La transplantation d’organes, malgrĂ© son caractère d’urgence, s’appuie en France sur un système parfaitement rodĂ©. Les explications de Laurent Sebbag, mĂ©decin cardiologue Ă l’hĂ´pital Louis Pradel de Lyon, oĂ¹ 70 greffes de cÅ“ur ou de poumon sont rĂ©alisĂ©es chaque annĂ©e.
Les types de greffes pratiquées à Lyon
Quelles sont les greffes pratiquées à Lyon ?
Aujourd’hui, nous sommes capables de rĂ©aliser des transplantations du cÅ“ur, du poumon, du rein, du foie, du pancrĂ©as, de la cornĂ©e, de la moelle Ă©pinière, des mains… Chaque Ă©tablissement lyonnais a sa spĂ©cialitĂ© : le foie et le pancrĂ©as Ă la Croix-Rousse, le rein Ă Edouard Herriot, la moelle Ă Lyon-Sud… A Louis Pradel, ce sont le cÅ“ur et le poumon.

Qui fait le lien entre donneurs et transplantés ?
Le nerf de la guerre, en vue d’une transplantation, est de trouver un organe disponible. En France, c’est l’Agence de la Biomédecine qui recense les donneurs potentiels dans les différents hôpitaux et décide de l’attribution des organes aux différentes équipes hospitalières, en fonction de la gravité de l’état des patients en attente d’une greffe et, bien sûr, de la compatibilité.
Quel est le délai d’attente moyen pour les patients sur liste d’attente ?
58% de la population sera greffée dans les 6 mois. Les autres patients, notamment les moins gravement atteints, pourront attendre jusqu’à 2 ou 3 ans. Mais 10% des patients figurant sur la liste d’attente meurent chaque année, faute de donneurs potentiels.
30% de la population encore opposĂ©e au don d’organes
Qui sont les donneurs ?
Il est possible, sous des conditions très strictes, dâ€™Ăªtre donneur de son vivant. Mais il s’agit la plupart du temps de patients dont la mort encĂ©phalique, autrement dit l’arrĂªt irrĂ©versible du cerveau, est dĂ©clarĂ©e. Dans le cas d’un accident grave, l’équipe d’urgence va Ă©valuer la situation et dĂ©terminer si la victime est sauvable ou non. Si ce n’est pas le cas, des examens sont effectuĂ©s pour apporter la preuve qu’il peut bien Ăªtre donneur d’organes, sachant que chaque personne peut donner plusieurs organes. Un entretien avec la famille est Ă©galement rĂ©alisĂ© dans tous les cas. Ceci demande du temps, et dans le cas d’une greffe, celui-ci est comptĂ©.
Peut-on refuser dâ€™Ăªtre donneur ?
La loi fait de toute personne un donneur potentiel. La seule manière de s’y opposer est de s’inscrire sur le registre des refus. Si ce n’est pas le cas, on a l’obligation de se tourner vers les proches de la victime pour leur demander si elle aurait acceptĂ© de lâ€™Ăªtre. Il arrive que l’on se retrouve face Ă une opposition, dans certains contextes culturels ou ethniques. Nous avons encore des refus exprimĂ©s dans 30% des cas, et l’un des enjeux de nos campagnes de sensibilisation est de faire baisser ce chiffre.
Greffe : priorité aux cas les plus graves
En cas d’accord, comment sont attribués les organes ?
La distribution se fat en fonction d’un tour d’accès parmi les personnes en attente, très rĂ©glementĂ© pour Ă©viter les problèmes d’influence. Pour les reins et le foie, il existe un système de score objectif et indĂ©pendant : chaque patient cumule des points en fonction de sa pathologie, de sa durĂ©e d’attente, etc. Bien sĂ»r, les cas les plus graves Ă©tant prioritaires. Cet Ă©chelon de prioritĂ© nationale concerne les personnes susceptibles de dĂ©cĂ©der sous quelques jours. Pour le cas d’une transplantation cardiaque, on va nous proposer tous les cÅ“urs disponibles en France et Ă l’étranger, en espĂ©rant trouver une compatibilitĂ©.
La distance influe-t-elle sur l’attribution des organes ?
