Coronavirus, variole du singe ou encore poliomyélite… De quoi apeurer plus d’une personne en France ces derniers mois. Si la crainte de ces maladies reste majoritairement raisonnable, ce n’est pas le cas de tous. En témoignent les personnes atteintes d’hypocondrie, ce trouble anxieux caractérisé par la crainte de développer une maladie grave. Mais alors, pourquoi une telle peur ? Réponse avec Océane Girard, psychologue clinicienne à Sallanches en Haute-Savoie.
Certains d’être gravement malades, les personnes hypocondriaques développent tout un vocabulaire médical parfois effrayant. Cancer, immunodéficience ou hémophilie sont autant de maladies que d’éventuels diagnostics à leurs yeux. D’ailleurs, plus la maladie est grave voire incurable, plus elle risque d’être envisagée par la personne hypocondriaque. Un constat qui en dit long sur l’état d’anxiété des personnes atteintes de ce trouble.
Si l’hypocondrie peut paraître extrême, on estime pourtant que plus de 8 millions de Français en souffriraient (sondage Ifop, 2014). Entre angoisse de tous les jours et visites médicales à répétition, le quotidien d’une personne souffrant d’hypocondrie n’a rien d’attrayant. “Il faut comprendre que la maladie est loin d’être voulue ; la personne ne se complait pas dans cette crainte excessive, elle en souffre”, témoigne Océane Girard.
Désormais, et depuis l’arrivée de la pandémie, les maladies graves et soudaines semblent plus proches que jamais. Une réalité qui renforce l’état d’alerte des personnes hypocondriaques et en pousse d’autres à se préoccuper davantage. Qu’en est-il ? Comment savoir si l’on est atteint d’hypocondrie ? Et quelle solution ? Le point avec Océane Girard, psychologue clinicienne en Haute-Savoie.
L’hypocondrie ou la peur d’être malade
Définie comme une préoccupation centrée sur la crainte ou sur l’idée d’être atteint d’une maladie physique, l’hypocondrie fait partie des troubles anxieux les plus handicapants. « Les troubles anxieux se manifestent toujours sous l’angle de la triade pensées, émotions et comportements. Pensées catastrophes, stress intense, évitement… Dans le cas de l’hypocondrie, cette triade est orientée autour de la santé et le bon fonctionnement du corps”, rapporte Océane Girard.
Dès lors, l’angoisse ou l’idée obsessionnelle de la maladie ne sont pas les seuls symptômes. La personne hypocondriaque développe généralement un ensemble de comportements visant à rechercher et prouver leur mal-être réel. Que ce soit des recherches internet, des visites ou examens médicaux, le ‘’pattern’’ de symptômes est bien souvent caractéristique.
Auparavant répertoriée parmi les troubles anxieux somatoformes, l’hypocondrie s‘appuie sur des ressentis physiques réels. Tout indique la présence d’un danger pour soi aux yeux de la personne qui en souffre. Pour elle, ce n’est rien d’imaginaire, les symptômes même bénins sont bien là.
« C’est comme dire à une personne allergique aux amandes d’en manger, que ça ne craint rien. En réalité, l’hypocondriaque possède un système cérébral déréglé dans la gestion de la peur. Les symptômes ne sont pas sans cause », explique Océane Girard.
Hypocondriaques : moi, malade imaginaire ?
« Les symptômes généraux de l’hypocondrie sont la peur de la maladie grave et l’absence de confiance face aux professionnels de santé. Par exemple, une personne souffrant d’hypocondrie aura tendance à remettre systématiquement en question le résultat d’un test médical, au lieu de simplement se sentir soulagée de résultats normaux”, explique Océane Girard. Mais alors, d’où provient cette crainte excessive ? Et dans quel but ? Existe-t-il des profils d’hypocondriaques ?
Il semblerait que le trouble hypocondriaque touche autant les femmes que les hommes et se développe généralement à la suite à un événement psychologique marquant. Un événement brutal et difficile à vivre pourrait être la cause d’un tel mécanisme psychologique.
Les personnes atteintes de troubles anxieux sous-jacents seraient donc plus à risque de développer un trouble hypocondriaque. À noter toutefois que la crainte doit perdurer au-delà de 6 mois pour poser un diagnostic d’hypocondrie.
Surmonter l’hypocondrie
Est-il possible de surmonter une telle crainte obsessionnelle et excessive ? « Bien sûr », rassure Océane Girard. « Cependant, le facteur essentiel d’un tel trouble anxieux est sa prise en charge thérapeutique. Sans suivi régulier, il sera difficile pour le patient de faire perdurer les améliorations sur le long terme ». Alors, par où commencer ?
Parmi les psychothérapies, les personnes hypocondriaques peuvent envisager diverses approches : thérapie brève aussi dite TCC (thérapie cognitivo-comportementale), EMDR ou simple suivi clinique. Outre la thérapie, il est également nécessaire d’associer la démarche de soin à une véritable hygiène de vie, activité sportive et à l’utilisation de techniques de relaxation comme la cohérence cardiaque afin de faire face aux angoisses. Les traitements médicamenteux peuvent aussi être une aide le temps de la gestion de ces dernières.
Toutefois, le rôle de l’entourage sera important. Il ne faut ni aller dans le sens de la personne hypocondriaque, ni la contredire dans son ressenti. « L’objectif est vraiment de l’écouter au mieux, d’accepter ses symptômes bien réels mais de lui rappeler que c’est son interprétation qui est erronée. Pratiquer une exposition progressive et au rythme du patient est essentiel pour faire perdurer les effets bénéfiques dans le temps ».
Hypocondrie ou errance diagnostic ?
Si l’hypocondrie est la peur d’être malade sans aucune réalité physique concordante, comment faire la différence entre une personne hypocondriaque et une personne en errance de diagnostic ? Comment différencier le trouble anxieux de la véritable atteinte physique dont les médecins ignorent encore l’existence ? Le mal-être physique dans l’hypocondrie est-il réel ?
« Il est vrai que la limite entre problèmes physiques inconnus et troubles anxieux peut paraître invisible. Mais contrairement à une errance diagnostique, l’hypocondrie génère des pensées automatiques et dysfonctionnelles ainsi qu’un stress chronique. Il s’agit donc de biais cognitifs et de schémas irrationnels qui déclenchent cette peur, schémas que l’on ne retrouve pas chez les personnes ne présentant pas un trouble anxieux chronique », conclut Océane Girard.
À SAVOIR
L’hypocondrie se différencie de la nosocondrie, la peur phobique d’attraper une maladie. En effet, les personnes hypocondriaques sont persuadées ou craignent d’être déjà atteintes d’une maladie.