Pierre angulaire de la réforme de notre système de santé, la consultation à distance semble convaincre tous ceux qui l’ont essayée, patients comme médecins. Le point sur une pratique qui fait déjà ses preuves dans les territoires les plus isolés.
La révolution, dans les cabinets médicaux, a commencé le 15 septembre 2018. Le jour où la loi autour de la téléconsultation est entrée en vigueur, intégrant l’acte à distance dans le parcours de soin et autorisant son remboursement par la Sécurité Sociale.
Depuis cette annonce, une multitude de plateformes de téléconsultation se sont ouvertes un peu partout en France, à l’initiative d’organismes agréés, de professionnels de santé ou d’opérateurs privés. Mais les débuts sont timides, malgré l’ambition du gouvernement de favoriser 500 000 actes à distance en 2019, et jusqu’à 1,3 million en 2021. Pour y parvenir, il faudra expliquer, convaincre, surveiller les nouveaux marchands d’e-santé et lever quelques réticences liées à la crainte d’une médecine low-cost et déshumanisée.
Un diagnostic en quelques clics ?
En réalité, 45% des Français ‘’ne savent pas précisément en quoi consiste’’ la téléconsultation, selon un sondage Carte Blanche publié en décembre par la Société Française de Télémédecine, et ‘’seulement 17,7% en ont une connaissance précise’’.
L’enjeu, pourtant, est primordial. Au-delà de l’avancée technologique, la télémédecine, et incidemment la téléconsultation, offre une réponse réelle au phénomène de désertification médicale, là où l’arrivée du haut débit le permet. « Certains de mes patients résident dans le Vercors. Ils font une soixantaine de kilomètres de routes de montagne pour venir consulter à Valence », illustre ainsi le docteur Eric Fonta, co-fondateur de la plateforme MEDVU.
Une connexion internet, une webcam ou un smartphone, et le contact est établi en quelques clics, pour un acte à distance spécifique (voir ci-contre) et au coût similaire à une consultation physique. « La téléconsultation ne remplace pas le rendez-vous en cabinet, mais elle le complète. Elle permet de garder un lien étroit tout en gagnant un temps précieux : au lieu de recevoir quatre fois par an mes patients atteints de maladies chroniques, je ne les reçois plus qu’une à deux fois », ajoute le médecin drômois, dont l’agenda s’en trouve considérablement allégé.
Un usage strictement encadré
Selon l’étude précitée, 51,9% des Français seraient ouverts à un acte à distance. Ce qui est plutôt encourageant, mais qui laisse encore de nombreux indécis, très attachés à la relation directe avec leur médecin, sur le bord de la route numérique.
La téléconsultation, pourtant, est particulièrement bien encadrée : « pour être remboursée, il faut qu’elle s’inscrive dans le parcours de soins, qu’elle soit à l’initiative du médecin traitant et précédée et suivie par des consultations physiques », explique-t-on au GCS SARA, le bras opérationnel de l’Agence Régionale de la Santé pour le développement de la e-santé en Auvergne-Rhône-Alpes.
L’organisme, qui accompagne les opérateurs privés qui le souhaitent, a développé sa propre plate-forme de téléconsultation, MonSisra, accessible gratuitement. Selon son directeur, Bertrand Pellet, « le service a ouvert fin décembre, et 175 consultations ont déjà été recensées en janvier. Un chiffre mensuel que l’on peut raisonnablement multiplier par dix d’ici la fin de l’année ». La médecine du futur est en marche !
Courlygones, pour les enfants aussi !
Fondée en 2005 pour lutter contre l’engorgement des urgences pédiatriques, où 20% seulement des visites débouchent sur une hospitalisation, l’association Courlygones délivre des messages simples à l’intention des parents : que faire en cas de fièvre, de brûlure, d’eczéma… D’abord sur fiches et sur le web puis, depuis 2009 et en dérivation du Centre 15, par téléconseil. On profite ainsi des conseils (souvent amplement suffisants !) d’un médecin, d’une infirmière ou d’une sage-femme, sans bouger de chez soi. Bon pour l’enfant, rassurant pour les parents et tout bénéfique pour le personnel des urgences !
Téléconsultation, mode d’emploi
Comment ça marche ?
La connexion s’opère sur la plate-forme de téléconsultation à laquelle adhère le médecin traitant ou le spécialiste (ophtalmologue, gynécologue, psychiatre…) Celui-ci adresse un mail à son patient, qui n’a plus qu’à cliquer sur un lien vidéo pour accéder au site sécurisé, via son ordinateur (muni d’une webcam) ou son smartphone. Il est donc essentiel d’avoir une bonne connexion internet.
Pour quels actes médicaux ?
- suivi de routine en cas de maladies chroniques
- renouvellement d’ordonnances (par e-mail)
- réponse à des questions simples de santé
- suivi médical en Ehpad
Quel remboursement ?
Le remboursement d’une téléconsultation est similaire à celui d’une consultation directe, soit entre 23 et 72€ (selon la spécialité et la convention du médecin). La part Assurance Maladie (70%) et mutuelle (30%) est également la même. Pour être remboursée, la téléconsultation doit obligatoirement s’inscrire dans le parcours de soins du patient, qui ne s’acquitte que de l’abonnement à la plateforme lorsque celle-ci n’est pas gratuite. Certaines complémentaires santé proposent de rembourser cet abonnement.
Et les opérateurs privés ?
Ouvertes aux particuliers désireux d’obtenir un avis médical, certaines plateformes privées (Quare, Doctolib, Livi, MesDocteurs, HelloCare…) offrent aussi des consultations libres. La startup clermontoise Feelae* propose ainsi des rendez-vous en 5 minutes avec des médecins généralistes, sans limite de temps, de 7h à 23h et 7 jours sur 7, pour… 19€ par appel.
Lorsqu’elles sont réalisées hors du parcours de soins, les téléconsultations privées ne sont en revanche pas remboursées par la Cpam. Certaines de ces plateformes sont portées par des mutuelles, qui peuvent en proposer le remboursement.
* Feelae a aussi développé l’outil Leah, solution proposée aux médecins pour téléconsulter leur patientèle habituelle de manière ponctuelle, dans le parcours de soin.
A SAVOIR
Les 5 actes de la télémédecine :
– La téléconsultation : échange à distance entre le médecin et le patient
– La téléexpertise : échange à distance entre professionnels de santé, pour collecter un avis auprès de compétences extérieures
– La télésurveillance : interprétation à distance de données fournies par le patient ou par un autre professionnel de santé
– La téléassistance : assistance à distance d’un autre professionnel de santé
– La réponse médicale : dans le cadre de la régulation médicale (centres 15)