En cas d’attente standard, c’est Ă dire sans caractère d’urgence vitale, le poids du local intervient. Une greffe d’organe, entre le prĂ©lèvement sur le donneur, le transport et la transplantation, Ă©tant une course contre la montre, on accorde ainsi plus de chances d’attribution si le donneur est local. Mais il est difficile d’en trouver : l’an dernier, sur les 37 greffes de cÅ“ur rĂ©alisĂ©es Ă Louis Pradel, seuls cinq donneurs Ă©taient de Lyon.
Du donneur au greffé, une course contre la montre
Pourquoi les transplantations sont-elles plutôt réalisées la nuit ?
L’examen des organes du donneur, l’entretien avec la famille et l’organisation du déplacement peuvent prendre la journée. Et c’est la nuit que l’on a accès au bloc, que les équipes médicales sont disponibles. La journées, elles sont en effet mobilisées pour assurer l’activité chirurgicale courante. Cela nécessite beaucoup de souplesse de la part des équipes. A Louis Pradel, nous avons ainsi une dizaine de chirurgiens capables de réaliser des transplantations.
Comment s’organise la récupération des greffons ?
Lorsque l’on est prĂ©venu de la disponibilitĂ© d’un donneur et de la probable compatibilitĂ©, le service de coordination hospitalière, basĂ© Ă Edouard Herriot, organise le dĂ©part de l’équipe chargĂ©e d’effectuer le prĂ©lèvement et de ramener le cÅ“ur. Elle se compose d’un chirurgien et d’un interne, qui seront assistĂ©s sur place par du personnel dĂ©diĂ©. L’acte de prĂ©lèvement est un geste mĂ©dical relativement simple, mais il faut une rĂ©elle expertise pour apprĂ©cier la qualitĂ© du greffon, sans perdre de temps. Il arrive parfois que le chirurgien constate que l’organe n’est pas bon. Du coup, le patient, qui a entretemps Ă©tĂ© convoquĂ© et prĂ©parĂ©, doit rentrer chez lui. Cela se produit en moyenne une fois pour chaque patient.
Pourquoi le transport d’organes se fait-il le plus souvent en avion ?
Le temps est un facteur clĂ©. Le cÅ“ur ne peut pas Ăªtre privĂ© de sang plus de 4 heures. Il faut compter le temps du prĂ©lèvement, le transport du greffon et le retour. Lorsque le donneur est dans un rayon de 2 heures, on peut effectuer le trajet en voiture. Mais la plupart du temps, c’est en avion, au dĂ©part de Lyon-Bron, oĂ¹ une compagnie aĂ©rienne spĂ©cialisĂ©e assure cette mission vitale. La France est vaste, et ces vols sont indispensables Ă l’activitĂ© de transplantation. Il arrive parfois que l’on ne puisse pas dĂ©coller, en cas de mauvaises conditions. Dans ce cas lĂ , le cÅ“ur peut Ăªtre attribuĂ© en urgence Ă un autre patient, dans un autre Ă©tablissement : voilĂ pourquoi il est essentiel dâ€™Ăªtre toujours prĂªt.
Plus d’infos sur le site de la fĂ©dĂ©ration nationale des greffĂ©s du cÅ“ur et du poumon
*RĂ©alisĂ© par Katell QuillĂ©vĂ©rĂ© et adaptĂ© du bestseller de Maylis de Kerangal, le film ‘’RĂ©parer les vivants’’ met en scène Tahar Rahim et Emmanuelle Seignier autour d’une histoire de transplantation cardiaque (sortie le 2 novembre 2016).
A SAVOIR
C’est un colloque pluridisciplinaire qui, à l’hôpital, valide l’inscription du dossier d’un candidat à la transplantation sur le fichier de l’Agence de la Biomédecine. En 2015, 21 464 personnes figuraient sur cette liste d’attente.
Selon la FĂ©dĂ©ration des Associations pour le Don d’Organes et de Tissus Humains, 5746 patients ont Ă©tĂ© transplantĂ©s en 2015, dont 471 du cÅ“ur, 345 des poumons, 1355 du foie, 2486 du rein, 78 du pancrĂ©as et 3 de l’intestin.
Le nombre de transplantation a augmenté de 30% en dix ans, passant de 4428 en 20065 à 5746 en 2015. Sur cette période, 49198 personnes ont bénéficié d’une greffe. On estime à plus de 57000 le nombre de personnes porteuses d’un greffon en France, depuis la généralisation des transplantations à partir des années 80. La qualité des traitements anti-rejet permet à certains patients de franchir la barre des 30 ans de greffe.








