepik

Ils ont plus de 80 ans et pourtant, leur mémoire n’a rien à envier à celle d’une personne de 50 ans. Ces « SuperAgers » fascinent les chercheurs du monde entier. En France, en Europe et aux États-Unis, les études se multiplient pour comprendre leur secret. Une piste vers un vieillissement plus serein pour tous ?

Oublier un mot, un nom, une date… qui n’a pas connu ce petit vertige passé 60 ans ? Pourtant, certains hommes et femmes de plus de 80 ans semblent échapper à cette règle.

On les appelle les SuperAgers, littéralement « super-âgés ». Ce terme, apparu dans les années 2000 grâce aux travaux du neurologue américain Marsel Mesulam à Northwestern University, désigne des seniors dont la mémoire épisodique (celle des événements et des souvenirs personnels) est aussi performante que celle d’individus de 20 à 30 ans plus jeunes.

En Espagne, le projet Vallecas, mené sur plus d’un millier de personnes âgées, a permis d’identifier 64 SuperAgers (âge moyen : 81,9 ans) comparés à un groupe de seniors du même âge. Résultat, leurs performances mnésiques restent stables année après année, quand celles des autres déclinent naturellement. 

Un cerveau plus jeune que son âge

Ce qui surprend le plus les scientifiques, c’est l’état de santé du cerveau de ces SuperAgers. Grâce aux IRM, les chercheurs constatent que certaines régions, essentielles pour la mémoire, l’attention et la motivation, sont mieux préservées. L’hippocampe, par exemple (siège de la mémoire) conserve un volume proche de celui d’un adulte d’âge moyen.

À la Northwestern University de Chicago, l’équipe de Tamar Gefen a suivi des volontaires pendant plusieurs années. Les résultats sont stupéfiants. Le cortex cingulaire antérieur, zone impliquée dans les émotions et la motivation, ne s’amincit pas aussi vite que chez les autres seniors.

En moyenne, un SuperAger perd 1 % d’épaisseur cérébrale par an, contre plus de 2 % chez ses pairs du même âge (Alzheimer’s & Dementia, août 2025). Une différence qui pourrait expliquer leur mémoire « hors norme ».

Résistance ou résilience : deux stratégies contre le déclin

Mais comment expliquer cette protection ? Les chercheurs avancent deux hypothèses. La première est la résistance. Certains SuperAgers ne développent tout simplement pas les dépôts de protéines amyloïdes et tau, caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Leur cerveau reste donc intact. La seconde est la résilience. D’autres en présentent bel et bien, mais sans que cela n’entraîne de symptômes cognitifs.

Autre singularité, ces super-seniors possèdent une concentration plus importante de neurones de von Economo, des cellules nerveuses rares, associées à la conscience de soi et à la sociabilité. Un détail qui fait écho à leur personnalité, souvent tournée vers les autres.

Un trait commun : la sociabilité

Car au-delà de la biologie, les SuperAgers partagent un point essentiel : leur vie sociale riche et intense. Des chercheurs américains et espagnols décrivent des profils d’individus ouverts, extravertis, généreux de leur temps, qu’il s’agisse de bénévolat, d’activités communautaires ou de liens amicaux très solides.

En clair, ils ne vivent pas isolés. Au contraire, ils cultivent des relations, des échanges, une curiosité intacte. Cette sociabilité semble jouer un rôle protecteur. Selon une publication de la revue National Geographic en 2023, cette interaction humaine constante stimulerait certaines zones cérébrales, renforçant la mémoire et retardant le vieillissement cognitif.

Si la majorité des grandes études viennent des États-Unis, l’Europe n’est pas en reste. En Allemagne, le Centre allemand de recherche sur les maladies neurodégénératives (DZNE) mène depuis 2022 une étude sur 50 SuperAgers, suivis pendant quatre ans. L’objectif est de comparer leur évolution cognitive et biologique à celle de 350 seniors âgés de 60 à 79 ans.

En France, plusieurs équipes de l’Inserm et du CNRS s’intéressent au vieillissement cognitif, notamment à travers la cohorte MAPT (Multi-domain Alzheimer Preventive Trial). Si les « SuperAgers » n’y sont pas encore spécifiquement isolés, les chercheurs suivent de près cette piste qui pourrait bouleverser notre compréhension de la mémoire au grand âge.

Les SuperAgers représentent une minorité, sans doute moins de 10 % des plus de 80 ans, mais ils ouvrent une brèche dans notre vision du vieillissement. Le déclin n’est pas une fatalité. Certains cerveaux semblent capables de se protéger, ou de s’adapter, bien au-delà de ce qu’on pensait possible.

À la clé, un double espoir : mieux comprendre comment prévenir la maladie d’Alzheimer et offrir des clés de prévention accessibles à tous. Car si la biologie joue un rôle, la science confirme que l’activité physique régulière, la stimulation intellectuelle, mais aussi et surtout une vie sociale riche et positive sont des piliers majeurs pour entretenir notre mémoire.

À SAVOIR 

En France, l’isolement reste un vrai défi pour bien vieillir. D’après la Fondation de France, 1,3 million de personnes âgées vivent coupées de tout cercle social. Or, les études sur les SuperAgers montrent justement que garder des liens forts avec les autres (famille, amis, bénévolat, vie associative) est l’un des meilleurs remparts contre le déclin de la mémoire.

Inscrivez-vous à notre newsletter
Ma Santé

Article précédentCapsulite rétractile : tout savoir sur “l’épaule gelée”
Article suivantAnhédonie musicale : quand la musique ne fait pas vibrer !
Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici