Une femme qui a décidé de sauter le pas et de se faire vacciner contre le HPV.
Votre médecin généraliste, pédiatre ou gynécologue, peut vous prescrire et administrer le vaccin ou vous orienter vers un lieu de vaccination. © Freepik

Il pourrait éviter des milliers de lésions précancéreuses chaque année et réduire drastiquement le risque de cancer du col de l’utérus. Pourtant, la France demeure frileuse devant le vaccin contre les papillomavirus humains (HPV). Mais pourquoi cette réticence ? Éléments de réponse. 

Le vaccin HPV fait partie de ces innovations qui auraient pu s’imposer comme une évidence. Un vaccin capable de prévenir un cancer, ce n’est pas si courant. On le présente souvent comme l’un des outils de santé publique les plus prometteurs du XXIᵉ siècle.

Et pourtant… Lorsque l’on observe les données de couverture vaccinale françaises, le tableau se brouille. La France, championne mondiale de la prévention dans bien des domaines, traîne ici un retard peu cohérent avec son niveau de développement.

Et le paradoxe intrigue d’autant plus que les preuves s’accumulent, deviennent plus solides, plus massives, presque impossibles à ignorer. Le vaccin HPV fonctionne. Il protège. Il réduit les cancers. Alors pourquoi reste-t-il l’un des plus contestés ?

Vaccin HPV : une efficacité prouvée !

L’étude suédoise publiée en 2020 dans le New England Journal of Medicine reste une référence. Pendant plusieurs années, les chercheurs y ont suivi 1,67 million de filles et jeunes femmes âgées de 10 à 30 ans, soit une cohorte pratiquement nationale. Et leur conclusion est sans appel. Vacciner avant 17 ans réduit le risque de développer un cancer du col de l’utérus d’environ 88 %.

Un tel niveau de protection est rare en prévention du cancer. Et surtout, il n’a rien d’un résultat isolé. D’autres pays observent la même tendance. En Australie, l’un des premiers États à avoir introduit une vaccination scolaire massive dès les années 2000, les registres montrent déjà une baisse spectaculaire des lésions précancéreuses de haut grade. 

À mesure que les cohortes vaccinées avancent en âge, les spécialistes constatent un recul tangible de la maladie. Preuve que l’effet du vaccin n’est pas théorique, mais bel et bien observable dans la population. À un tel niveau, la question ne porte plus tant sur l’efficacité que sur la capacité des systèmes de santé à atteindre suffisamment de jeunes avant qu’elles ou ils ne soient exposés au virus.

Une logique biologique implacable et un enjeu sanitaire majeur

Le cancer du col de l’utérus est presque toujours lié à quelques types bien identifiés de papillomavirus, surtout les HPV 16 et 18. Les vaccins utilisés en France, notamment Gardasil 9, ciblent justement ces types responsables d’environ 90 % des cancers du col.

En empêchant l’infection par les souches les plus dangereuses, on bloque la maladie dès le départ. Pas de virus, pas de lésions, donc pas de cancer.

Pourtant, ce cancer reste encore trop présent dans le pays. Chaque année, près de 3 000 femmes apprennent qu’elles en sont atteintes, et environ 1 000 en décèdent. Des femmes souvent jeunes, parfois sans aucun facteur de risque particulier. Et puisque huit adultes sur dix rencontreront le HPV au cours de leur vie, personne n’est vraiment à l’abri.

C’est pour cela que les spécialistes parlent d’une véritable opportunité historique. Avec près de vingt ans de recul et des données cohérentes dans plusieurs pays, l’efficacité du vaccin n’est plus discutée.

La France avance, mais pas assez vite. Depuis quelques années, la vaccination contre le HPV progresse, surtout grâce à la campagne scolaire lancée en 2023. Chez les adolescents nés en 2011, la couverture atteignait 62 % des filles et 48 % des garçons pour au moins une dose à la fin de l’année scolaire 2023-2024. Un vrai pas en avant dans un pays marqué par une certaine méfiance vaccinale.

