De plus en plus de personnes âgées sont placées sous curatelle ou tutelle
Pour un parent en perte d'autonomie, la tutelle ou la curatelle est souvent un dispositif juridique nécessaire pour sa protection ©freepik

Face à la perte d’autonomie et le déclin cognitif, il est parfois nécessaire de protéger un parent ou un proche en le plaçant sous tutelle ou sous curatelle. Deux dispositifs juridiques mal connus qu’il faut bien comprendre avant de prendre une décision parfois lourde de conséquences. Décryptage.

Avec l’allongement de l’espérance de vie et l’augmentation des pathologies liées au vieillissement, de plus en plus de familles sont confrontées à la question de la protection juridique d’un proche. Quand une personne n’est plus en mesure de gérer seule ses affaires, deux dispositifs légaux existent en France : la tutelle et la curatelle. 

Bien qu’ayant un objectif commun – protéger la personne vulnérable – ils diffèrent profondément dans leur mise en œuvre, leur intensité et les droits qu’ils laissent à l’individu protégé. Voilà pourquoi comprendre la différence entre tutelle et curatelle est essentiel pour accompagner au mieux un parent, un conjoint ou toute autre personne de votre entourage en perte d’autonomie.

Quand la santé fragilise l’autonomie

Selon les données de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), plus de 700 000 personnes majeures sont actuellement placées sous mesure de protection juridique en France. Le vieillissement, mais aussi certaines maladies chroniques ou psychiatriques, peuvent conduire à une incapacité partielle ou totale de gérer ses affaires, voire juste de traiter des opérations de la vie courante.

Les causes sont variées : maladie d’Alzheimer et autres démences, accidents vasculaires cérébraux (AVC), déficience intellectuelle, troubles psychiques sévères ou encore addictions graves. Dans tous les cas, l’objectif de la mesure est double : protéger la santé de la personne, tout en sécurisant ses biens et ses intérêts financiers.

Le rôle central du juge des contentieux de la protection

Attention toutefois, ces mesures ne sont pas automatiques. Elles sont prononcées par un juge des contentieux de la protection (ancien juge des tutelles), généralement à la demande de la famille, d’un proche ou du médecin traitant. La décision repose sur un certificat médical circonstancié, établi par un médecin inscrit sur une liste officielle. Ce document, obligatoire, décrit l’état de santé de la personne et précise son niveau d’altération des facultés.

Une assistance et non une substitution

La curatelle s’adresse aux personnes dont les facultés sont altérées mais qui conservent une capacité de discernement suffisante pour participer à certaines décisions. Le rôle du curateur est d’assister la personne, non de se substituer à elle. En d’autres termes, la personne protégée conserve une certaine autonomie, mais elle bénéficie d’un accompagnement pour les actes les plus importants de la vie civile.

Les différents degrés de curatelle

Il existe trois formes de curatelle, adaptées au degré de fragilité de la personne dont la santé est altérée :

  • Curatelle simple : la personne gère seule les actes courants de la vie quotidienne (comme les achats usuels ou la gestion de son budget courant). En revanche, elle doit être assistée par son curateur pour les actes plus engageants (par exemple, contracter un prêt, vendre un bien immobilier, accepter une succession).
  • Curatelle renforcée : le curateur intervient directement dans la gestion financière, notamment pour percevoir les revenus et régler les dépenses, afin de mieux encadrer le budget de la personne protégée.
  • Curatelle aménagée : le juge fixe précisément les actes que la personne peut accomplir seule et ceux nécessitant l’assistance du curateur. Cette formule sur mesure permet une grande souplesse.

Selon la loi, la curatelle ne peut pas priver la personne de son droit de vote, sauf décision expresse du juge après avis médical.

Quand l’autonomie n’est plus possible

La tutelle ne concerne que les personnes n’étant plus en mesure de gérer leurs affaires de manière autonome. Ici, il ne s’agit plus d’assistance mais de représentation. Le tuteur agit à la place de la personne protégée pour tous les actes de la vie civile, tout en prenant soin de respecter son bien-être et sa dignité.

Selon le ministère de la Justice, la tutelle concerne environ 45 % des mesures de protection juridique en France, souvent pour des personnes âgées très dépendantes ou atteintes de troubles cognitifs sévères.

