Jambes gonflées, varices, douleurs tenaces… Liée à une mauvaise circulation du sang, l’insuffisance veineuse empoisonne le quotidien de plusieurs millions de Français. Le point avec le Dr Didier Rastel, médecin vasculaire (angiologue) à Grenoble, sur les moyens d’atténuer les symptômes de cette maladie lente et chronique.
L’insuffisance veineuse, c’est quoi ?
Il s’agit d’une maladie chronique due à une mauvaise circulation du sang dans les jambes. Elle se caractérise principalement par des varices et des œdèmes, ou gonflement des jambes. En résumé, l’altération de l’élasticité des veines crée un reflux sanguin qui se manifeste par une inflammation de la paroi veineuse. Cette maladie se situe au niveau de la peau : les veines profondes ne sont pas touchées. Elle se traduit surtout par l’apparition de varices, mais ses manifestations sont variées : eczéma, hypodermite, fibrose, voire ulcère en cas de plaie.
Existe-t-il d’autres complications possibles ?
L’insuffisance veineuse, si elle n’est pas traitée, peut dégénérer en phlébite, ou thrombose, lorsque la veine touchée est obstruée. C’est l’une des raisons pour laquelle il est important d’établir un diagnostic le plus précoce possible, dès l’apparition des symptômes.
Insuffisance veineuse: jambes lourdes, douleurs et fourmillements
Quels sont les symptômes de la maladie ?
Tout d’abord, des douleurs plus ou moins importantes. La sensation de jambes lourdes, aussi, qui s’aggrave en cas de fortes chaleurs, de station debout ou assise prolongée, ou qui diminue pendant la marche. On peut aussi être confronté à des fourmillements et à des démangeaisons.
Peut-on échapper à l’insuffisance veineuse ?
Malheureusement non. On ne l’attrape pas comme un virus, dont on pourrait se protéger. L’origine de ce trouble est d’ordre génétique : il apparaîtra quelles que soient les précautions que l’on prendra. Il suffit qu’un seul parent soit atteint. Et le risque s’accroît s’il s’agit du père, et bien sûr si les deux parents sont atteints. Prendre soin de ses jambes et de sa peau est important, mais il est actuellement impossible de prévenir la maladie.
Insuffisance veineuse : l’âge et le surpoids aggravent le mal
Quels en sont les facteurs de risque ?
L’insuffisance veineuse touche les hommes comme les femmes, mais ces dernières y sont sans doute plus sujettes pour des questions hormonales. La grossesse favorise ainsi le développement de la pathologie. L’âge joue également un rôle : si l’on peut être touché dès l’adolescence, cette maladie chronique et lente s’aggrave au fil des ans. Pour la plupart des patients, la maladie se déclare plutôt après 50 ans. Le surpoids, très certainement du fait de la présence de masses graisseuses sous-cutanées, est également un facteur aggravant.
Prendre l’avion est souvent synonyme de jambes lourdes, vrai ou faux ?
C’est vrai. Outre les effets néfastes de la pressurisation dans l’avion, on reste longtemps assis, on piétine, et le sang s’accumule dans les jambes. Mais cela est valable pour tout passager, qu’il souffre d’insuffisance veineuse ou non. Et cela ne signifie pas que l’insuffisance veineuse sera aggravée par le voyage aérien.
La compression médicale, premier remède
Quels sont les traitements recommandés ?
On peut traiter les symptômes, mais pas la cause. En cas de fortes douleurs, la compression médicale, avec des chaussettes, collants ou bas de contention, a fait ses preuves depuis longtemps. Lorsque la douleur est trop importante, ou lorsque la période estivale rend la contention pénible, on ajoute un traitement médicamenteux, à base de veinotoniques, ou phlébotropes. Le froid, aussi, soulage la douleur, sous différentes formes : poche de glace, jet d’eau froide, bain froid…
En quoi consiste la compression médicale ?
Cette technique, qui fonctionne dans la plupart des cas d’insuffisance veineuse, relève d’un mécanisme d’ordre neurologique en ce qui concerne le soulagement de la douleur. Le bas de contention effectue un micromassage de la peau, ce qui a pour effet de stimuler l’ensemble des fibres nerveuses et, ainsi, d’inhiber les fibres nerveuses qui sont précisément à l’origine de la douleur. En appuyant sur la peau, on réduit aussi la tension des capillaires, et donc l’intensité de la douleur. L’autre bienfait de la compression est d’agir sur le gonflement des jambes, ce qui permet de réduire les œdèmes.
Varices : des traitements de plus en plus efficaces
Comment vient-on à bout des varices ?
Le traitement des varices a longtemps reposé sur la chirurgie conventionnelle, notamment par l’intermédiaire de la technique la plus classique, le stripping. Mais l’on propose aujourd’hui des prises en charge plus légères. Le traitement endoveineux thermique regroupe ainsi plusieurs techniques ambulatoires, sans anesthésies générales ou locales, mais par tumescence. L’angiologue, en introduisant une sonde branchée à un émetteur, provoque une source de chaleur qui va brûler peu à peu la varice. Le résultat de ce traitement, désormais remboursé par l’assurance maladie, est immédiat et le patient repart sur ses jambes au bout de quelques heures. La sclérothérapie, enfin, a aussi fait ses preuves : elle se pratique sans anesthésie, en cabinet médical. Elle consiste à injecter sous échographie une mousse dont le produit va résorber la varice.
Souffrir d’insuffisance veineuse est-il une fatalité ?
À mon sens, oui, car la prise en charge de la douleur reste incomplète. La compression médicale ne soulage pas à 100%, et de nombreux patients sont gênés dans leur quotidien. C’est une pathologie injustement négligée, pour laquelle la recherche de solutions thérapeutiques efficaces n’est pas assez développée.
À SAVOIR
Selon une enquête Ipsos réalisée en 2009 pour le groupe Sigvaris, leader mondial de la compression médicale basé à Saint-Just-Saint-Rambert, dans la Loire, 18 millions de personnes souffriraient d’insuffisance veineuse en France. La région Auvergne-Rhône-Alpes a développé de longue date une expertise particulière en matière de compression médicale. Outre Sigvaris, la région stéphanoise héberge aussi un autre spécialiste du secteur, le groupe Thuasne.