
Touchant chaque année près de 60 000 hommes en France, pour 8000 décès selon Santé publique France, le cancer de la prostate reste le plus fréquent des cancers masculins. L’âge moyen de son diagnostic est de 70 ans, ce qui en fait un cancer majoritairement attribué aux séniors. Ce n’est pourtant pas toujours le cas. Malgré sa fréquence, le cancer de la prostate reste entouré de nombreuses idées fausses, qui tendent à compliquer la prévention, le dépistage et la prise en charge. Ma Santé lève le voile sur les dix idées reçues les plus courantes, avec le concours du Dr Philippe Pacheco, chirurgien urologue à Lyon, avec un objectif : favoriser un dépistage régulier et le plus précoce possible.
Le cancer de la prostate, le plus fréquent chez les hommes (25% des cancers masculins) est une maladie complexe, dont les représentations restent parfois floues ou erronées.
À l’heure où la médecine évolue vers une approche personnalisée, mieux informer les hommes sur ce cancer est essentiel pour favoriser un dépistage éclairé, une prise en charge adaptée et une qualité de vie préservée. Briser les idées reçues, c’est déjà faire reculer la maladie. La preuve par dix.
Idée reçue n°1: « Le cancer de la prostate ne touche que les hommes âgés »
FAUX. Il est vrai que l’âge constitue un facteur de risque important : en France, l’âge moyen au moment du diagnostic est de 70 ans. Cependant, cette donnée masque une autre réalité : des hommes plus jeunes, parfois dès 45 ans, peuvent eux aussi être concernés, en particulier s’ils présentent des antécédents familiaux (père ou frère touché) ou des mutations génétiques connues, comme BRCA1 ou BRCA2.
Ignorer cette possibilité peut retarder la vigilance ou le dépistage chez des patients pourtant à risque. Il est donc essentiel de ne pas réserver la surveillance à la seule tranche d’âge des plus de 70 ans.
L’avis du Dr Pacheco
« Il faut souligner l’importance des mutations génétiques, dont le gène BRCA : cette mutation augmenterait par trois le risque de développer un cancer », précise le Dr Philippe Pacheco, chirurgien urologue à Lyon. « Le risque de développer un cancer de prostate avant 60 ans chez les patients porteurs de la mutation BRCA2 serait ainsi multiplié par plus de 20 ! D’où l’importance de faire un dépistage précoce à partir de 45 ans dans les populations à risque. »
Idée reçue n°2 : « C’est un cancer qui évolue lentement, donc ce n’est pas grave »
FAUX. Le cancer de la prostate est souvent décrit comme lent, et c’est parfois vrai : certains cancers dits “indolents” peuvent rester localisés pendant des années, justifiant une surveillance active sans traitement immédiat.
Mais tous ne suivent pas cette évolution. Des formes agressives existent, capables de se propager rapidement, notamment aux os et aux ganglions. Une évaluation précise du grade tumoral (score de Gleason), du taux de PSA et des résultats d’imagerie permet d’adapter la stratégie. Il ne faut donc jamais banaliser ce cancer, même si son évolution peut être lente dans certains cas.
Idée reçue n°3 : « La chirurgie ou le traitement peuvent rendre impuissant ou incontinent »
VRAI. C’est l’une des craintes les plus fréquentes chez les hommes : perdre le contrôle urinaire ou souffrir de dysfonction érectile après traitement. Pourtant, ces effets secondaires, bien que possibles, ne sont pas systématiques. La chirurgie moderne (notamment assistée par robot), les techniques dites nerve-sparing (qui préservent les nerfs de l’érection) ou encore les nouvelles formes de radiothérapie permettent souvent de limiter ces séquelles.
Par ailleurs, la rééducation périnéale, l’accompagnement sexologique et les traitements complémentaires permettent d’améliorer nettement la qualité de vie. La crainte d’une atteinte irréversible à la virilité ne doit pas faire renoncer à un traitement.
Idée reçue n°4 : « Le dépistage du cancer de la prostate est inutile ou dangereux »
FAUX. Ce sujet a longtemps fait débat. Contrairement au dépistage organisé du cancer du sein ou du côlon, la France ne recommande pas un dépistage systématique du cancer de la prostate. Mais elle encourage depuis quelques années un dépistage individualisé, discuté entre le médecin et son patient à partir de 50 ans, voire 45 ans en cas de facteurs de risque.
Cette stratégie permet de réduire la mortalité tout en limitant les effets pervers du surdiagnostic. Quand il est bien conduit, le dépistage permet de détecter à temps les cancers à haut risque, qui justifient une prise en charge précoce.
Idée reçue n°5 : « Le cancer de la prostate est forcément héréditaire »
FAUX. Avoir un père ou un frère atteint du cancer de la prostate augmente le risque — notamment si la maladie a été diagnostiquée avant 65 ans — mais cela ne signifie pas que tous les cancers de la prostate sont d’origine génétique.
En réalité, seulement 5 à 10 % des cas sont liés à une transmission héréditaire clairement identifiée. La majorité des diagnostics concernent des cancers dits « sporadiques », liés à l’âge, au mode de vie ou à d’autres facteurs environnementaux. Autrement dit, l’absence d’antécédents familiaux ne protège pas, et la présence d’un terrain génétique ne condamne pas non plus.
L’avis du Dr Pacheco
« Si la forme sporadique est la plus fréquente (70%), il existe bien une forme héréditaire de cancer de prostate, la plus à risque d’agressivité », détaille le Dr Pacheco. « Elle concerne des familles avec au moins trois cas de cancer de prostate chez des apparentés au premier ou deuxième degré, mais aussi les familles avec des cas de cancer de prostate très jeune avant 55 ans. Le risque est alors multiplié par 20 par rapport à la population générale. Cette forme héréditaire représente 10 % des cancers.
