La maladie de Crohn touche près d’1 personne sur 1000, en France. Une pathologie relativement rare, mais dont on souffre beaucoup… et trop souvent en silence. Le point avec le Dr Anthony Buisson, gastroentérologue à l’hôpital de Clermont-Ferrand.
La maladie de Crohn touche plus de 220 000 personnes en France. Chaque année, le diagnostic tombe pour une poignée de patients qui ne connaissent souvent pas cette pathologie. Elle se manifeste par l’inflammation du tube digestif et peut toucher tous les organes, de la bouche à l’anus. La majorité des patients sont atteints au niveau du gros intestin (le côlon) et de la fin de l’intestin grêle (l’iléon). Le point sur cette maladie handicapante et souvent taboue.
Maladie de Crohn : un diagnostic précoce
Le diagnostic de cette maladie a généralement lieu entre 15 et 25 ans, plus souvent chez les femmes. En France, 10 à 15 % des enfants sont touchés par des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. La maladie de Crohn est la plus répandue, représentant 70 % de ces pathologies.
Les causes sont encore inconnues. On sait en revanche que le tabac et la prédisposition génétique sont des facteurs reconnus de la maladie de Crohn. Les sociétés industrielles étant les plus touchées, « l’alimentation occidentale riche en graisse et en sucre, favorise également la survenue de la maladie de Crohn. Cependant, lorsque la pathologie est déjà installée, l’alimentation n’aurait alors plus d’impact sur son développement, les traitements anti-inflammatoires étant trop contraignants pour être conseillés et respectés de façon stricte sur le long terme », souligne le Dr. Anthony Buisson, gastro-entérologue et hépatologue, maître de conférences des Universités et praticien hospitalier au Service des maladies de l’appareil digestif du CHU de Clermont-Ferrand.
Des symptômes handicapants au quotidien
Les troubles digestifs sont courants chez les patients atteints de la maladie de Crohn. Ils se manifestent par périodes de poussées et de rémissions. Celles-ci s’alternent sur des durées de quelques jours à plusieurs mois, selon les cas. Les problèmes digestifs étant souvent tabous dans notre société, les patients font parfois face à des sentiments de gêne, de honte voire d’isolement pouvant favoriser la dépression. « Il a y une réelle altération de la qualité de vie des patients dans cette maladie à cause des symptômes. Dans la vie professionnelle mais aussi dans la vie personnelle, c’est parfois dur à vivre », souligne le Dr. Buisson.
En dehors des symptômes digestifs, 25 % des malades sont également touchés par des douleurs articulaires. En particulier aux extrémités (chevilles, genoux, poignets…), semblables aux rhumatismes. La maladie de Crohn peut également s’accompagner de troubles cutanés et oculaires.
La vigilance face aux symptômes : primordiale pour le diagnostic
Douleurs abdominales, ballonnements, diarrhée aigüe, constipation, perte de poids… les symptômes de la maladie de Crohn sont nombreux. Ils peuvent pourtant ne pas alerter en raison de leur assimilation à ceux d’une simple gastro entérite par exemple.
« Toute diarrhée qui dure plus de quatre semaines doit nécessiter une consultation auprès d’un gastro entérologue, alerte le Dr. Buisson. Cette maladie étant peu connue, les patients et les médecins généralistes n’y pensent pas forcément malgré les troubles. En général, un délai de neuf mois s’écoule entre l’apparition des premiers symptômes et celui du diagnostic. La maladie a donc déjà évoluée. »
Maladie de Crohn et maternité : incompatible ?
« Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les femmes atteintes de la maladie de Crohn n’ont pas plus de risque de faire une fausse-couche que les autres, rassure le Dr. Buisson. Si une période de poussée survient durant la grossesse, il y a cependant un risque de prématurité ou d’hypotrophie (petit poids) du bébé ».
Selon les études, il n’existe aucune altération de la fertilité chez les patients malades du Crohn. Il est cependant recommandé d’être en période de rémission et que l’inflammation soit contrôlée, avant un projet parental. Il existe une prédisposition génétique. Le risque de développer la maladie est donc augmenté chez les enfants de parents atteints.
Traitements : « redonner une vie normale aux patients »
La maladie de Crohn est une maladie chronique et incurable. Des traitements sont cependant élaborés pour permettre de réduire les symptômes et de contrôler l’évolution de l’inflammation. « L’objectif 2019 de lutte contre la maladie de Crohn est de redonner une vie normale aux patients », note le praticien. Plusieurs types de thérapies existent.
Lors des périodes de poussées, des corticoïdes peuvent être prescrits aux patients pour réduire les symptômes de la maladie. En raison des nombreux effets secondaires, ces traitements ne peuvent être que de courte durée.
La maladie de Crohn étant une pathologie dysimmunitaire du système digestif, d’autres traitements à base d’immunosuppresseurs, permettent de contrôler l’inflammation sur le long terme. Les formes les plus intenses de ces médicaments sont les biothérapies (parmi lesquelles les anti-TNF alpha sont les plus utilisées), administrées par voie intraveineuse ou sous-cutanée. « À l’heure actuelle, ce sont les traitements les plus efficaces pour la maladie de Crohn. Avec ces biothérapies, nous atteignons des résultats pouvant aller jusqu’à 50 % de cicatrisation de la muqueuse intestinale pour un patient sur deux », explique le Dr. Buisson.
Des complications pouvant amener à la chirurgie
Ces thérapies ne traitant pas les causes de l’inflammation, des complications peuvent survenir telles que des sténoses (rétrécissement d’organes), des fistules (canaux de connexion entre deux organes) ou encore des abcès. L’opération chirurgicale est nécessaire dans ces cas-là. « Actuellement, on estime qu’un patient sur deux devra être opéré au cours de sa vie. L’opération n’est cependant pas une solution de soin, il s’agit d’un traitement ponctuel pour réduire les symptômes aggravants, la maladie revenant dans 90 % des cas », explique le Dr. Buisson.
Des études sont actuellement en cours pour permettre l’amélioration des traitements. En première intention, la compréhension des causes de la maladie de Crohn.
À SAVOIR
Le Bus MICI&Moi fait escale à Lyon !
Durant cette cinquième tournée en France, le bus de sensibilisation sur la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique (RCH) sera présent le 5 mai 2022, à l’Hôpital Lyon Sud (HCL). De 9h à 17h, l’objectif est de briser les tabous sur ces maladies.