Une infirmière remettant ses gants à l'hôpital.
Le manque d'infirmières disponibles engendre des retards de soins, augmente le risque de complications non signalées et contribue aussi à augmenter le taux de mortalité à l'hôpital. © Freepik

La pénurie de soignants, en France comme dans toute l’Europe, devient particulièrement critique en ce qui concerne les infirmières, dont on estime à 80 000 le manque à venir d’ici 2050. Alors que toute la chaîne de soins s’en trouve fragilisée, notamment dans les hôpitaux publics, l’Assemblée nationale a adopté le 23 janvier une mesure visant à la sécuriser : l’instauration d’un ratio soignants-patients garantissant un nombre minimal d’infirmières par service hospitalier.

Malgré les apparences, les effectifs d’infirmières augmentent bel et bien, en France. En 2021, la profession comptait selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) 599 000 infirmiers et infirmières en emploi, soit une hausse de 8% par rapport à 2013. Rassurant ? Pas forcément, car ce constat en trompe l’oeil cache une autre réalité. Même élevée, cette hausse ne suffira pas, en effet, à combler des besoins qui, eux, augmentent encore plus vite du fait du vieillissement de la population.

Les projections font état d’un manque de 80 000 infirmières à l’horizon 2050. Les écoles n’ont jamais autant peiné à recruter, 16% des élèves abandonnent en cours de cursus et 20% des infirmières diplômées jettent leur tablier au bout de quelques années. Parmi celles (et ceux) qui s’accrochent, la “fuite” vers l’exercice libéral et les établissements privés s’accélère, contribuant à la pénurie qui gangrène l’hôpital public.

“Certaines nuits, je suis seule à gérer tout mon étage”, confie Marie, infirmière depuis cinq ans dans un hôpital de la région lyonnaise. “Comme il faut aller très vite, je ne peux pas prendre le temps de répondre comme je le voudrais à toutes les sollicitations. J’ai même parfois l’impression de devenir maltraitante”. Le mal est connu, mais la tendance n’est donc pas à l’amélioration, et la situation est la même dans la plupart des pays européens.

“En France, les infirmières ont deux fois plus de patients que recommandé par les normes internationales. Conséquences ? Retards de soins, aggravations non détectées, et un risque de mortalité qui grimpe de 7 % par patient supplémentaire”, dénonce le syndicat national des professionnels infirmiers.

“Des décennies d’études internationales ont établi, de façon constante, un lien très clair entre le nombre de patients par infirmière et la santé des patients : cela entraine une hausse du taux de mortalité, des infections urinaires, des septicémies, des infections hospitalières, des saignements gastroduodénaux, des chocs et des arrêts cardiaques, des erreurs médicales, des échecs des secours, et des durées plus longues que prévues du séjour à l’hôpital, des réhospitalisations”.

L’une des solutions évoquées, après celle du renforcement de l’attractivité du métier, consiste à généraliser les quotas infirmiers déjà en place dans certains services hospitaliers (réanimation, obstétrique, néonatologie et radiothérapie). Ces “ratios sécurisés” visent à assurer la présence obligatoire d’un nombre minimal de soignants par patient hospitalisé.

Adoptée par le Sénat en 2023, la mesure d’extension de ces ratios aux autres spécialités hospitalières a également été adoptée ce jeudi 23 janvier 2025 par l’Assemblée Nationale, sous l’impulsion du député PS de la Mayenne, Guillaume Garot. Ce dernier, auteur de la proposition de loi, s’est félicité de cette “étape majeure pour améliorer les conditions de travail des soignants et la qualité des soins aux patients”.

Selon le SNPI, “ces ratios vont sauver des vies. Toutes les études internationales ont quantifié la mortalité liée à la surcharge d’activité entrainant des erreurs de soins. Investir dans les ratios de patients par infirmière, c’est investir dans la vie”. Pour le syndicat, il s’agissait de la principale revendication des soignants hospitaliers et “ces ratios vont faire revenir les soignants confrontés au sous-effectif et à la perte de sens, comme constaté en Californie, en Australie, en Corée du Sud”.

Aucune date n’a encore été fixée mais la mesure entrera en vigueur de manière progressive une fois les décrets d’application publiés au Journal Officiel. La Haute Autorité de Santé doit également déterminer quels ratios seront appliqués pour chaque service ou spécialité. “Les normes internationales sont de 6 à 8 patients par infirmière, en France nous avons 10 à 15 patients par infirmière, d’où la fuite des soignants”, révèle le SNPI.

À SAVOIR

Selon les projections de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiées en décembre 2024, le nombre d’infirmier et infirmières en France passerait de 599 000 en 2021 à 821 000 en 2050. Insuffisant, car dans le même temps, le vieillissement de la population ferait chuter la densité d’infirmier(e)s pour 100 000 habitants de 885 en 2021 à 807 en 2050, baisse que la hausse de la démographie infirmière ne suffira pas à combler. L’étude de la Drees évalue en effet à 901 000 le nombre d’infirmier(e)s nécessaires à la couverture future des besoins en 2050. Soit un manque de 80 000 personnes.

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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