Homme dans un monde de femmes, le Lyonnais Morgan Stockman évoque son choix de devenir sage-femme et les difficultés qu’il a rencontrées pour y parvenir. Un statut particulier qui a fait sa force. Avec bienveillance et pudeur, il accompagne les femmes, tisse un lien de confiance avec elles, sur une période allant de la pré-conception jusqu’à la consultation post natale. Un champ de compétences souvent ignoré mais qui s’est progressivement étendu afin de pallier la pénurie de gynécologues.
En passe de gynécologue ? Pourquoi ne consulteriez-vous pas une sage-femme ? Parfaitement qualifiés pour assurer un suivi gynécologique de base, les membres de cette profession offrent une véritable alternative, à l’heure où les gynécologues se font de plus en plus rare. Selon le Comité de Défense de la Gynécologie Médicale, un collectif fondé en 1997, il n’y aurait plus en France que trois médecins gynécologues pour 100 000 femmes. L’occasion, donc, de découvrir un métier relativement méconnu avec l’un d’entre eux, Morgan Stockman, sage-femme à Lyon.
Sage-femme : entre prévention et accompagnement physiologique
Quels actes pouvez-vous pratiquer en tant que sage-femme ?
Nous pouvons faire le suivi gynécologique de prévention c’est-à-dire le dépistage du cancer du col de l’utérus et du sein avec palpation mammaire, la prévention des infections sexuellement transmissibles, la prescription de moyens de contraception (pilule, pose d’un implant ou d’un stérilet).
Nous pouvons également faire le suivi de grossesse mensuel afin de voir si la maman et le bébé se portent bien (écoute du coeur de l’enfant, vérification de sa croissance, prise de tension de la maman et prescription de bilan sanguin). Les sages-femmes ayant un diplôme universitaire peuvent faire la surveillance échographique du suivi de grossesse ainsi que des échographies gynécologiques (contrôle du bon emplacement du stérilet par exemple).
Nous pouvons préparer à l’accouchement. Ce volet non médical se pratique souvent en groupe. Nous pouvons ensuite accompagner les femmes lors de l’accouchement, de la rééducation du périnée et de l’allaitement. En cas de soins d’urgence, nous sommes formés à la réanimation cardiaque du nouveau-né en attente du médecin. Nous pouvons effectuer le suivi pédiatrique jusqu’à un mois.
Pour finir, nous sommes présents lors du soutien post natal. Il faut savoir que 20% des femmes peuvent faire une dépression post-partum. En outre, la première cause de décès chez les femmes dans la première année qui suit l’accouchement est le suicide. C’est une période sensible autant pour les parents que pour les enfants. Être accompagné par un professionnel de confiance permet de limiter les risques.
Quels actes ne pouvez-vous pas pratiquer en tant que sage-femme ?
Notre limite de fonctionnement est la physiologie et la prévention. Quand il y a une pathologie (une anomalie, une maladie), la patiente doit se tourner vers un gynécologue. Un gynécologue-obstétricien sera notamment en capacité d’opérer si besoin. Les sages-femmes peuvent suivre les grossesses normales. Une femme devra se tourner vers un gynécologue-obstétricien pour une grossesse pathologique (à risque).
Pourquoi est-on confronté à une pénurie de gynécologues ?
On demandait à des experts ayant fait 11 ans d’études de réaliser du suivi gynécologique de prévention au lieu de se concentrer sur des femmes souffrant de pathologies. Aujourd’hui, une femme qui veut un suivi gynécologique de prévention peut se tourner vers une sage-femme, un médecin traitant qui fait de la gynécologie, un gynécologue médical (médecin spécialiste) ou obstétricien (chirurgien).
“Un métier qui associe rigueur et accompagnement humain”
Pourquoi avoir choisi d’être sage-femme ?
Je n’ai pas eu médecine mais sage-femme. J’ai découvert un métier qui associe rigueur et accompagnement humain. J’ai appris la physiologie de l’accouchement, c’est-à-dire la capacité qu’ont les femmes à mettre au monde leur enfant. En tant que sage-femme, notre rôle est de les soutenir, de les sécuriser sur le plan médical, psychique et émotionnel. Les émotions jouent beaucoup dans le déroulé de l’accouchement. Une femme en confiance aura une naissance souvent améliorée. À l’inverse, la peur peut bloquer un accouchement.
Comment avez-vous vécu le fait d’évoluer dans un monde féminin ?
Au départ, je me suis demandé si j’étais légitime pour exercer ce métier. Quand on demande à un jeune homme de 19 ans de faire un toucher vaginal ou d’examiner une patiente, ce n’est pas simple. Il y a cette notion de rapport à l’intime, au corps de l’autre. En outre, j’avais le sentiment que les femmes sages-femmes avaient de facto plus de connaissances que moi. En réalité, être un homme a été une force. Ça m’a poussé à être dans une bienveillance extrême, avec pudeur et humilité. J’ai également dû apprendre à assumer un statut social car le mot sage-femme a une connotation très féminine. Quand je disais que j’étais étudiant sage-femme, je voyais souvent se dessiner un sourire sur le visage de mon interlocuteur.
Peut-on dire sage-homme ?
Non. Le mot sage-femme évoque la patiente et non le praticien. Il s’agit de sage dans le sens « la sagesse, le savoir de la femme ». Pour avoir un langage commun, on utilise le terme socratique « maïeutique » qui signifie « accoucher les idées, les pensées ». On parle de maïeuticien et de maïeuticienne. Ce terme vient gommer l’aspect genré du métier.
À SAVOIR
Une commission d’experts présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik a permis de mettre en exergue l’importance des 1000 premiers jours d’un enfant sur son développement physique et psychique.