Mais ces progrès ne suffisent pas encore à créer un effet de protection collective. Chez les adolescentes plus âgées, le retard est plus marqué. En 2021, seules 43,6 % des filles de 15 à 18 ans avaient reçu au moins une dose, et la vaccination complète restait encore plus faible.

Face à des pays comme l’Australie, où la vaccination est massive et où les lésions précancéreuses reculent déjà nettement, la France reste en retrait. Notre couverture HPV demeure l’une des plus basses d’Europe. L’objectif d’atteindre environ 80 % de couverture, régulièrement évoqué par l’INCa, semble donc encore lointain. Il faudra poursuivre l’effort pour espérer rattraper ce retard.

Vaccination HPV : un malaise autour de l’adolescence

Le vaccin HPV s’administre tôt, entre 11 et 14 ans. Trop tôt, diront certains parents. Alors, pour beaucoup, c’est justement là que les choses se compliquent. Parler sexualité à cet âge reste souvent délicat. Le simple fait de devoir signer une autorisation pour un vaccin lié à une infection sexuellement transmissible suffit à créer un malaise, même s’il ne s’agit pas d’encourager une activité sexuelle précoce.

Même si les médecins rappellent que le vaccin n’a strictement rien à voir avec le début de l’activité sexuelle, qu’il s’agit simplement de protéger avant l’exposition au virus, le message peine encore à passer. Le lien mental entre adolescence, intimité et prévention crée une zone de malaise qui n’existe pas pour d’autres vaccins.

Une méfiance vaccinale générale

Le vaccin HPV est arrivé en France dans un climat déjà tendu autour de la vaccination. Les campagnes médiatiques ont abordé le sujet de manière parfois maladroite, tandis que quelques rumeurs isolées ont pris une ampleur disproportionnée. 

Même si elles ont été démenties, l’ombre du doute a persisté dans certaines sphères. Les réseaux sociaux, souvent plus rapides que les démentis, ont amplifié des récits anecdotiques jusqu’à en faire des peurs collectives. Le vaccin HPV a hérité d’une réputation fragile dès son arrivée, dont il peine encore à se débarrasser aujourd’hui.

La France n’a pas toujours été exemplaire en matière d’organisation 

Jusqu’à récemment, la vaccination nécessitait plusieurs étapes administratives et logistiques : rendez-vous chez le médecin, prescription, retour en pharmacie, nouvelle consultation… Autant de petites barrières qui, accumulées, finissent par dissuader une partie des familles. 

L’introduction de la vaccination en milieu scolaire en 2023 a simplifié les choses. Beaucoup. Mais cette organisation nouvelle mettra du temps à produire son plein effet sur plusieurs générations d’adolescents.

Un cancer invisible, donc peu mobilisateur

Dernier frein, et non des moindres : la nature même du cancer que le vaccin prévient. Le cancer du col de l’utérus n’a rien du choc d’une épidémie fulgurante. Il n’y a pas de symptômes soudains, pas d’images fortes, pas de sentiment d’urgence collective. C’est un cancer discret, silencieux, qui évolue lentement.

Paradoxalement, cette discrétion joue contre la prévention. L’ennemi est invisible, lointain, difficile à imaginer. Alors l’effort d’anticipation demandé aux parents et à la société est plus grand que pour des maladies plus « visibles ». Et dans une société saturée de sollicitations, anticiper un danger qu’on ne voit pas n’est pas forcément naturel.

À SAVOIR

Même vaccinées, les femmes doivent continuer le dépistage. Le vaccin HPV ne protège pas contre tous les types de virus. C’est pourquoi la HAS et Santé publique France recommandent un dépistage régulier dès 25 ans, même en cas de vaccination complète.

Inscrivez-vous à notre newsletter
Ma Santé

Article précédentGrippe : la France renforce sa vaccination pour éviter un nouvel hiver meurtrier
Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici