Une jeune femme en télétravail se plaint d'avoir mal au dos, l'un des principaux TMS.
Le télétravail, avec ses postures et son matériel inadapté, a clairement une incidence sur l'explosion du nombre de TMS. ©Freepik

Les troubles musculosquelettiques, et notamment le mal de dos, continuent d’augmenter malgré la prise de conscience de la nécessité de développer une véritable stratégie de prévention au sein des entreprises. Et en dehors ? La généralisation du home office, depuis la crise Covid, est clairement pointée du doigt.

86% des salariés souffriraient d’un TMS, ou trouble musculosquelettique. La proportion, mise en lumière par une étude Ifop réalisée pour Percko*, est impressionnante. D’autant plus en comparaison avec le chiffre de 2010 (72%), témoin d’une explosion que l’amélioration du dépistage des TMS ne suffit pas à expliquer.

On la cerne d’ailleurs mieux, cette proportion (près de neuf salariés sur dix !), lorsque l’on sait que le mal de dos, l’un des grands maux de notre siècle, est le TMS le plus courant (59% des salariés interrogés dans l’étude). Tout le monde ou presque, a eu ou aura mal au dos. Mais alors que de plus en plus d’entreprises s’attachaient à minimiser les risques professionnels à grand renfort d’aménagements ergonomiques, force est de constater qu’un nouveau facteur est venu freiner la tendance.

« Des troubles comme le mal de dos sont loin d’être en recul ni d’être l’apanage des travailleurs manuels : un nouveau facteur aggravant issu de l’évolution des métiers, le télétravail, semble en effet jouer sur la prévalence de ce genre de souffrance qui affecte pourtant fortement la vie professionnelle et personnelle des salariés… », confirme Gautier Jardon, chargé d’étude à l’Ifop.

Dans son baromètre santé au travail annuel paru en mai, le géant de l’assurance AXA brosse le même constat d’une hausse des TMS « très probablement liée à la reprise d’activité, mais aussi à la généralisation du télétravail qui entraîne parfois plus de sédentarité ou de mauvaises postures compte tenu des habitudes de travail différentes et des équipements utilisés par le salarié à son domicile ».

TMS : le fruit des mauvaises habitudes du télétravail ?

Le monde du travail, pourtant conscient du problème, n’a pas encore su s’adapter, comme l’explique le kinésithérapeute et ergonome grenoblois Jérôme Moroy, spécialiste en prévention en entreprise. « Les salariés concernés sont surtout ceux du tertiaire. Ils occupent essentiellement des postes statiques et assis. Avec la crise Covid et les confinements, le travail s’est transformé trop rapidement, avec les moyens du bord. Mais si l’on télétravaille toujours dans la même position, sur un canapé, dans une pièce de 10 m2 ou avec un ordinateur portable sur les genoux, nous favorisons clairement les risques… Et le problème, c’est que l’on n’a pas su revenir sur ces mauvaises habitudes ».

Ajoutée aux autres effets pervers émergeants du télétravail, entre isolement et baisse de productivité, cette hausse des TMS a des valeurs de signal d’alarme. Car le phénomène se poursuit, avec à la clé de lourdes répercussions économiques, estimées à deux milliards d’euros par an en France.

« Nous pensions que cela allait diminuer, mais nous arrivons plutôt à un pic », témoigne Jérôme Moroy. Selon le baromètre AXA, l’absentéisme en entreprise a battu des records en 2022 (44% des salariés en arrêt au moins une journée, contre 30% en 2019 !) et va s’amplifier en 2023. Avec en première ligne, juste après les burn-out (22,2% des arrêts), les troubles musculosquelettiques, responsables de 21,2% des arrêts de travail…

Vers « des actions de préventions plus étoffées »

Face à l’enjeu, les entreprises vont-elles réussir à sortir du bureau leurs politiques de prévention des maladies professionnelles, pour les porter jusqu’au domicile de leurs salariés ? « La prévention est essentielle pour prévenir ces risques et cela passe par plus de formations et des conseils individualisés », préconise Jérôme Moroy.

« Les salariés du tertiaire minimisent les effets d’une activité statique. Il faut donc sensibiliser les télétravailleurs à l’importance de la mobilité en permanence. Cela passe par des changements réguliers de position, debout, assis sur un ballon ou en position semi-assise, mais aussi par des exercices simples favorisant la mobilité du bassin et des membres supérieurs, de l’épaule au poignet. Il faut aussi qu’ils prennent l’habitude de régler la hauteur et l’inclinaison de leur siège et de leur écran et, s’ils le peuvent, de travailler dans une pièce dédiée ».

Chamboulé par la crise sanitaire, le monde du travail doit poursuivre son adaptation, sous peine de pâtir toujours un peu plus fortement de cette augmentation des maladies professionnelles. À l’automne 2022, l’organisateur du salon Préventica-Lyon, Éric Dejean Servières, faisait déjà état de cette priorité : « en plein boom, les TMS doivent susciter des actions de préventions plus étoffées, notamment en matière d’ergonomie ».

Les grandes entreprises y viennent ou y viendront naturellement. Pour les autres, le chemin sera certainement plus long : « Je pense surtout aux petites entreprises, où le risque, faute de ressources humaines dédiées, est moins pris en compte. La prévention y est rarement développée et passe en arrière-plan des priorités du chef d’entreprise, ce qui, du fait de l’absence d’obligation, est compréhensible »...

* « Etude Ifop pour PERCKI, réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 6 au 8 décembre 2022 auprès d’un échantillon de 1004 personnes, représentatif des salariés français »

À SAVOIR

Les effets des troubles musculosquelettiques sur la santé physique et mentale des salariés sont nombreux et peuvent avoir de lourds retentissements sur leur vie personnelle et professionnelle : douleurs musculaires, articulaires, ligamentaires, cervicales…, pathologies aiguës ou chroniques (tendinite, sciatique, hernie discale, syndrome du canal carpien, lumbago…), handicaps, incapacités partielles ou permanentes, désinsertion professionnelle, perte d’autonomie…

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