À l’heure où la campagne de vaccination contre la Covid-19 s’accélère en France, de nombreuses questions tournent autour des premiers vaccins disponibles. Doit-on se faire vacciner en ayant déjà contracté le virus ? Le vaccin empêche-t-il la transmission du virus ? Les explications du Dr Bertrand Issartel, infectiologue et co-gérant de MIIT Médical, à Villeurbanne, invité de l’émission « Votre Santé », ce jeudi 20 janvier sur BFM TV Lyon.
Selon un récent sondage d’IPSOS, seulement 40 % de la population française accepterait de se faire vacciner contre le coronavirus. Un nombre relativement bas qui témoigne des craintes et des questions que se posent les français vis-à-vis de la vaccination contre le coronavirus. Les vaccins arrêtent-ils la transmission du Covid-19 ? Quel vaccin choisir ?
Eléments de réponse avec Bertrand Issartel, infectiologue et co-gérant du MIIT Médical, à Villeurbanne, invité d’Elodie Poyade et Pascal Auclair dans l’émission Votre Santé (BFM Lyon).
“C’est une vraie maladie contrairement à ce que certains ont pu dire”
Pourquoi faut-il se faire vacciner contre le coronavirus ?
Bertrand Issartel : Je pense que la question devrait à peine se poser. Tout le monde a bien conscience de l’impact de l’épidémie. Au niveau personnel où chaque famille a pu être touchée mais aussi au niveau individuel avec les personnes qui ont été malades et qui savent que c’est une pathologie assez fatigante qui peut durer plusieurs semaines, même à des âges pas forcément extrêmes de la vie. Il y a un impact plus important, bien évidemment, chez nos ainés que l’on voit mourir tous les jours dans nos services. C’est une vraie maladie contrairement à ce que certains ont pu dire. ll ne s’agit pas d’une grippette. Il n’y a pas eu qu’une seule vague donc nous constatons que nous sommes loin d’en avoir terminé. Si l’on veut en finir avec cette épidémie, une des seules solutions aujourd’hui, c’est la vaccination.
“Il ne faut pas avoir peur du vaccin à ARN messager”
Le vaccin fait peur dans toute une partie de la population, est-ce justifié?
C’est normal d’avoir peur des thérapeutiques. Chaque thérapeutique peut avoir des effets secondaires. C’est assez normal. Nous nous sommes responsables d’un centre de vaccination international, nous vaccinons à peu près 12 000 personnes par an. On constate globalement que les gens ont peur de la vaccination pour différentes raisons. Une crainte de l’inoculation, de la piqûre. La vaccination, c’est aussi un acte de prévention. Je pense que la France a un peu de retard sur la conscience de la prévention. On a du mal à se dire que l’on va faire quelque chose pour prévenir une éventuelle maladie.
De nombreuses fake news circulent : on a notamment entendu que l’on inocule un petit morceau du virus de la Covid-19. Est-ce vrai ?
Pour répondre plus précisément, non on n’injecte pas un virus mais c’est une approche vaccinale. Classiquement les vaccins comme le fameux BCG, que l’on ne fait plus, ou encore le vaccin contre le ROR (la rougeole-oreillons-rubéole), sont des vaccins vivants atténués. Certains vaccins anti-Covid en préparation des vaccins fonctionnent ainsi. Ce n’est pas le cas des premiers vaccins utilisés, c’est-à-dire Pfizer et Moderna, qui sont des vaccins ARN et dont il ne faut pas avoir peur. Je dirais même que ce sont des “vaccins bio”. On injecte simplement ce que fait le virus lui-même, à savoir du matériel génétique qui va permettre à notre système de fabriquer un antigène qui va provoquer la défense et l’efficacité du système immunitaire. Cela n’a rien de nouveau, nous sommes toujours dans un système où l’on va exposer notre organisme à un antigène qui va induire une réponse immunitaire.
“Il faut faire confiance aux vaccins actuellement disponibles”
Pfizer et Moderna sont sur le marché. D’autres vont bientôt arriver et sont en cours d’autorisation. Peut–on choisir son vaccin ?
Le critère du choix, c’est d’avoir un vaccin efficace. Nous avons une chance énorme car alors que les autorités demandaient aux fabricants une efficacité vaccinale d’au moins 50%, les vaccins dont nous disposons actuellement ont des efficacités supérieures à 90 %. S’il faut choisir un vaccin, il faut prendre celui qui a la meilleure efficacité. Par chance, les premiers qui sont sortis ont des taux de réponses fabuleux, un peu inattendus. Il faut faire confiance à ces vaccins. Il n’y a aucune raison d’attendre un autre vaccin qui serait meilleur car il y a peu de chance qu’il le soit. Autant se vacciner au plus vite quand on est à risque pour éviter d’être infecté mais aussi de casser la chaîne de propagation.
Si l’on a déjà été infecté par la Covid-19, doit-on se faire vacciner ?