Le rôle du tuteur

Le tuteur prend en charge la gestion complète des biens et des affaires courantes. Toutefois, certains actes restent soumis à l’autorisation préalable du juge, notamment :

  • la vente d’un bien immobilier,
  • la souscription d’un emprunt,
  • la donation d’un patrimoine.

Le tuteur doit rendre des comptes annuels sur sa gestion auprès du greffier en chef du tribunal judiciaire. Par ailleurs, la personne sous tutelle conserve certains droits fondamentaux, comme celui de se marier ou de reconnaître un enfant, mais souvent avec l’accord du juge.

Deux dispositifs conçus pour assister ou représenter

Pour résumer simplement :

  • La curatelle est une assistance : la personne agit mais avec un soutien pour les actes importants.
  • La tutelle est une représentation : le tuteur agit à la place de la personne qui ne peut plus décider seule.

La durée initiale des mesures est fixée par le juge, généralement pour 5 ans maximum, renouvelables si l’état de santé le justifie. Dans les cas irréversibles, la durée peut aller jusqu’à 20 ans.

Exemple concret

Un adulte atteint d’une maladie psychiatrique stabilisée mais qui a tendance à dépenser impulsivement pourra être placé sous curatelle renforcée, pour sécuriser la gestion de son budget tout en lui laissant une certaine autonomie.
À l’inverse, une personne âgée souffrant d’une démence avancée nécessitera une tutelle complète, car elle n’est plus capable de prendre des décisions éclairées.

La procédure à suivre est toujours la même. La demande se fait auprès du greffe du tribunal judiciaire du lieu de résidence de la personne à protéger. Elle peut être formulée par un proche, par le médecin traitant, ou par le procureur de la République. Le dossier comprend notamment :

  • le certificat médical circonstancié (coût moyen : environ 160 euros, tarif fixé par arrêté),
  • un formulaire de demande de protection,
  • les pièces d’état civil de la personne concernée.

Après étude du dossier, le juge convoque la personne à une audition, sauf si son état de santé rend cela impossible. Cette étape garantit le respect de ses droits et sa participation à la décision.

Préserver les intérêts financiers de la personne

Une mesure de protection n’a pas pour objectif de priver la personne de toute liberté. Elle vise au contraire à sécuriser son quotidien. Ainsi, la personne continue de décider de ses choix de vie personnels – par exemple, ses activités, ses relations sociales – tant que son état le permet.

Sur le plan financier, le curateur ou le tuteur veille à ce que les dépenses essentielles soient couvertes : logement, santé, alimentation. Les décisions engageant le patrimoine doivent toujours être prises dans l’intérêt de la personne.

La famille, un gage de confiance

Souvent, c’est un proche qui est désigné comme curateur ou tuteur, ce qui permet de préserver le lien affectif. Si aucun membre de la famille ne peut assumer ce rôle, un professionnel (mandataire judiciaire à la protection des majeurs) est nommé.

Un mandat pour anticiper sa future protection

Il est possible d’anticiper ces situations grâce au mandat de protection future. Ce dispositif permet à toute personne majeure de désigner, à l’avance, la personne qui sera chargée de veiller sur elle et de gérer ses biens le jour où elle ne pourra plus le faire seule. Ce mandat doit être rédigé devant notaire ou sous seing privé.

L’anticipation permet non seulement de rassurer la personne concernée mais aussi d’éviter des conflits familiaux parfois lourds au moment de la mise sous protection.

Un cadre protecteur, mais respectueux des droits

Tutelle et curatelle sont deux dispositifs différents mais complémentaires. L’un comme l’autre visent à protéger la personne vulnérable sans la déposséder inutilement de son autonomie. Le juge adapte la mesure au cas par cas, en tenant compte de la santé, des besoins et du niveau de discernement de la personne.

A SAVOIR

Dans un contexte de vieillissement de la population (l’Insee prévoit que les plus de 75 ans représenteront près de 15 % de la population française d’ici 2030 ), la tutelle et la curatelle sont deux mesures de protection appelées à se multiplier. Leur connaissance et leur bonne compréhension sont donc essentielles pour toutes les familles – de plus en plus nombreuses –  confrontée à la problématique de la perte d’autonomie de leurs aînés.

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Enfant des radios locales, aujourd'hui homme de médias, il fait partager son expertise de la santé sur les supports print, web et TV du groupe Ma Santé AuRA.

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