Une étude grenobloise le confirme, les masques chirurgicaux seraient lavables jusqu’à 10 fois, et ce sans altération de leur efficacité, selon le Pr Philippe Cinquin, chercheur et praticien au CHU de Grenoble. Les recherches ont toutefois été interrompues par les autorités sanitaires. La réutilisation de ces masques dits jetables, corroborée par l’UFC-Que-Choisir, fait de plus en débat. Zoom sur cette étude qui dérange.
Ils jonchent le sol, remplissent nos poubelles et polluent les océans… Les masques chirurgicaux sont partout. Devenus les nouveaux accessoires indispensables depuis la pandémie de Covid-19, une grande quantité de ces masques sont utilisés chaque jour par les Auverhonalpins. Jetables, ils ne sont utilisables que durant quatre heures selon les autorités de santé… Une idée toutefois réfutée par les études du Professeur en médecine informatique Philippe Cinquin, également praticien hospitalier au CHU Grenoble-Alpes (Isère).
Selon ses recherches, réalisées à échelle expérimentale au laboratoire, les masques chirurgicaux (de norme EN 14683) seraient lavables et réutilisables. Ils garderaient ainsi l’efficacité de leur système de filtration, même après dix lavages en machine à 60° !
La durée de vie d’un masque ne serait donc pas de 4 heures, mais bien de 40 heures. C’est en tout cas ce que conclut la série de tests réalisée par le professeur grenoblois et son équipe de chercheurs au Centre national de recherche scientifiques (CNRS) en mars dernier. “Les masques chirurgicaux peuvent être lavés au moins 10 fois en machine avec détergent. Ils conservent dans ces conditions leur compatibilité avec la norme qui s’applique“, explique ainsi le Pr Cinquin. Même lavés, ils filtreraient donc 95 % des particules, contre 90% maximum pour les masques en tissu.
Des recherches non abouties et stoppées par l’ANMS
Toutefois, ces travaux prometteurs ont été stoppés. L’étude n’a pas pu être testée à l’échelle réelle et ne peut donc pas officiellement être prise en compte. “Malheureusement, l’ANSM nous a fait savoir qu’elle n’examinerait pas notre protocole“, se désole le Pr Cinquin.
Sans l’aval de l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour des essais à grande échelle, il leur est pour le moment impossible de préconiser la réutilisation et le lavage du masque chirurgical à la population. “Pour pouvoir recommander au grand public de laver son masque en machine, il manque un essai en vie réelle. En effet, les masques que nous avons lavés 10 fois avaient été portés une seule fois”, détaille le Professeur grenoblois.
L’explication de ce refus réside dans l’incompatibilité du protocole avec les recommandations des autorités sanitaires de jeter son masque chirurgical après quatre heures de port. Selon son statut légal, le masque chirurgical est en effet un “dispositif médical à usage unique”. C’est à dire qu’il est “destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales”.
En d’autres termes, après les quatre heures d’utilisation recommandées, il est considéré comme un “déchet”. Dans ce cadre très restrictif, il ne peut donc pas être réutilisé. “Aujourd’hui il n’y a pas de barrière technique à la réutilisation des masques chirurgicaux mais il faut lever les restrictions réglementaires”, explique Roger Genet, directeur de l’Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire (ANSES) au Monde.
Masques chirurgicaux réutilisables : l’expérience de l’UFC-Que-choisir
De son côté, l’UFC-Que-Choisir, association de poids dans les avis des consommateurs, a publié une étude avec les mêmes résultats. Elle explique ainsi : “Nos résultats confirment ce que des chercheurs avaient déjà découvert, sans toutefois publier le résultat de leurs expériences. Contrairement aux consignes officielles, la réutilisation des masques chirurgicaux pour un usage non médical est donc envisageable sans compromettre leurs performances. Y compris après passage au lave-linge. Ils se hissent au niveau des masques en tissu lavables 10 fois, tout en étant nettement moins coûteux à l’unité.”
Pour cette expérience, les masques chirurgicaux, de norme EN 14683, ont également été lavés en machine, à 60 degrés, avec un détergent. Cette expérimentation et la publication des résultats sont possibles pour l’association puisqu’elle n’est pas soumise, comme les recherches scientifiques, aux autorisations strictes de l’ANSM. En tant qu’association, ses recherches et conclusions n’ont toutefois pas non plus la valeur d’études scientifiques agréées.
Des études sur le lavage et la réutilisation des masques chirurgicaux n’ayant pas été réalisées à l’échelle réelle, les recommandations restent pour le moment les mêmes. Un usage unique et sa destruction après un port maximum de quatre heures. Dans l’attente (et l’espoir) d’une possible autorisation de l’ANSM pour la poursuite des études du Pr. Cinquin et de son équipe de chercheurs. Une recommandation sur la réutilisation des masques chirurgicaux pourrait être une avancée de taille pour la planète et le porte-monnaie.
À SAVOIR
L’efficacité de filtration de particules des masques chirurgicaux est testée avec un aérosol de taille moyenne de 3 µm. Il en existe trois types, répartis selon l’efficacité de leurs systèmes de filtration bactérienne. Selon l’INRS, le type 1 filtre plus de 95 % des particules. Le type 2 possède une efficacité de filtration de plus de 98 %. Le type 3 filtre quant à lui plus de 98% des bactéries et résiste également aux éclaboussures.