la concentration n’est pas une chose facile, tant chez l’enfant que l’adulte
La concentration, chez l'adulte comme chez l'enfant, se travaille avec quelques méthodes simples. ©Pexels

Jean-Philippe Lachaux est directeur de recherche à l’Inserm, au sein du Centre de recherche en neurosciences de Lyon. Auteur de plusieurs ouvrages sur la question de l’attention, il explique comment parvenir à améliorer notre concentration au quotidien.

Nous éprouvons tous des difficultés à nous concentrer. Est-ce parce que l’on tente de faire deux choses à la fois ?

Oui, cela peut être dû au fait que l’on essaye de faire deux choses à la fois, ou même ne rien faire de spécial et simplement avoir envie de se divertir. Par défaut, les circuits de la récompense et des habitudes vont orienter notre attention de manière automatique vers ce qui est saillant physiquement (un flash lumineux) ou affectivement (le visage d’une actrice que l’on apprécie). Si je regarde quelque chose de rigolo sur un écran, je vais avoir une gratification immédiate. Donc si on ne stabilise pas son attention, les deux autres systèmes vont prendre le dessus.

L’une des clefs pour augmenter notre attention, est-ce donc de nous concentrer sur un objectif et de le fragmenter en plusieurs petites missions ?

Découper son objectif en plusieurs petites missions permet d’activer le circuit de la récompense, stimulé par chaque petit succès. C’est cette fameuse satisfaction éprouvée quand on raye quelque chose de sa liste de choses à faire. Par exemple, déclarer ses impôts est une vraie corvée, mais l’on est satisfait lorsque l’on s’en est débarrassé.
Dans beaucoup de métiers, on est sans cesse interrompu, sans cesse sollicité. L’idéal est donc de planifier des mini missions en amont, et de s’y atteler dès que l’on arrive de bonne heure au bureau. Les adultes peuvent faire plusieurs choses en même temps, mais ils ne mesurent pas la puissance d’une bonne concentration. Avoir une attention bien maîtrisée permet de régler très rapidement les problèmes.

Concentration, une “énorme” marge de progression

Jean-Philippe Lachaux nous explique que nous pouvons largement améliorer nos performances grâce à une meilleure concentration ©DR

Est-ce que nous pouvons être réellement concentrés durant 8 heures par exemple dans une journée, ou véritablement seulement 3 heures ?

On ne s’en rend pas compte, mais nous avons énormément de marge de progression dans notre capacité à nous concentrer. La sensation de fatigue vient souvent d’un conflit entre des intentions contradictoires qui chacune aspirent notre attention dans une direction différente, comme lorsque l’on rédige et que l’on souhaite absolument trouver une bonne tournure de phrase. Il existe aussi différents modes d’attention. Par exemple, on peut faire davantage usage de nos automatismes, et cela est moins fatigant et nous permet d’avoir une attention stable plus longtemps. Parfois, il faut simplement changer de contexte et d’état d’esprit pour enlever la sensation de fatigue et parvenir au même résultat.
Il faut aussi savoir que notre capacité à nous concentrer est augmentée lorsque nous sommes calmes et relaxés, et que l’on ne risque pas de nous interrompre. C’est important car le système exécutif fonctionne mieux à ce moment là. On génère de meilleures images mentales. Or, quand on doit réfléchir, on doit souvent produire des images mentales de ce que l’on cherche à faire ou organiser.

Quelle est l’importance de la mémoire de travail dans l’attention, et comment l’entraîne-t-on ?

La mémoire de travail permet de garder des informations à l’esprit pendant quelques instants.  Cela nous permet par exemple de mémoriser un numéro de téléphone, ou un chemin pour nous rendre à la gare. La mémoire de travail est déjà sollicitée en permanence puisque nous devons mémoriser des informations au quotidien, donc cela ne sert pas forcément à grand chose de se donner des exercices supplémentaires pour la stimuler, comme je le vois parfois.
Cependant, on peut la travailler en apprenant à visualiser le résultat de ce que l’on cherche à faire. Par exemple, cela nous arrive souvent de nous rendre dans la cuisine sans nous souvenir de ce que nous cherchons. Il ne s’agit pas d’un problème de mémoire mais de programmation. Il faut apprendre à faire une pause et à visualiser ce que l’on veut aller chercher dans la cuisine avant de s’y rendre.

Ne pas se laisser distraire par sa petite voix

Dans votre livre, vous parlez de l’importance de la petite voix : de quoi s’agit-il exactement ?

On utilise notre petite voix intérieure pour apprendre par exemple une poésie ou préparer une intervention orale – c’est simplement une activité de discours interne qui n’est pas exprimée à haute voix. La petite voix peut aussi garder en mémoire une information que l’on a lue et que l’on doit écrire. Mais elle peut aussi nous distraire comme lorsque l’on se chante une mélodie dans la tête, ou quand on ressasse une conversation désagréable avec un collègue la veille. L’important est donc de savoir si cette petite voix intérieure nous aide ou si elle nous distrait, et ainsi de jouer avec notre attention pour la stabiliser ou au contraire la laisser s’effacer.

Pourquoi est-il important de maitriser son regard pour ne pas se laisser distraire ?

Souvent, la distraction commence par l’attraction visuelle vers un objet. Presque à chaque fois, le regard va suivre l’objet. Pour s’en rendre compte, on peut simplement marcher dans la rue et faire un tout petit effort d’introspection pour remarquer comment s’est déplacé notre regard, pas dans le détail bien sûr, pendant que nous marchons entre un point A et un point B. Où est parti notre regard, qu’est-ce qui a attiré notre attention ? C’est un bon premier pas pour comprendre ce qu’aime notre attention et comment elle se déplace, car le regard suit souvent l’attention. Comme si l’on observait le comportement de notre poney !

A SAVOIR

Jean-Philippe Lachaux est auteur de l’ouvrage “Les petites bulles de l’attention” (éditions Odile Jacob) en direction des plus jeunes. Les adultes peuvent quant à eux se référer à son livre “Le cerveau attentif”, également paru aux éditions Odile Jacob.

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Journaliste indépendante depuis 2013, Paulina Jonquières d'Oriola s'est longtemps spécialisée dans la rédaction d'articles santé : psycho, sexualité, santé animale... Une fine plume au service de l'info santé !

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