Environ 4200 personnes meurent chaque année en France à la suite d’une infection contractée lors d’un séjour dans un établissement de soins. C’est plus que les accidents de la route. Comment éviter l’infection ? Peut-on faire baisser ce nombre ? Les explications du Pr Philippe Vanhems, responsable du service d’hygiène hospitalière et de prévention des infections nosocomiales aux Hospices Civils de Lyon (HCL), et qui a également évoqué le sujet sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 20 février 2024.
5,71% des patients, soit 1 sur 18, contractent une infection nosocomiale. C’est la conclusion de la dernière enquête nationale de prévalence 2022 de Santé publique France. Le nombre de patients infectés a augmenté de 14,7% entre 2017 et 2022, mais le SARS-CoV-2 (Covid-19) est le plus grand responsable de cette hausse. En n’en tenant pas compte, le nombre de patients infectés reste à peu près stable sur ces dernières années.
« Je pense qu’il sera difficile de baisser ces chiffres dans un avenir proche », estime le Pr Vanhems. « Car les patients hospitalisés sont de plus en plus âgés. Ils présentent souvent des pathologies lourdes, des comorbidités. Ils sont de plus en plus fragiles, et donc plus exposés au risque de contracter une infection nosocomiale. »
Qu’est-ce qu’une infection nosocomiale ?
« C’est une infection acquise dans un établissement de soins (hôpitaux, cliniques…) qui n’était pas présente lors de l’admission du patient », répond le Pr Vanhems. Généralement, si elle se déclare dans les 48h suivant l’admission, on considère que l’infection était en incubation, elle n’est alors pas considérée comme nosocomiale. « Les plus fréquentes sont les infections urinaires, suivies par les pneumonies, les infections du site opératoire (suite à une intervention chirurgicale), et les bactériémies (la présence de bactéries dans le sang). »
Toutes n’ont pas le même degré de gravité. Si elles sont fréquentes, les infections urinaires sont inconfortables, mais heureusement bénignes dans la majorité des cas. A l’inverse, certaines infections nosocomiales peuvent être redoutables, entraînant parfois le décès du patient. Quatre bactéries, dont Escherichia coli et le Staphylocoque doré, sont impliquées dans une infection nosocomiale sur deux.
Comment les maladies nosocomiales se transmettent-elles ?
« Les infections nosocomiales, ou infections associées aux soins, peuvent se transmettre de différentes manières. Soit par contact direct, par exemple avec des mains mal désinfectées. Soit par transmission aérienne (gouttelettes ou air), comme avec la grippe, la COVID-19 ou la tuberculose. Le virus grippal et le SARS-CoV-2 pouvant se transmettre aussi par des mains insuffisamment désinfectées. » Comme pour beaucoup de maladies, l’âge est un facteur favorisant. « Plus on est âgé, plus on est à risque », résume le Pr Vanhems.
Les services de réanimation (23,17%) et les centres de lutte contre le cancer (15,81%) paient le plus lourd tribut à ce type d’infections. « D’une part parce que l’état de santé des patients y est souvent sévère, nécessitant des traitements lourds, et d’autre part parce que les gestes invasifs y sont nombreux (assistance respiratoire, cathéters…) », analyse le Pr Vanhems.
Les patients âgés, les personnes immunodéprimées, les nouveaux nés, les polytraumatisés et les grands brûlés sont particulièrement à risque. Certains traitements, notamment immunosuppresseurs, entraînent aussi une majoration du risque car ils sont associés à des altérations du système immunitaire. Par ailleurs, plus la durée d’hospitalisation est longue, plus le risque infectieux augmente.
Quels sont les symptômes d’une maladie nosocomiale ?
Les signes d’apparition d’une telle infection sont évidemment très variables. « On peut observer de la fièvre, un essoufflement, des difficultés respiratoires, une fatigue importante, des frissons, des douleurs musculaires… », énumère le Pr Vanhems.
Une grande partie de ces infections étant dues à des bactéries, « on donne, en général, un traitement antibiotique. Dans un contexte d’urgence, d’abord de manière empirique, avec des antibiotiques à spectre large. Avant que le personnel soignant n’adapte le traitement, très rapidement, dès que la bactérie pathogène aura été identifiée. Quand c’est un geste invasif qui est en cause dans l’infection, le dispositif va être retiré, et remplacé par un autre, évidemment stérile. »
Maladies nosocomiales : comment s’en protéger ?
« Mieux vaut prévenir que guérir », le dicton galvaudé retrouve ici tout son sens. S’il n’est pas possible d’agir sur les facteurs de risque propres aux patients (leur âge ou leur maladie, par exemple), la lutte contre les infections nosocomiales est efficace grâce au suivi de protocoles stricts d’hygiène dans les établissements de santé. Diminuer la propagation des microbes, ces micro-organismes qui peuvent être redoutables, passe d’abord par une bonne hygiène des mains, nettoyées soigneusement avant et après tout soin.
« Le port de gants pour réaliser un geste invasif, le port du masque, l’aération régulière des pièces… participent aussi à la prévention des infections. » La peau du patient doit être désinfectée dans les règles de l’art avant tout geste invasif. Le matériel doit être nettoyé et désinfecté entre chaque patient.
Les visiteurs, eux aussi, devraient se laver les mains avant d’aller rendre visite à un proche hospitalisé. Et s’abstenir de toute visite s’ils ont une maladie contagieuse, pour éviter toute contamination. « Un autre élément protecteur, c’est la vaccination, des soignants comme des patients. »
Retrouvez l’émission Votre Santé consacrée aux maladies nosocomiales sur Ma Santé TV.
A SAVOIR
L’antibiorésistance, un défi très sérieux. Parmi les bactéries souvent incriminées dans les infections nosocomiales, certaines sont devenues hautement insensibles à des antibiotiques (Bactéries Hautement Résistantes aux antibiotiques émergentes (BHRe). C’est un problème pris très au sérieux par les experts. Au-delà des efforts des chercheurs pour trouver de nouvelles molécules, c’est à chacun de respecter la dernière consigne martelée par l’Assurance maladie : « Les antibiotiques, bien se soigner, c’est d’abord bien les utiliser. » Autrement dit, ne les utiliser que pour des infections bactériennes, uniquement après avoir obtenu une prescription médicale, respecter à la lettre la durée du traitement, et rapporter les éventuels antibiotiques restants en pharmacie.