Piqûres, malaises, viols… les victimes du GHB témoignent de plus en plus. Fin 2021, le mouvement #Balancetonbar a envahi les réseaux sociaux en donnant la parole à des centaines de femmes ayant été droguées à leur insu. Quelle est cette drogue ? Quel effet a-t-elle sur l’organisme ? Que faire en cas d’injection ? Le point avec le Pr Benjamin Rolland, psychiatre et addictologue au CHU de Lyon.
Le GHB (acide gammahydroxybutyrique), aussi appelé « drogue du violeur », est à l’origine utilisé en médecine pour traiter la narcolepsie (trouble du sommeil chronique). Il a également des propriétés anesthésiantes. C’est seulement depuis une vingtaine d’années qu’il connait une utilisation complètement détournée. Les lieux de fête fréquentés par les jeunes sont notamment le terrain idéal pour les personnes malveillantes. Depuis un peu plus d’un an, les témoignages de victimes s’accumulent, ouvrant à une sensibilisation efficace mais donnant aussi un coup de fouet à la pratique.
Selon le Pr Benjamin Rolland, psychiatre et addictologue aux Hospices civils de Lyon, la raison est multifactorielle : « les médias s’y intéressent plus. Cela peut donner des idées à certains. Mais cela peut aussi éveiller d’éventuelles victimes et les pousser à agir suite à des piqûres et/ou intoxication forcée ».
Témoignage : “je ne comprenais pas ce qui se passait”
Charlotte, étudiante à Lyon, s’est fait piquer dans une boite de nuit en décembre dernier. Elle témoigne : « Tout d’un coup je me suis sentie tomber, j’étais incapable de tenir debout. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait, et puis je me suis mise à vomir et avoir des hallucinations. Heureusement, une amie qui m’a vue me faire piquer m’a très vite raccompagnée chez moi. J’étais assez consciente mais n’avais plus aucune maitrise de moi-même. Je n’ose même pas imaginer ce que des filles moins chanceuses que moi ont pu et peuvent encore subir. Ça a été un énorme traumatisme, après je n’ai pas pu retourner en boite pendant plusieurs mois ».
Pourquoi est-elle appelée « drogue du viol » ?
Cette drogue se présente sous la forme d’une poudre blanche soluble ou d’un liquide incolore, inodore et sans goût. Elle est souvent utilisée à des fins délictuelles et versée à l’insu d’une personne, dans une boisson, sans en changer ni l’aspect ni le goût.
« Une intoxication forcée par autrui signifie qu’il peut y a voir un risque d’abus sexuel ou de vol dans la suite de la soirée » souligne le Pr Rolland. Les abus sexuels sont très fréquents, d’où le nom « drogue du viol ».
Un effet en 10 à 15 minutes
Les effets du GHB se manifestent assez rapidement : en seulement 10 à 15 min. Ils durent environ deux heures. Cette drogue provoque une sensation de chaleur et d’ivresse qui peut être confondue avec les effets de l’alcool. La victime ressent quiétude, euphorie, perte de conscience et désinhibition.
« Dans une certaine mesure, cette drogue mime ou renforce les effets de l’alcool » explique l’addictologue. Faire la différence entre les deux est donc très compliqué : « ce n’est pas simple et c’est parfois même presque impossible. Disons que si quelqu’un pense que son état d’intoxication était beaucoup trop importante au regard de ce qu’il ou elle a bu en termes d’alcool, cela peut susciter la méfiance. Le fait d’avoir ressenti une piqure (principal mode d’intoxication rapporté actuellement) peut également être un élément qui éveille la victime ».
Les risques
À forte dose, les effets du GHB sont ceux d’un somnifère puissant. Il peut provoquer nausées, vomissements, somnolence, détresse respiratoire et perte de connaissance. « Les effets de potentialisation de l’alcool et d’autres sédatifs expose à un risque accru de sédation et de surdosage, qui peut amener à des accidents voire à un coma très dangereux » souligne le Pr Rolland.
Si le GHB a été administrée par seringue et si le matériel n’est pas stérile, il y a également un risque de contracter le VIH.
Comment réagir en cas de piqûre ?
En cas de doute, la victime potentielle doit impérativement prévenir un(e) ami(e) de confiance, alerter les services de sécurité et appeler le SAMU. Il est essentiel d’agir vite avant la perte de conscience.
Au réveil, il est important d’aller se faire dépister très rapidement. Le GHB n’est détectable que 8 heures dans le sang et 12 heures dans les urines. Un dépistage trop tardif amenuise les chances d’être reconnu comme une victime de GHB. « Le plus sûr est de se rendre dans un service d’urgence pour essayer de montrer la présence de GHB ainsi qu’un point d’injection objectivable. Puis aller porter plainte » conseille le Pr Rolland.
Les gestes simples pour se protéger
Garder constamment un oeil sur son verre est primordial, ainsi que ne pas accepter les verres offerts par des inconnus. Il faut aussi « être bien accompagné(e) et avoir un entourage qui a les bons réflexes de protection d’un personne intoxiquée ».
La capote de verre réduit aussi beaucoup les risques. C’est un capuchon de protection en silicone, à fixer au-dessus du verre pour boucher l’entrée. Au milieu se trouve une petite tétine dans laquelle on peut glisser sa paille. La capote de verre est réutilisable et son usage s’étend de plus en plus, dans les associations comme dans les bars et les boites de nuit.
À SAVOIR
De nombreuses associations vendent des capotes de verre afin de réduire les risques d’être victime de GHB : https://capote2verre.com/ ou encore https://drink-watch.com/