Il existe enfin une autre forme familiale, dans les familles recensant au moins deux cas, et qui concerne 20 % des cancers de prostate. Là aussi, cela souligne la nécessité d’un dépistage précoce, dans ces populations à risque, à partir de 45 ans ».
Idée reçue n°6 : « Il n’y a pas de symptômes, donc je ne risque rien »
FAUX. Ce mythe est particulièrement dangereux, car le cancer de la prostate est souvent silencieux à ses débuts. Il ne provoque généralement aucun symptôme tant qu’il reste localisé. Ce n’est que lorsqu’il atteint un volume important ou lorsqu’il commence à se propager qu’apparaissent des signes cliniques : troubles urinaires (jet faible, mictions fréquentes, urgentes ou nocturnes), douleurs, voire sang dans les urines ou le sperme.
Attendre l’apparition de symptômes pour consulter, c’est donc souvent attendre trop longtemps. D’où l’importance du dépistage précoce chez les hommes à risque.
Idée reçue n°7 : « Il faut forcément un toucher rectal pour détecter un cancer de la prostate »
FAUX. Le toucher rectal reste un examen clinique de base en urologie. Il permet au médecin de palper la prostate à travers la paroi du rectum pour détecter une éventuelle induration ou asymétrie suspecte. Mais il ne permet pas à lui seul de poser un diagnostic de cancer, et un toucher normal n’exclut rien. Certains cancers se développent dans des zones non accessibles au doigt.
Aujourd’hui, cet examen est systématiquement complété par un dosage du PSA et, en cas d’anomalie, par une IRM de la prostate, voire une biopsie ciblée. En résumé, le toucher rectal est un outil utile, mais ni suffisant ni obligatoire à chaque étape.
L’avis du Dr Pacheco
« Le toucher rectal est l’examen clinique de base », note le Dr Philippe Pacheco. « Mais dans certains cas, cet examen peut permettre de suspecter un cancer alors que le PSA est normal. D’autre part, dans certains cas exceptionnels, il peut permettre de dépister une autre maladie, telle qu’un cancer du rectum. D’où l’importance de la pratique de ce geste en médecine ».
Idée reçue n°8 : « Le test PSA est fiable à 100 % »
FAUX. Le PSA, ou antigène prostatique spécifique, est l’outil de dépistage le plus utilisé, mais il n’est pas infaillible. De nombreux facteurs peuvent faire varier son taux dans le sang : infections, inflammation bénigne de la prostate (adénome), ou même une activité sexuelle récente. Il peut ainsi être élevé sans qu’il y ait de cancer, ou normal malgré une tumeur présente.
C’est pourquoi les médecins interprètent désormais le PSA en tenant compte de l’âge, de l’évolution dans le temps, du rapport PSA libre/total, et croisent ces données avec l’imagerie et les antécédents. Un PSA élevé n’est donc qu’un indice, pas une preuve.
L’avis du Dr Pacheco
« Le PSA est le reflet de la vie de la prostate. À noter que la surveillance est délicate chez les patients faisant du vélo. Cependant il s’agit d’un marqueur spécifique de la prostate, facilement reproductible et peu onéreux ».
Idée reçue n°9 : « Les cancers de la prostate ne sont pas tous opérables »
VRAI. Contrairement à une idée reçue, la chirurgie n’est pas toujours le traitement de référence, ni le plus adapté. Chez les patients âgés, fragiles ou porteurs de maladies chroniques, les risques peuvent dépasser les bénéfices. De même, en présence de métastases ou de formes avancées, la prostatectomie ne permet pas de guérir la maladie et peut être écartée au profit d’une hormonothérapie, radiothérapie ou chimiothérapie.
D’autres options comme la curiethérapie ou la surveillance active peuvent être proposées dans les formes peu évolutives. La décision se prend toujours au cas par cas, lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
L’avis du Dr Pacheco
« Effectivement, le diagnostic d’un cancer de prostate n’entraîne pas forcément un traitement », précise le Dr Pacheco. « Mais dans certains cas on peut tout à fait envisager une surveillance active ».
Idée reçue n°10 : « L’alimentation ou le mode de vie favorisent le cancer de la prostate »
VRAI. De nombreuses recherches ont mis en évidence le lien entre alimentation, hygiène de vie et risque de cancer de la prostate. Une consommation élevée de graisses saturées, de produits laitiers, de viandes rouges ou transformées pourrait favoriser l’apparition de la maladie.
À l’inverse, une alimentation riche en légumes, tomates (lycopène), oméga-3, fibres et la pratique régulière d’une activité physique semblent avoir un effet protecteur. L’obésité et la sédentarité sont également pointées comme facteurs aggravants. Changer ses habitudes peut donc faire une réelle différence, aussi bien en prévention qu’après un diagnostic.
L’avis du Dr Pacheco
« L’alimentation et le style de vie peuvent aussi jouer un rôle dans le développement du cancer », confirme le Dr Philippe Pacheco, qui illustre ses propos en évoquant les inégalités ethniques en matière de cancer (lire À SAVOIR). « En effet, chez les Asiatiques ayant émigré aux États-Unis, on constate après une génération une incidence identique à celle des Américains de race blanche ».
À SAVOIR
Le caractère ethnique joue un rôle important dans la prévalence du cancer de la prostate. Les hommes d’origine africaine ont en effet trois fois plus de risque que les hommes d’origine caucasienne a contrario. Le risque est beaucoup moins important chez les Asiatiques. Le taux d’incidence du cancer de prostate au Japon est ainsi de 34 pour 100 000 habitants, contre 90 pour la France métropolitaine et 220 pour les Antilles.







