Une poubelle remplie de médicaments périmés.
Selon la Cour des comptes, si la collecte était encore mieux organisée et si moins de médicaments étaient prescrits inutilement, le potentiel d’économies se situerait entre 224 et 867 millions d’euros par an. © Adobe Stock

Chaque année, un nombre faramineux de médicaments, pour un montant estimé à plusieurs centaines de millions d’euros, ne sont jamais consommés et, en 2023, les compteurs ont explosé. La Cour des comptes alerte sur ce gaspillage qui pèse lourd sur le budget de la Sécurité sociale, mais aussi sur notre santé publique. D’où vient ce phénomène, comment l’expliquer et quelles solutions envisager ? Explications.

C’est un rapport qui fait l’effet d’un électrochoc. La Cour des comptes, dans une publication du 5 septembre, estime qu’un volume colossal de médicaments (“une estimation comprise entre 561 M€ et 1,735 Md€ par an, selon que sont inclus ou non les médicaments les plus onéreux”) ont été gaspillés en 2023. Autrement dit, des boîtes entières, parfois encore neuves, n’ont jamais été utilisées et ont fini à la poubelle.

À titre de comparaison, la Sécurité sociale a dépensé 36,05 milliards d’euros la même année pour rembourser les médicaments. Même dans l’hypothèse la plus basse, ce gaspillage représente 1,5 % des dépenses totales. Dans la plus haute, il grimpe à près de 5 %. Cela équivaut au budget annuel de certains hôpitaux régionaux, ou encore à la construction de plusieurs centaines de maisons de santé.

Plusieurs raisons expliquent cette situation, et elles sont loin d’être anecdotiques.

  • Des prescriptions trop larges. Dans de nombreux cas, les médecins prescrivent des boîtes entières alors que le traitement ne nécessite que quelques comprimés. Résultat : les patients se retrouvent avec des restes inutilisés.
  • Des conditionnements mal adaptés. Prenons un exemple concret : un flacon de 90 comprimés pour un traitement de 10 jours. Le calcul est vite fait : la majorité de la boîte restera dans l’armoire à pharmacie, jusqu’à sa date de péremption.
  • Des médicaments coûteux rapidement périmés. C’est particulièrement vrai pour les anticancéreux et les traitements innovants. Leur durée de conservation est parfois très courte, et leur gaspillage pèse lourd dans les chiffres.
  • Une culture du “stock au cas où”. Beaucoup de patients gardent des médicaments en réserve. Mais ces boîtes finissent souvent oubliées, puis jetées. C’est une habitude profondément ancrée qui alimente ce gaspillage massif.

On pourrait penser qu’il ne s’agit “que” de boîtes abandonnées. Mais derrière, ce sont des millions d’euros d’argent public qui disparaissent. Selon la Cour des comptes, ce gaspillage coûte autant que le financement de milliers de postes de soignants, à une époque où l’hôpital peine à recruter.

Il a aussi un impact environnemental. Les médicaments jetés doivent être incinérés ou traités comme déchets spécifiques. Leur destruction consomme de l’énergie et rejette du CO₂. Enfin, il s’agit d’un enjeu sanitaire. Un médicament périmé ou mal utilisé peut devenir dangereux. Le stockage domestique sans suivi médical augmente le risque d’erreurs, d’automédication inadaptée ou même d’ingestion accidentelle chez les enfants.

Que propose la Cour des comptes ?

Face à ce constat, la Cour des comptes avance plusieurs pistes concrètes.

  • Adapter les conditionnements. L’exemple des antibiotiques vendus à l’unité a montré que c’était possible. Pourquoi ne pas étendre la pratique à d’autres traitements ?
  • Impliquer davantage les pharmaciens. Ces professionnels pourraient ajuster la délivrance des boîtes en fonction de la prescription réelle.
  • Mieux sensibiliser les patients. Rappeler que rapporter ses médicaments non utilisés en pharmacie est non seulement un geste écologique, mais aussi un acte de santé publique.
  • Suivre de près les traitements coûteux. Les médicaments innovants doivent faire l’objet d’un suivi renforcé pour éviter les pertes massives.

Ces mesures ne régleront pas tout, mais elles pourraient réduire significativement la facture.

Le gaspillage : un problème collectif

Au-delà des chiffres, ce gaspillage interroge notre rapport au médicament. En France, la consommation médicamenteuse reste l’une des plus élevées d’Europe. Nous avons pris l’habitude d’y recourir rapidement, parfois trop rapidement, et souvent en excès. Changer cette culture demande un effort collectif. Les médecins, les pharmaciens, mais aussi les patients ont un rôle à jouer.

Rapporter ses médicaments en pharmacie, accepter des conditionnements plus petits, éviter de stocker des boîtes “au cas où” : autant de gestes simples qui, mis bout à bout, peuvent avoir un impact massif.

À SAVOIR 

En 2023, 8 503 tonnes de médicaments non utilisés ont été rapportées en pharmacie et collectées par Cyclamed, l’éco-organisme agréé par l’État. Ces médicaments ne sont plus redistribués depuis 2009, mais valorisés énergétiquement : ils sont incinérés dans des installations spécialisées pour produire électricité et chaleur.

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Ma Santé

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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