Un médecin qui apprend le taux d'erreurs médicales dans son hôpital.
Le rapport annuel de la HAS porte sur 16 060 déclarations d’EIGS reçues à la HAS de mars 2017 au 31 décembre 2024.  © Adobe Stock

Chaque année en France, des milliers de patients sont victimes d’erreurs médicales à l’hôpital. Mais derrière les chiffres officiels se cache une réalité bien plus vaste : ces événements indésirables graves associés aux soins restent encore largement sous-déclarés. Pourquoi un tel écart entre la réalité et les statistiques ? Que disent les données, et surtout, comment mieux protéger les patients ?

En 2024, 4 630 événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) ont été officiellement déclarés par les professionnels de santé et transmis à la Haute Autorité de Santé (HAS). Cela représente une hausse de 13 % par rapport à 2023 selon le rapport de la Haute Autorités de Santé (HAS).

À première vue, ce chiffre pourrait laisser penser que les hôpitaux surveillent mieux les incidents. Mais la HAS précise que ces déclarations, en hausse, restent “bien en‑deçà de l’attendu” et reflètent surtout une meilleure appropriation du dispositif, signe d’une culture de sécurité qui progresse. En d’autres termes, de nombreux incidents ne sont jamais reportés dans les bases officielles.

Le terme « erreur médicale » recouvre en réalité plusieurs situations :

  • Une erreur de diagnostic (par exemple un cancer non détecté à temps) ;
  • Une erreur médicamenteuse (mauvais dosage, mauvaise prescription) ;
  • Un acte chirurgical raté ou inapproprié ;
  • Une infection nosocomiale évitable ;
  • Ou encore un défaut de surveillance.

Ces incidents, lorsqu’ils entraînent un dommage grave ou un décès, doivent être déclarés par les établissements de santé au sein du dispositif national de signalement des événements indésirables graves (EIGS).

Pourquoi si peu de déclarations ?

Malgré l’obligation légale, la sous-déclaration reste massive. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène :

  • La peur de la sanction : certains soignants craignent des conséquences disciplinaires ou judiciaires.
  • Le manque de temps et de moyens : dans un hôpital en tension, remplir un rapport prend du temps, souvent perçu comme une charge administrative supplémentaire.
  • Une culture du silence : en France, contrairement à certains pays nordiques, la transparence sur les erreurs médicales reste difficile à instaurer. On préfère parfois « régler le problème en interne ».
  • Le manque de retour : beaucoup de professionnels estiment que déclarer ne change rien, faute de suivi ou de mesures correctives visibles.

Le nombre réel d’erreurs médicales est bien supérieur aux chiffres communiqués.

Combien d’erreurs médicales chaque année en France ?

Difficile à dire précisément, puisque par définition, toutes ne sont pas signalées. Mais plusieurs études permettent d’avoir un ordre d’idée :

  • Selon l’étude nationale ENEIS 3 (2019), on observe en moyenne 4,4 événements indésirables graves associés aux soins pour 1 000 jours d’hospitalisation, et 2,6 % des séjours sont causés par un EIG, dont plus de la moitié sont évitables. Seuls 1 sur 61 EIGs éligibles à la déclaration avaient été effectivement déclarés lors de la collecte, illustrant la sous‑déclaration selon le Ministère de la Santé, ENEIS 3 et Santé publique France.
  • L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’en Europe, environ 10 % des patients hospitalisés sont touchés par un événement indésirable lié aux soins, dont la moitié serait évitable.

Ces données suggèrent que les milliers de cas déclarés chaque année ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

Quels sont les impacts pour les patients et le système de santé ?

Les conséquences humaines sont lourdes : perte de confiance, traumatismes, handicaps, voire décès. En France, plusieurs affaires médiatisées (erreurs de dosage, opérations sur le mauvais organe…) ont rappelé la gravité du problème.

Les conséquences économiques sont également considérables. En 2024, l’ONIAM a versé un peu plus de 186 M€ d’indemnisations et 1 225 personnes ont été indemnisées à l’amiable (toutes causes relevant de ses missions).

Les experts pointent plusieurs pistes :

  • Former davantage les soignants à la gestion des risques ;
  • Instaurer une véritable culture de la transparence, en valorisant la déclaration plutôt qu’en la sanctionnant ;
  • Renforcer les moyens humains et techniques pour permettre aux équipes d’analyser les erreurs ;
  • Associer les patients dans le signalement, comme cela se fait déjà dans certains pays.

Si le nombre de signalements progresse, il reste encore très en-deçà de la réalité. Mais l’objectif fixé par la HAS est clair : atteindre d’ici 2030 un taux de déclaration cinq fois supérieur à celui d’aujourd’hui, afin que chaque erreur médicale puisse devenir une source d’apprentissage plutôt qu’un simple constat d’échec.

À SAVOIR

Depuis 2017, les erreurs médicales peuvent être signalées en ligne sur le portail national signalement.social-sante.gouv.fr. En 2024, plus de 25 000 signalements y ont été enregistrés tous types confondus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
Ma Santé

Article précédentNutrition : est-ce dangereux de manger trop de protéines ?
Article suivantDe l’essence dans nos assiettes : une enquête révèle la présence d’hexane dans notre alimentation
Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici