L’homéopathie, mais aussi la sophrologie, l’ostéopathie, l’écriture thérapeutique ou encore la cuisine-santé. Toutes ces disciplines alternatives, composantes des médecines douces, font partie de l’arsenal déployé pour soulager le quotidien des malades du cancer et favoriser ainsi leur guérison. Cette prise en charge complète, qui s’inscrit dans le cadre d’une démarche de santé globale, est encore méconnue et ne bénéficie pas des financements dont elle aurait besoin. Les explications du Dr Alain Toledano, oncologue radiothérapeute et fondateur d’une maison de l’après-cancer soutenue par les Laboratoires Boiron (Rhône).
Essentiels dans la guérison du malade du cancer, les soins de supports rassemblent toutes les thérapies susceptibles d’améliorer la qualité de vie du patient. Douleur, fatigue, nausées… Le cancer est un combat difficile et toutes les armes sont utiles pour le mener, à commencer par les médecines alternatives. Or, et bien que les cancérologues les intègrent aujourd’hui de manière naturelle aux parcours de soin, nombre de patients méconnaissent, voire ignorent l’existence des soins de supports et des disciplines associées. 70%, selon l’Association française de soins oncologiques de support (Afsos) !
La raison de cette méconnaissance ? Un système de santé encore trop tourné vers le soin curatif, et pas assez vers la prévention et le bien-être des malades. Ce postulat impliquant une véritable révolution dans nos pratiques médicales et hospitalières, est partagé par un nombre croissant d’experts et de professionnels de santé. C’est le cas du Dr Alain Toledano, oncologue radiothérapeute, convaincu des bienfaits des médecines douces pour les malades du cancer pris en charge au sein de son Institut Rafaël.
Ce “centre de médecine intégrative et maison de l’après cancer”, situé en région parisienne, ne bénéficie d’aucun financement de l’État pour la mise en place de ces soins de supports. Il fonctionne avec le soutien de mécènes comme les laboratoires lyonnais Boiron, leader du marché de l’homéopathie. L’homéopathie fait en effet partie de ces médecines alternatives qui ont fait leurs preuves en matière de soins de supports en oncologie, comme l’expliquait le Dr Toledano lors d’un passage à Messimy (Rhône), le 13 janvier sur le site du Groupe Boiron.
“Une médecine centrée sur l’individu”
Les médecines douces ont-elles leur place en oncologie, notamment dans les soins de support ?
Oui. Aujourd’hui il y a 4 millions de Français qui ont ou qui ont eu un cancer. Ces cancers génèrent beaucoup d’effets secondaires. Les patients sont fragiles et, même s’ils n’ont plus de cancers, ils peuvent en garder des séquelles. Notre objectif est de proposer à chaque patient des parcours d’accompagnement orientés vers la nutrition, l’activité physique, les émotions, le bien-être, le retour à l’emploi… C’est pourquoi nous préférons parler de médecines complémentaires, plutôt que de médecines douces.
En quoi la distinction est-elle importante ?
L’idée est d’arriver à prendre le meilleur de chaque médecine complémentaire pour apporter un bénéfice adapté à chaque patient. En intégrant ces différentes thérapies, on passe d’une médecine centrée sur la maladie à une médecine centrée sur l’individu et son projet de vie. Et on montre ainsi que s’occuper de chacun de manière globale est plus bénéfique que de ne s’occuper que de la seule maladie.
Une trentaine de disciplines, dont l’homéopathie
Quelles sont les thérapies alternatives les plus utiles en oncologie ?
Dans un établissement comme l’Institut Rafaël, nous travaillons avec 80 soignants, médicaux et paramédicaux, représentant au total une trentaine de disciplines : des sophrologues, des sexologues, des nutritionnistes, des acupuncteurs ou encore des homéopathes. Pour accompagner les patients, nous utilisons aussi toutes les ‘’art thérapies’’, de la musicothérapie aux arts plastiques en passant par la danse thérapie, la dramathérapie par le théâtre, l’écriture thérapeutique. Chacun de ces soignants est susceptible de créer du lien et d’apporter au patient des outils favorisant son mieux-être et sa guérison.
Comment évalue-t-on le bénéfice de ces médecines complémentaires ?
