Traumatismes crâniens, fractures, entorses… À l’heure où la ville de Paris s’oriente vers leur interdiction, les hôpitaux lyonnais sont en première ligne pour constater l’effrayante recrudescence, en quelques années seulement, des chutes en trottinettes électriques. Des accidents généralement graves, touchant un public jeune et qu’un usage mieux réglementé permettrait pourtant de limiter sensiblement.
L’an dernier, 456 000 Lyonnais ont testé la rapidité des trottinettes électriques. Parmi eux, Iris et Warren, deux ados fauchés à l’aube de leur vie un après-midi du mois d’août. Les accidents, sur de tels engins, pardonnent rarement, avec à la clé des traumatismes souvent très graves…
« Avec ces modes soi-disant doux, on va très vite, et lorsque l’on tombe on se fait très mal ». Traumatologue à la Clinique du Parc, en centre-ville de Lyon, le Dr Emmanuel Perrot a vu exploser un phénomène… par nature réservé aux grandes villes. 34 accidents mortels de trottinettes ont été recensés en France en 2022, contre 10 en 2019, selon un récent rapport de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière. Les accidents graves ont aussi augmenté de 30% dans le Rhône entre 2019 et 2022. « Nous en avons plusieurs par jour, contrairement à Vienne où j’exerce également ».
Les jeunes en pôle position
En cause, un sentiment de liberté qui atténue les règles élémentaires de prudence, des comportements qui interpellent et un environnement urbain, à Lyon, façonné pour encourager le développement des modes doux, entre vélos et trottinettes.
Rien d’étonnant, donc, à ce que 75% des victimes aient moins de 40 ans. « Il s’agit surtout de jeunes adultes, hommes ou femmes », confirme le Dr Perrot qui, comme ses confrères des hôpitaux du centre-ville de Lyon, a fait de cette accidentologie nouvelle son pain quotidien. « Dans mon service, nous ne prenons pas en charge des urgences vitales, mais de la traumatologie périphérique. Soit une foule d’entorses ou fractures du poignet, des chevilles, des coudes, qui dans la grande majorité guérissent plutôt bien. Les cas les plus graves, et qui laissent généralement le plus de séquelles, touchent la tête ».
Trottinettes électriques : gare à la tête !
Les plus graves, mais aussi les plus fréquents, rappelle l’Académie nationale de médecine dans un rapport publié en novembre 2022 et selon lequel on relève un traumatisme crânien dans 92% des accidents. « L’extrémité céphalique est plus souvent atteinte dans les accidents de trottinettes électriques que dans les accidents de vélo où la chute se produit latéralement », détaille l’ANM, qui fustige les lacunes réglementaires et, surtout, l’attitude des usagers. Le simple port du casque permettrait notamment de faire passer de 99 à 33% le risque de traumatisme crânien… « Les modes doux n’en ont que le nom, et plus dures sont les chutes. Cela paraît donc fou que le casque ne soit pas obligatoire », note le traumatologue lyonnais.
Cette obligation ne fait pourtant pas partie du plan de régulation national dévoilé le 29 mars dernier par Clément Beaune, le ministre délégué aux Transports. L’âge légal d’utilisation des trottinettes en libre-service sera toutefois relevé de 12 à 14 ans. Les opérateurs seront tenus d’ajouter des clignotants à leurs engins et les sanctions renforcées pour les contrevenants, avec des amendes rehaussées de 35 à 135€. Suffisant pour soulager les services de traumatologie ?
À SAVOIR
La population parisienne, par referendum, s’est positionnée début avril en faveur de l’interdiction des trottinettes électriques, à 89,03%. La municipalité parisienne s’est engagée à respecter le résultat de ce scrutin au moment de la reconduction ou non du contrat des trois opérateurs (Lime, Dott et Tier Mobility). Dott et Tiers Mobility sont les deux entreprises opérant sur le marché lyonnais. Leur contrat a été reconduit en février dernier jusqu’en 2027 par la Ville de Lyon, qui n’en est donc clairement pas au même stade de la réflexion que celle de Paris.