La première fois est souvent une vraie source d’inquiétude pour les adolescents. Peur d’avoir mal, de ne pas être à la hauteur… Sans tabou, la sexologue et conseillère conjugale lyonnaise Jeanne-Marie Vidon répond à toutes les questions que se posent les jeunes sur le sexe.
Pourquoi la « première fois » est une telle source d’angoisse pour les ados ?
Comme toute nouvelle expérience et découverte, il est normal d’avoir un peu d’appréhension. Mais paradoxalement, il y a souvent à côté de cette anxiété beaucoup d’impatience et de curiosité car on ne sait pas ce que l’on va découvrir. Je dirais même que c’est bien d’avoir un peu peur. Cette appréhension est une émotion importante, elle vient dire que l’on n’est pas prêt à faire n’importe quoi, que l’on se prépare à ce moment. Mais, une peur trop grande, qui se rapproche de l’angoisse, n’est pas forcément une émotion adéquate pour deux raisons. D’une part, cette première fois ne justifie pas tant de crainte (c’est une belle aventure). D’autre part, cette angoisse peut s’avérer paralysante et nous conduire à ne pas avoir la posture adéquate.
Première fois, le sexe en questions
La communication est certainement très importante dans cette grande étape de la vie. A qui les ados peuvent-ils se confier ?
Naturellement, si les relations familiales le permettent, les parents demeurent une belle référence. Mais ce n’est pas évident car dans certaines familles, on ne parle pas de ça, mais aussi car certains ados préfèrent mettre de la distance avec leurs parents. En interrogeant des jeunes autour de moi, ces derniers m’ont dit qu’ils préféraient plutôt se confier entre copines filles et copains garçons, notamment en discutant avec celles et ceux qui avaient déjà vécu ce moment. Bien sûr, il est aussi possible d’en parler à son petit copain et à sa petite copine, mais cela n’est pas toujours aussi simple que ça. Si l’adolescent n’a personne à qui parler, ou qu’il préfère une personne neutre, il existe aussi les centres de planification dans lesquels les jeunes sont très bien accueillis et peuvent aborder toutes ces questions.
Les peurs sont-elles différentes chez les filles et les garçons ?
Les filles et les garçons ont autant peur l’un que l’autre, mais pas pour les mêmes raisons. Les filles ont souvent peur d’avoir mal, de saigner, d’être enceintes car elles ne sont pas sous contraceptif, ou tout simplement peur de perdre leur virginité, de déplaire à leurs parents voire parfois à leur frère. Dans certaines cultures et dans certaines famille, la première fois est un peu évoquée, ou mal évoquée, ce qui amène certaine jeunes filles à craindre ce moment.
Quant aux garçons, ils n’ont en général pas tant peur que cela de perdre leur érection, mais plutôt de ne pas être à la hauteur, d’avoir un sexe déplaisant, trop petit, et aussi de ne pas savoir trouver l’endroit où pénétrer.
Première fois, des précautions à ne jamais oublier
Avant de se lancer, quelles sont les précautions que les ados ne doivent jamais oublier de prendre pour se protéger ?
Déjà, quand on a un petit copain ou une petite copine depuis quelques temps, il faut en parler ensemble et savoir par exemple qui va acheter le préservatif. Il faut absolument prévoir de l’avoir avec soi et ne pas attendre que ce soit son copain ou sa copine qui l’ait. On peut acheter des préservatifs dans les supermarchés ou à la pharmacie, mais si l’on n’est pas à l’aise, on peut utiliser les distributeurs de préservatifs à l’extérieur des pharmacies. Il y en a aussi qui sont distribués gratuitement dans les centres de planification ou d’accueil pour les jeunes. C’est une bonne option car les ados n’ont pas forcément toujours l’argent de poche nécessaire ou l’envie de passer à la caisse du supermarché.
Quel est le bon « moment » pour cette première fois : quel environnement, mais aussi quel type de relation ?
Déjà, le bon moment, c’est lorsque l’on se sent prêt et que l’on en a envie. Si l’on est amoureux et en couple depuis un moment, que l’on en a beaucoup parlé, que l’on s’est beaucoup embrassés, on le fait car on ressent du désir et de l’excitation. En général, les garçons sont plus proches de leur désir, mais les filles le sentiront quand leur corps parlera, qu’elles ressentiront un élan qui les pousse vers l’autre, une chaleur, et aussi qu’elles seront lubrifiées. Si l’on ne ressent pas cela, c’est certainement qu’il faut encore attendre un peu.
Quant au cadre, il faut qu’il soit un minimum sécurisant et cocooning afin que l’on n’ait pas peur d’être dérangé, ce qui ajouterait une anxiété environnementale supplémentaire.