On a montré par exemple qu’avec des parcours d’accompagnement simples on arrivait à diminuer de plus de 50% le taux de dépression, le sentiment d’isolement, la fatigue, les troubles du transit, les bouffées de chaleur ou encore les troubles du sommeil qui minent la vie de nos patients. Cela révèle à quel point il est fondamental, dans notre travail, d’intégrer ces thérapies dans le parcours de soin et de ne pas se contenter d’orienter les patients vers la chimiothérapie, la radiothérapie ou la chirurgie…
L’homéopathie accessible à tous les malades
L’homéopathie a-t-elle toute sa place dans cette démarche ?
La démarche homéopathique en elle-même est thérapeutique, parce qu’elle favorise une vision globale et holistique de la prise en charge de chaque patient. Elle a toute sa place dans les soins de supports. Les médicaments homéopathiques permettent d’accompagner, dans le cas du cancer, les effets secondaires générés, en complément des médicaments allopathiques classiques. L’homéopathie aide ainsi à traiter convenablement la fatigue, les bouffées de chaleur ou encore la douleur dans sa composante physique comme psychologique.
Tous les malades du cancer peuvent-ils bénéficier de traitements homéopathiques ?
Oui. Nous nous efforçons de proposer systématiquement aux patients d’avoir accès à des médecins homéopathes ou à des acteurs paramédicaux formés, pour accompagner la gestion de leurs symptômes. Nous menons la même démarche avec l’aromathérapie, l’acupuncture et toutes les médecines complémentaires intégrées aux parcours de soin. L’idée est bien de travailler main dans la main et de faire bénéficier le patient d’un soutien complet et collectif.
Comment les Laboratoires Boiron, leader de l’homéopathie dont le siège est à Lyon, contribuent-ils à cette démarche ?
L’Institut Rafaël offre les soins à chaque patient. Tout est gratuit pour lui. Pour y parvenir, nous nouons des partenariats avec des entreprises écoresponsables, des mécènes et des industries qui partagent ces valeurs du prendre soin. Boiron nous soutient financièrement, comme, entre autres, le Groupe Pierre Fabre ou la Région Île-de-France qui nous héberge. Ce soutien permet d’éviter d’avoir à sélectionner des patients, entre ceux qui pourraient s’offrir ces soins, et ceux qui ne le pourraient pas. Il permet à notre système de rester solidaire et l’on espère fermement qu’un jour cette approche globale de la santé se démocratisera et sera bénéfique à toute la société.
Une nécessaire refonte du système de santé
Quels sont les principes de cette approche globale de la santé ?
De la prévention à la réhabilitation en passant par les traitements en eux-mêmes, il faut se poser à chaque étape la question de comment traiter les symptômes pour mieux vivre et se sentir bien. La bonne santé ne se résume pas à l’absence de maladie, elle est aussi la composante d’une bonne santé psychologique, mentale, sexuelle, sociale… Il faut considérer chaque individu de façon globale.
L’idée est donc de tendre vers plus de prévention, et moins de curatif ?
Exactement, mais encore faudrait-il que les budgets soient mieux répartis. On sait que 40% des cancers sont évitables, tout comme 80% des maladies cardiovasculaires si l’on travaille sur les questions du tabac, de l’alcool, de la sédentarité et du surpoids. Mais moins de 3% de nos budgets de santé, en France, sont alloués à la prévention.
Une refonte complète de notre système de santé est-elle nécessaire ?
Oui, car être en bonne santé aujourd’hui, ce n’est pas seulement construire des hôpitaux, même si on en a besoin. Il faut déjà redonner un sens au travail des soignants, à ce million d’infirmières et d’aides-soignantes qui font un travail formidable mais dont beaucoup veulent changer de métier. Pour aller plus loin, oui, nous pouvons financer ces évolutions en santé. Une boîte de médicaments sur deux est jetée à la poubelle : on gaspille ainsi 7 milliards d’euros par an, qui pourraient être utilisés de manière plus judicieuse ! Le numérique, aussi, peut nous faire économiser beaucoup d’argent dans la coordination des parcours. Avec ces économies de santé, on pourrait parfaitement financer ces nouvelles démarches en santé globale ! Le système peut devenir vertueux, si l’on décide enfin d’ériger la santé comme un bien précieux et un bien commun.
À SAVOIR
L’Institut Rafaël, qui tient son nom de l’ange guérisseur, est un centre de médecine intégrative qui prône une prise en charge globale des patients atteints d’un cancer. Les programmes d’accompagnement y sont façonnés sur mesure pour répondre aux besoins ciblés du patient, à travers le recours à une trentaine de disciplines alternatives. Il se situe à Levallois-Perret, en région parisienne.