
Un champignon multirésistant, jusque-là relativement discret, suscite l’inquiétude dans les hôpitaux européens : Candidozyma auris, anciennement Candida auris. Depuis quelques années, mais avec une nette accélération récemment, il se propage à grande vitesse dans les services de soins et provoque des infections nosocomiales difficiles à contrôler. Face à ce danger sous-estimé, que le Centre Européen de Contrôle des maladies qualifie de “grande menace pour les patients et les systèmes de soins”, les autorités sanitaires françaises ont mis en place une surveillance renforcée.
L’Agence européenne de contrôle des maladies (ECDC, pour Europen Centre for Disease Prevention and Control) vient de publier un rapport alarmant : la propagation de Candidozyma auris s’intensifie en Europe, avec un nombre de cas qui augmente, des pays où l’endémicité est atteinte et des hôpitaux en proie à des épisodes répétés d’infections nosocomiales.
“En quelques années, C. auris est passé de cas isolés à une large diffusion dans certains pays. Cela montre à quelle vitesse il peut s’établir dans les hôpitaux”, annonce le Dr Diamantis Plachouras, responsable de la section de la résistance aux antimicrobiens et des infections associées aux soins de santé de l’ECDC.
C’est quoi, ce champignon Candidozyma auris ?
Découvert pour la première fois en 2009 au Japon, C. auris est un champignon levuriforme capable non seulement d’infecter l’être humain, mais surtout de survivre dans des environnements hospitaliers difficiles.
Il colonise la peau, peut se fixer sur des surfaces diverses — rideaux, matelas, appareillages médicaux — et y rester actif pendant longtemps. Sa résistance aux températures élevées, aux désinfectants classiques et aux antifongiques courants en fait un agent pathogène particulièrement redouté.
Les infections invasives — quand le champignon pénètre le sang ou des organes profonds — entraînent des taux de mortalité élevés, estimés dans plusieurs études entre 29 % et 53 % selon le contexte clinique.
Les personnes les plus à risque sont celles hospitalisées, notamment en soins intensifs, avec dispositifs invasifs (cathéters, ventilation, sondes urinaires), ayant des maladies chroniques ou immunodéprimées. L’infection peut être grave : septicémie, atteintes viscérales, mortalité élevée. Même chez les patients non infectés, la colonisation complique les soins, accroît les durées d’hospitalisation et les coûts.
Une accélération du nombre de cas dans les hôpitaux d’Europe
Selon le dernier rapport de l’ECDC (été‑début septembre 2025), plus de 4 000 cas d’infection ou de colonisation par C. auris ont été rapportés dans l’Union européenne (UE) et l’Espace économique européen (EEE) entre 2013 et 2023.
Parmi ces cas, une accélération nette est observée : en 2023, ce sont 1 346 cas dans 18 pays de l’UE/EEE qui ont été déclarés, contre beaucoup moins les années précédentes.
L’Espagne, la Grèce, l’Italie, la Roumanie et l’Allemagne en sont les plus impactés. Mais la menace s’étend désormais aux hôpitaux d’autres pays, comme l’Allemagne, Chypre et la France, où les autorités sanitaires ont mis en place une surveillance renforcée.
Résistance antifongique : omment les hôpitaux peuvent-ils enrayer la menace ?
Selon l’ECDC, tous les pays européens ne sont pas également préparés. Seuls 17 disposent d’un système de surveillance nationale pour C. auris, et 15 ont des lignes directrices spécifiques pour la prévention et le contrôle des infections liées à ce champignon.
“A l’échelle nationale, les systèmes de santé doivent être alertés du risque, établir une surveillance, fournir des guidelines afin de prévenir et contrôler les infections, et s’assurer que les laboratoires de biologie médicale aient bien la capacité de répondre à la situation“, prévient l’ECDC. “Les hôpitaux doivent être préparés à identifier les cas, mettre en place une prévention efficace et enfin s’assurer que lors de transferts de patients, les hôpitaux soient bien alertés que le patient est porteur du champignon.”
Avec une mobilisation cohérente — détecter tôt, agir vite, coordonner efficacement — il est possible de freiner la diffusion du champignon et d’enrayer le risque d’infection nosocomiale. “La détection précoce et le contrôle rapide des infections coordonnées peuvent toujours empêcher une transmission supplémentaire”, confirme le Dr Plachouras. La gravité de la situation appelle une réponse forte, tant au niveau national qu’européen, pour protéger les patients, alléger la pression sur les hôpitaux et limiter une menace qui pourrait devenir hors de contrôle si elle n’est pas contenue dès maintenant.
À SAVOIR
Une maladie nosocomiale est une infection contractée dans un établissement de soins (hôpital, clinique, etc.), généralement après 48 heures d’hospitalisation. Elle peut être liée aux soins, au matériel médical ou à la transmission entre patients et soignants. Ces infections concernent souvent les voies urinaires, respiratoires, la peau ou le sang.







