Déprimé, fatigué, ennuyé… Le « coup de blues » de l’hiver est de retour ! Entre manque d’énergie, perte d’envie et humeur maussade, l’hiver ne procure pas toujours que des bienfaits. Mais d’où vient cette humeur soudainement abattue ? Quelles en sont les causes et que peut-on faire pour remédier à cet état ? Réponses avec le Dr Jean-François Costemale-Lacoste, médecin psychiatre à Lyon et membre de l’URPS Médecins Auvergne-Rhône Alpes.
Alors que l’hiver bat son plein, la situation de santé mentale en France continue d’inquiéter. Avec près de 80 % de troubles de sommeil, les Français n’ont jamais aussi peu bien dormi depuis la crise du Covid-19. Un constat problématique quand on sait que le sommeil constitue un facteur primordial à la bonne santé mentale.
L’hiver aurait-il un rôle à jouer dans ces affaires de santé mentale ? C’est en tout cas ce que soutiennent de nombreux spécialistes. Désignée Trouble Affectif Saisonnier (TAS), la dépression connaît désormais une variante saisonnière. Loin d’être anodine, cette dépression hivernale toucherait entre 2,5 à 5 % de personnes chaque année. Si tous ne sont pas concernés par cet état aux formes graves, un pourcentage élevé de la population expérimenterait une forme légère de déprime hivernale.
Tristesse accrue, isolement social, perte d’intérêts pour les activités ordinaires… Autant de symptômes d’un état de déprime saisonnière. Loin de l’idéal de Noël et de la neige, ce trouble de l’humeur a de quoi nuire au quotidien. Mais quelle est son origine ? Pourquoi pouvons-nous tous naturellement être touchés par cet état ? Et en quoi différencie-t-on une simple déprime d’une véritable dépression hivernale ? Et comment remédier à cette déprime hivernale ? Toutes les réponses avec le Dr Jean-François Costemale-Lacoste, médecin psychiatre à Lyon.
Déprime ou dépression hivernale ?
Si la majorité de la population expérimente un état maussade chaque année en hiver, tous ne sont pas pour autant atteints de dépression hivernale. Seulement moins de 5 % de la population souffrirait d’une véritable dépression saisonnière. Mais alors à quoi reconnaître la différence ? Quelles sont les symptômes observés ?
« Si certaines études montrent une prévalence d’états dépressifs hivernaux allant jusqu’à 5 % et ce quelles que soient les latitudes, davantage de personnes sont touchées par une variation de l’humeur ou déprime dite normale l’hiver », explique le Dr Jean-François Costemale-Lacoste. « Comme dans toutes les pathologies mentales, on évalue les symptômes par rapport à une échelle de graduation. Plus les symptômes sont handicapants et lourds, plus l’état est pathologique. À l’inverse, plus les symptômes sont mineurs et peu handicapants, plus l’état relève d’une variation normale de notre humeur ».
Dès lors, pas question de s’affoler à chaque humeur maussade. Les critères de la déprime, tout comme de la dépression, sont nombreux : peu de capacité à ressentir l’envie, de l’énergie, des difficultés de sommeil persistantes… Toutefois, « si les critères se multiplient et deviennent un frein à la moindre envie, la moindre activité, et que l’impact sur la vie sociale ou professionnelle est lourd (arrêt de travail), c’est que la dépression saisonnière s’installe et il faut absolument consulter ».
Première cause de la déprime hivernale ? Le manque de soleil
Si l’été et ses chaleureux rayons de soleil redonnent le sourire, l’hiver est plutôt synonyme de dépression saisonnière ! En cause ? Le manque de soleil. « Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas réellement l’hiver qui déclenche de tels états, dépressifs ou non », rapporte le Dr Jean-François Costemale-Lacoste. « Il s’agit davantage de la décroissance naturelle du temps d’exposition à la lumière du soleil ». Les journées sont plus courtes, le soleil se lève tardivement et se couche en avance… De quoi impacter l’être humain et son activité. Mais pourquoi le manque de soleil influe-t-il sur notre humeur ?
« Lorsque le soleil se fait rare, nos cellules ganglionnaires de l’œil, chargées de capter la luminosité et de la transmettre par le biais de molécules au cerveau, ont moins d’informations à transmettre. Or ces informations “lumineuses“ permettraient, entre autres, par la suite de fabriquer une hormone primordiale à la bonne humeur : la sérotonine ». Sans de longues journées de soleil, l’œil capte donc moins de luminosité et le cerveau fabrique en conséquence moins de molécules essentielles à la bonne humeur.
Déprime hivernale : le manque de soleil… Mais pas que !
Bien que le manque de soleil reste la seule preuve formelle des états de déprimes hivernales, d’autres facteurs pourraient également jouer un rôle. « Si nous manquons d’études afin de valider scientifiquement l’impact de ces autres facteurs, de plus en plus d’éléments connexes émergent en faveur de troubles de l’humeur hivernaux », relate le Dr Jean-François Costemale-Lacoste. Mais lesquels sont-ils ?
« La température aurait un effet indirect sur l’humeur. En effet, le froid est moins propice à la production et consommation de fruits et légumes. Cette nutrition appauvrie en fruits et légumes l’hiver pourrait avoir un impact sur notre microbiote intestinal, dont on sait son rôle majeur dans l’humeur », explique le Dr Jean-François Costemale-Lacoste. « De même, le froid hivernal modifie le mode de vie et la socialisation. Les sorties à l’extérieur diminuent, l’activité physique également ». Un constat qui coïncide avec l’impact de la crise sanitaire sur la santé mentale des Français.
Enfin, « le genre semble également jouer un rôle dans la prévalence des troubles dépressifs hivernaux. Les femmes seraient ainsi plus sujettes à ces troubles dépressifs et les personnes âgées moins impactés, sans que l’on ne sache pourquoi ».
Nos conseils pour retrouver le moral pendant l’hiver
« En cas de véritable dépression hivernale, il faut absolument consulter un médecin qui pourra évaluer et juger la pertinence de prescription d’antidépresseurs et/ou d’autres formes thérapeutiques », rappelle le Dr Jean-François Costemale-Lacoste. Mais quelles solutions pour les simples déprimes ?
« Le meilleur conseil à donner est celui de prendre le temps de sortir, se socialiser, exercer une activité physique quotidienne ». Toutefois, de nouvelles technologies permettent en complément de compenser le manque de soleil subi. On parle alors de luminothérapie. « Ce sont des lampes conçues spécialement à cet effet, dont l’intensité doit être située entre 2 500 et 10 000 LUX ».Enfin, « certaines études démontrent l’équivalence de l’efficacité d’une luminothérapie avec une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) ». Cette dernière, dont le principe repose sur l’influence mutuelle des pensées, émotions et comportements, semblerait d’ailleurs avoir de meilleurs effets à long terme. Une observation à confirmer…
À SAVOIR
Les raisons derrière la déprime hivernale ont participé à établir la théorie du “blue monday”, qualifié de jour le plus déprimant de l’année. Cette année, ce sera le 15 janvier…