La campagne “Immuniser Lyon”, qui vise à sensibiliser la population sur l’importance d’actualiser son carnet vaccinal, intervient alors que le taux de couverture vaccinal ne cesse de baisser en France. A la clé, la résurgence de maladies comme la rougeole ou la tuberculose. Les explications du docteur Anne-Sophie Ronnaux-Baron, responsable Santé CDHS et des centres de vaccinations publiques du Rhône.
Il est difficile d’avoir des chiffres précis. Les éléments que nous possédons proviennent d’études menées au niveau national. Elles indiquent que la couverture vaccinale des enfants est assez satisfaisante. Ainsi, par exemple, 90% des nourrissons ont reçu au moins une dose de vaccin contre l’hépatite B. Concernant la rougeole, dont la dernière épidémie remonte à 2012 avec 23 000 cas recensés en France, la couverture vaccinale a progressé. Ainsi, 66% des enfants âgés de 2 ans ont reçu deux doses de vaccins en France. Le problème, c’est que cette couverture vaccinale tend à se dégrader avec le temps, chez les adolescents et surtout chez les adultes. Cette couverture est en particulier insuffisante pour les vaccins méningococciques, contre le papillomavirus et la grippe.
Pourquoi cette lente mais inexorable dégradation de la couverture vaccinale ?
Parce qu’à partir de l’adolescence, les visites chez le médecin traitant sont de plus en plus espacées. Heureusement, il reste quelques occasions comme un voyage lointain par exemple pour prendre conscience de ces “oublis” et mettre à jour son carnet de vaccination.
Vaccins “obligatoires” ou “recommandés”
Dans ce contexte, comprenez-vous les polémiques qui naissent régulièrement sur l’intérêt de la vaccination et son caractère obligatoire ?
Il existe en France une ambigüité sur le caractère “obligatoire” ou “recommandé” de certains vaccins. Je rappelle que dans notre pays, trois vaccins demeurent obligatoires: diphtérie, tétanos et polio. Tous les autres vaccins sont seulement recommandés. Nos concitoyens pensent, à tort, que les vaccins juste recommandés sont moins importants que les vaccins obligatoires. C’est une erreur. A mon sens, il y aurait une meilleure adhésion de la population comme des professionnels de santé si l’ensemble des vaccinations devenait recommandé. Ce vers quoi on tend. Le risque, c’est qu’à terme, la couverture vaccinale diminue aussi sur les vaccins jusqu’à présent obligatoires…
Quel serait alors le risque ?
Un retour de certaines maladies que l’on pensait éradiquées. Grâce aux campagnes de vaccinations, la variole, par exemple, a été rayée de la planète. Quant à la polio, elle est en voie de disparition en France mais n’a pas complètement. Une résurgence de la polio n’est donc pas à exclure en cas de baisse de la couverture vaccinale, si le caractère obligatoire disparaît.
La tuberculose n’est pas complètement éradiquée
Le vaccin contre la grippe est plus ou moins efficace en fonction des années. N’est-ce pas un problème lorsqu’il faut défendre la campagne de vaccination ?
Si, forcément. Parfois, comme ce fut le cas lors de l’hiver 2014/2015, la souche a tendance à muter, ce qui réduit sensiblement l’efficacité du vaccin. En fait, il est très difficile de concevoir un vaccin, d’anticiper son efficacité, de déterminer les souches les plus virulentes, un an avant le début de l’épidémie. Voilà pourquoi plus de 2,5 millions de personnes ont contracté la grippe lors de l’hiver 2014/2015. Cela dit, si la grippe a fait autant de victimes, c’est parce que la couverture vaccinale a péniblement atteint 50% chez les personnes dites “à risque”, notamment les personnes âgées.
Des cas de tuberculose sont encore signalés en France. Existe-t-il un risque de voir cette maladie réapparaître de manière significative en France ?
On entend souvent dire que la tuberculose a disparu en France. C’est faux. Cette maladie, dans certaines régions, que ce soit l’Ile de France, Mayotte ou Guyane, constitue une réelle préoccupation de santé publique. Dans le seul département du Rhône, on enregistré quelques 200 nouveaux cas par an. La vaccination par le BCG n’est plus obligatoire depuis juillet 2007. Dans ces conditions, un retour en force de la tuberculose n’est pas à exclure, en particulier chez les enfants. La vaccination reste donc le meilleur moyen de se prémunir contre les formes graves de la tuberculose chez l’enfant en bas âge, que ce soit la tuberculose miliaire ou la méningite tuberculeuse. Au-delà de quinze ans, le vaccin est moins recommandé car son efficacité ne dépasse pas 50%.
Quelles sont les populations à risques pour la tuberculose ?
Essentiellement les enfants provenant de certains pays ou nés de parents issus de zones à forte endémie de tuberculose, à savoir l’Afrique Noire et l’Asie. Des secteurs où l’infection à VIH réduit les défenses immunitaires et augmente donc les risques de contracter une forme grave de la tuberculose avec à la clé de nombreux décès.
Comment est-on contaminé par la tuberculose ?
Par voies aériennes, dans des espaces confinés. Les personnes vivant dans des habitats précaires, dans des foyers d’hébergement, avec une forte de promiscuité, sont particulièrement concernées par la tuberculose.
A savoir
La plupart de vaccins sont remboursés à 65% sur prescription médicale. Certains vaccins sont même pris en charge à 100% par l’Assurance Maladie: c’est le cas du vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) pour les enfants de 12 mois à 17 ans révolus, et le vaccin contre la grippe saisonnière pour les populations à risques (personnes âgées de plus de 65 ans, personnes atteintes de certaines affections de longue durée…) qui reçoivent chaque année une invitation de l’Assurance Maladie.