C’est une question qui reste en suspend. On voit de temps en temps des patients qui, vraisemblablement, font plusieurs infections. Ce qui parfois est difficile à diagnostiquer. Mais nous savons que cela arrive pour d’autres maladies. Manifestement, il y a des gens qui sont réinfectés au Covid-19 mais ils sont très rares dans nos services. 99 % des personnes que l’on voit sont des primo-infectés. En tout cas il n’y a pas de contre-indication à se faire vacciner alors que l’on a déjà attrapé le Covid. Les études montrent actuellement que l’on a une immunité naturelle qui dure dans la plupart du temps de 8 à 12 mois. Il n’y a donc pas urgence à se faire vacciner si on l’a déjà eu : autant laisser la place à des gens qui n’ont pas encore été infectés.
Vaccination Covid-19 : risques et effets secondaires
Si l’on est allergique ou asthmatique, peut-on se faire vacciner ?
Les seules précautions à prendre actuellement sur ces vaccins concernent les réactions allergiques qui ont surtout été démontrées dans les phases de mise en place de la vaccination. Ces quelques cas d’allergies restent extrêmement rares. Pour l’instant, les sociétés d’allergologie nous proposent des projections pour savoir qui peut être vacciné. La plupart des allergies rapportées ne sont pas des contre-indications. L’asthme n’est pas également une contre-indication tout comme l’eczéma.
Quels sont les principaux effets secondaires ?
Les principaux effets secondaires sont assez classiques : des réactions locales et éventuellement un peu de fièvre, de la fatigue pendant une ou deux heures voir quelques jours. Du grand classique par rapport à ce que l’on connaît. Il y a toujours une crainte des effets secondaires tardifs. La France est le pays qui a longtemps cru que le vaccin de l’hépatite B pouvait provoquer la sclérose en plaque. Des études ont démontré que ce n’était pas le cas. En tout cas de nombreuses études ont montré que les complications à distance des vaccinations étaient très rares. Néanmoins, il existe des exemples rares dans l’histoire. Le plus classique est celui de la grippe, et du syndrome de Guillain-Barré. Mais on s’est finalement aperçu que ce syndrome était moins fréquent chez les personnes vaccinées que chez les gens qui avaient la grippe.
Ces craintes sont légitimes comme toutes craintes mais contrairement à ce que les gens pensent, il y a très peu d’exemples de complications à distance de la vaccination.
La vaccination, véritable frein au virus ?
Le vaccin empêche t-il la transmission du virus ?
Il s’agit de quelque chose de très discuté actuellement. Pour l’instant, cela n’a pas été démontré dans les études: il faudrait en effet faire des tests PCR à tous les patients vaccinés pour voir s’ils sont positifs. Cela n’a pas été fait. Nous disposons tout de même de l’étude de Moderna, où un test PCR a été effectué avant la deuxième dose. Et il y a eu moins de tests PCR positifs chez les personnes vaccinées. On ne peut donc pas répondre formellement à cette question, mais on peut être plutôt rassurant là-dessus.
“L’avantage du vaccin ARN est qu’il peut être rapidement modifié”
Nous avons peu de recul pour l’instant sur ce virus et les effets secondaires éventuels. Est-ce que l’on sait concrètement combien de temps on va être immunisé avec ce vaccin ?
Pour l’instant non, l’avenir nous le dira. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte. Actuellement, nous parlons beaucoup des variants. Les vaccins actuels, par exemple, protègent contre le variant anglais mais il y a des interrogations sur la qualité de la protection contre le variant sud-africain. On sait que plus un virus va muter, plus il va se modifier et plus l’arme que l’on a mis en place aujourd’hui risquera d’être inefficace. Mais là encore, l’avantage du vaccin ARN est qu’il peut être très rapidement modifié. On modifie la séquence et on fabrique la protéine du nouveau variant. C’est une chance d’avoir ces vaccins ARN.
Vaccination : enfin le bout du tunnel ?
Le vaccin va-t-il nous permettre de retrouver une vie normale un jour ?
Je ne suis pas épidémiologiste mais quelques-uns se sont lancés. Cela va prendre malheureusement plusieurs mois. On peut espérer vers la fin d’année qu’entre l’immunité collective liée à la maladie et les gros efforts sur la vaccination, le virus ait un impact beaucoup moins important qu’aujourd’hui.
Votre consoeur Odile Launay, infectiologue, a récemment évoqué le confinement. Elle préconise un confinement seulement des personnes à risques. Seriez-vous pour ou contre ?
On a montré que l’épidémie ne s’arrêtait pas aux personnes à risques. Un confinement limité à ces seuls patients à risque ne suffirait donc pas à limiter la propagation.
Pour voir l’émission Votre Santé du 20 janvier en replay sur BFM Lyon.
À SAVOIR
Le MIIT Médical, Médecine Interne Infectieuse Tropicale, est un Centre de Vaccinations Internationales et de Médecine des Voyages. Situé à Villeurbanne (Rhône), ce centre est habilité à effectuer la vaccination contre la fièvre jaune et à délivrer les certificats internationaux de vaccination.