Sexe, attention aux réseaux sociaux
Parfois, certains ados se lancent sans sentiments comme pour se débarrasser de leur virginité, et se sentir ainsi plus à l’aise lorsqu’ils parleront de ce sujet à leurs amis. Est-ce une bonne ou une mauvaise idée ?
La première fois doit être basée sur le respect de soi et de l’autre. Il n’y a aucune obligation d’accepter de faire l’amour si l’on n’en a pas envie. Parfois, la première fois ne se passe pas avec une personne que l’on aime, mais on passe à l’acte car on est trop curieux et excité de vivre cela, que l’on trouve la personne belle. A ce moment là, il est très important d’avoir un minimum confiance en son partenaire car sinon on s’expose aux railleries et à ce que sa vie privée soit étalée sur les réseaux sociaux. Même s’il n’y a pas de sentiment amoureux, il faut vraiment bien choisir la personne.
Et si c’est la première fois pour les deux partenaires, est-ce que cela change quelque chose ?
Les ados que j’ai interrogés m’ont confiée que lorsque c’est la première fois pour les deux partenaires, cela a l’avantage de ne pas créer la même peur d’être comparé. C’est donc plutôt rassurant.
Est-ce qu’une fille a obligatoirement mal lors de la première fois ? Qu’est-ce que les partenaires peuvent faire pour limiter cette douleur ?
Non, toutes les filles n’ont pas systématiquement mal, ou ne saignent pas forcément. L’origine de la douleur est souvent liée à la peur car le vagin se contracte. Parfois, la pénétration va même être impossible. Il faut prendre le temps de baisser cette peur avec des caresses afin que la fille soit suffisamment lubrifiée. Il est aussi possible d’utiliser un lubrifiant si la douleur est trop présente. Il ne faut pas non plus hésiter à remettre la première pénétration à une autre fois si vraiment les conditions ne sont pas réunies. Cela peut être gênant mais il s’agit de se respecter soi. La peur est souvent liée au manque de préparation.
Porno et fellation, attention aux idées fausses
Quant aux garçons, il y a certainement la crainte de ne pas être performant. Là encore, y-a-t-il des techniques pour que l’excitation ne monte pas trop vite, ou faut-il simplement être indulgent avec soi-même ?
Ce que l’on voit dans les films pornos n’existe pas dans le monde réel. Les acteurs sont préparés, les scènes coupées. En général, les garçons pensent moins à la performance qu’à la peur de ne pas y arriver tout court car ils ont certes vu des sexes sur un écran, mais ils ne connaissent pas celui de leur copine. Il est important qu’ils soient indulgents et bienveillants envers eux-mêmes, et ne passent pas directement à la pénétration. La pénétration n’est pas une finalité en soi. Pour les calmer, ils peuvent rester longtemps dans les préliminaires comme ça ils sont excités mais ne se mettent pas trop en danger.
Les jeunes s’imaginent souvent que les préliminaires se caractérisent par des pratiques comme le cunnilingus et la fellation. Mais cela demande d’installer au préalable une vraie intimité ?
Effectivement, une fellation n’est pas un acte préliminaire, il s’agit déjà d’un acte sexuel car il y a pénétration. Pour une jeune fille, qui n’a jamais fait l’amour, ce peut être inquiétant car la sexualité met en scène les 5 sens (la vue, le gôut, l’odorat, le toucher, l’ouïe). Lorsque l’on ne connaît pas cette partie du corps de l’autre, les sécrétions, cela peut mettre mal à l’aise, et être vécu comme intrusif ou imposé. Ce n’est pas parce que l’on voit ça dans les films pornos que les filles aiment cela et le demandent systématiquement. Démarrer par une fellation n’est donc vraiment pas la meilleure des idées. Les jeunes ont toute une vie sexuelle devant eux pour découvrir de nouvelles pratiques !
Premier rapport, l’organisme attendra…
Si cette première fois ne s’est pas très bien passée, faut-il s’inquiéter de la suite ? Le plaisir doit-il venir immédiatement ?
Non, bien sûr, il ne faut pas s’en inquiéter ! C’est une première fois, et l’on ne réussit que très rarement à la première tentative, et ce dans tous les domaines de la vie. L’important est d’être bienveillant, de ne pas se moquer si le garçon a éjaculé trop vite ou que la fille a eu mal. Il ne faut bien sûr pas s’attendre à avoir un orgasme la première fois ! On éprouve déjà du plaisir d’avoir vécu ce moment. De plus, certaines filles ne se sont jamais masturbées, et ne savent donc même pas ce que c’est que de ressentir un orgasme. Pour les filles, il peut être important de prendre le temps de se découvrir seules au préalable, sans stress. Mais la masturbation féminine est encore un peu tabou !
A SAVOIR
En France, l’âge moyen du premier rapport sexuel est de 16,8 ans. 27% des jeunes ont une activité sexuelle avant 16 ans.