Un projet de décret envisage de mettre fin à l’exonération à 100 % dont bénéficient aujourd’hui les patients en affection de longue durée (ALD) pour les cures thermales. Le texte est soumis pour avis et n’a pas été publié au Journal officiel à ce stade. Mais, en ligne de mire, une entrée en vigueur envisagée au 1ᵉʳ février 2026.
Aujourd’hui, près de 13,8 millions de Français sont concernés par une affection de longue durée (ALD), selon les derniers chiffres de l’Assurance Maladie. Cette reconnaissance ouvre droit à une exonération du ticket modérateur. Autrement dit, une prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale pour tous les soins liés à la pathologie.
Les cures thermales prescrites pour une ALD bénéficient donc de cette couverture intégrale. Mais un projet de décret présenté à la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) vise à supprimer cette exonération. Si la mesure est confirmée, les cures thermales ne seraient plus remboursées qu’au taux commun de 65 %, comme pour les autres assurés.
Affections Longue Durée (ALD) : pourquoi ce projet de réforme ?
Comment les cures thermales sont-elles remboursées aujourd’hui ?
Chaque année, environ 500 000 Français suivent une cure thermale conventionnée. Ces cures sont prescrites par un médecin traitant ou un spécialiste et concernent le plus souvent les rhumatismes, les affections des voies respiratoires, la phlébologie ou encore les maladies métaboliques. En droit commun, la Sécurité sociale rembourse :
- 65 % du forfait thermal,
- 70 % de la surveillance médicale pendant la cure.
Mais lorsqu’elles sont prescrites dans le cadre d’une ALD, les cures sont intégralement couvertes grâce à l’exonération du ticket modérateur : le patient ne débourse rien (hors frais annexes comme l’hébergement ou le transport).
C’est précisément cette exonération qui pourrait disparaître. Alors, pour un patient atteint d’une maladie chronique, une cure thermale ne serait plus prise en charge à 100 %, mais seulement aux taux habituels. Le reste à charge dépendrait alors fortement de la mutuelle.
Pourquoi cibler les cures thermales ?
Si le gouvernement s’intéresse à ce poste de dépense, c’est avant tout pour des raisons budgétaires. Les affections de longue durée pèsent déjà près de 60 % des remboursements de l’Assurance Maladie. Avec l’augmentation des maladies chroniques et le vieillissement de la population, cette proportion ne cesse de croître.
Selon des documents cités par la presse spécialisée, la fin de l’exonération ALD sur les cures thermales permettrait à la Sécurité sociale de réaliser environ 25 millions d’euros d’économies par an. À l’échelle des dépenses de santé (plus de 250 milliards d’euros par an), cette somme peut paraître modeste. Mais pour les pouvoirs publics, il s’agit d’un signal. Toutes les dépenses sont passées au crible pour tenter de contenir le déficit, qui pourrait atteindre 41 milliards d’euros en 2030 sans mesures correctives .
Des patients inquiets, des professionnels vent debout
Du côté des curistes, l’incompréhension domine. À Balaruc-les-Bains (Hérault), la première station thermale de France, plusieurs patients interrogés par France Bleu affirment que la cure leur permet de réduire leur consommation de médicaments. Ils y voient un bénéfice direct pour leur santé, mais aussi une source d’économies indirectes pour la Sécurité sociale .
Les représentants du secteur thermal, eux, alertent sur un risque de désengagement des patients. En moyenne, une cure coûte plusieurs centaines d’euros (hors transport et hébergement). Sans remboursement intégral, certains malades chroniques pourraient y renoncer, faute de moyens ou de mutuelle couvrant correctement le ticket modérateur.
“C’est une double peine”, résume un représentant de la Fédération thermale. “Les personnes en ALD sont déjà fragilisées par leur maladie. Les priver d’un accès facilité à la cure, c’est creuser les inégalités de santé.”
Concrètement, quel reste à charge demain ?
Aujourd’hui, un patient en ALD n’a rien à payer pour sa cure (hors frais annexes). Demain, si le décret entre en vigueur, la prise en charge serait plafonnée à 65 % du tarif de responsabilité.
Le reste à charge serait donc à la fois :
- direct : le ticket modérateur laissé par la Sécu,
- variable : selon la couverture de la mutuelle, certains contrats prenant en charge la totalité du différentiel, d’autres non.
Les bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (CSS) conserveraient toutefois une couverture intégrale, comme c’est déjà le cas pour leurs autres soins.
À SAVOIR
Aujourd’hui, quand un assuré n’est pas en ALD, il doit payer en moyenne 17 % du coût de ses soins (le ticket modérateur), sauf si sa mutuelle prend en charge.
En revanche, pour les patients en ALD exonérante, ce reste à charge tombe en moyenne à 4,3 % seulement, selon la Cour des comptes.