Un jeune homme, atteint d'un cancer, en pleine séance de chimiothérapie.
Selon la Cour des comptes, les dépenses hospitalières pour les médicaments anticancéreux innovants ont doublé entre 2018 et 2022. © Freepik

Alors que le débat fait rage au parlement sur les solutions pour réduire le déficit budgétaire, la question du prix des traitements anti-cancéreux revient avec insistance dans le débat public. En France, des dizaines de milliers d’euros par patient, des médicaments au prix pharaonique, des laboratoires pharmaceutiques aux résultats indécents… Comment concilier économie budgétaires et solidarité nationale ? Eléments de réponse.

Les médicaments contre le cancer englobe une large palette de traitements : chimiothérapies « traditionnelles », thérapies ciblées, immunothérapies, et même thérapies révolutionnaires comme celles par cellules CAR-T. Avec ces innovations, les espoirs sont immenses pour les patients.

Mais le prix de ces traitements suscite aussi beaucoup d’interrogations en pleine période d’austérité. La question revient donc aujourd’hui sur le devant de l’actualité alors que le budget 2026 va faire l’objet d’intenses tractations à l’Assemblée Nationale. Avec, en filigrane, la nécessité de réduire le déficit budgétaire… et donc de trouver des économies à réaliser sur de nombreux postes. Dont ceux de la Sécurité Sociale.

La question du prix des médicaments contre le cancer n’est pas nouvelle. En 2022, selon la Cour des comptes, les dépenses hospitalières pour médicaments innovants anticancéreux inscrits sur la « liste en sus » atteignait 5,9 milliards d’euros contre 3,3 milliards en 2018. Quant au coût moyen d’un traitement anti-cancéreux (actif), il flirtait avec les 15 000 € par an.

Depuis, les chiffres se sont encore emballés. Dans son récent rapport sur la Sécurité Sociale, la même Cour des comptes constate que les nouveaux traitements anticancéreux pèsent de plus en lourd, les dépenses pour ces médicaments ayant doublé en quatre ans pour atteindre 22,5 milliards d’euros et figurer désormais en tête des dépenses de santé.

De son côté, la Ligue nationale contre le cancer indique que certains nouveaux traitements peuvent coûter « entre 3 000 et 7 000 € par mois et par personne », et que « quand plusieurs médicaments sont nécessaires, les prix peuvent rapidement dépasser 100 000 € par an et par personne ». Prohibitif et injustifié selon l’association. 

Quant à certaines thérapies très innovantes (comme les CAR-T), les prix peuvent carrément s’envoler pour atteindre 300 000 € voire plus par patient. 

Autant d’éléments qui ont incité l’UFC-Que choisir à investiguer et à dénoncer la politique tarifaire de quelques certains grands laboratoires internationaux. Dans le collimateur notamment de l’association de consommateurs, le Keytruda. Un traitement d’immunothérapie commercialisé par MSD (voir notre « à savoir ») dont chaque flacon est facturé près de 2 200 euros. Soit un coût global de plus de 2 milliards par an entièrement à la charge de l’Assurance Maladie.

L’équivalent de 5% des dépenses totales de la Sécurité Sociale ! Cette montée des dépenses et la flambée des prix de certains traitements innovants comme le Keytruda pose donc la question de la soutenabilité du système. Une problématique d’autant plus complexe que le nombre de patients bénéficiant de ces traitements ne cesse de croître.

Si l’on se place du côté de l’industrie du médicament, plusieurs raisons expliquent cette explosion des coûts :

  • Les innovations médicales sont de plus en plus nombreuses et ciblées, ce qui pousse les volumes de marché à être plus faibles mais les coûts de développement restent élevés, d’où un prix à l’unité plus important. 
  • Les laboratoires font aussi valoir que le coût de la recherche et développement (R&D) et des essais cliniques justifie en partie le prix. Pourtant, selon certains oncologues, le coût de leur R&D a diminué tout en voyant les prix exploser. 
  • Dans certains cas, il s’agit de traitements très spécialisés, réservés à peu de patients, ce qui conduit à un prix plus élevé pour amortir l’investissement. 

Mais tous ces arguments doivent se confronter à une réalité : le système de fixation des prix en France prévoit des négociations entre industriels et autorités de santé. Or, les critères de valorisation (innovation, service médical rendu) sont jugés parfois insuffisants pour équilibrer l’accès et la soutenabilité. 

Un des reproches majeurs concerne le fait que « cher » ne veut pas toujours dire « mieux ». Une étude de l’Institut Paoli-Calmettes relève que la corrélation entre prix des médicaments et bénéfice clinique est souvent modeste. Du moins décorrélé de la véritable valeur ajourée du produit. Ce constat en revient à poser une question de légitimité : pourquoi payer toujours plus lorsque les gains en santé ne suivent pas au même rythme ?

Face à ce constat et ces critiques, plusieurs leviers sont aujourd’hui envisagés pour améliorer la situation :

  • Accroître l’efficacité des négociations prix/volume : favoriser des remises ou rabais plus clairs, liée à la performance clinique et économique. L’Académie de médecine et d’autres acteurs appellent à plus de transparence.
  • Améliorer les critères de valorisation de l’innovation : mieux lier le prix à l’amélioration réelle de santé (ASMR, MCBS) pour éviter que des traitements peu performants ne coûtent autant que des ruptures thérapeutiques majeures.
  • Favoriser l’arrivée des génériques et biosimilaires : même en oncologie, lorsque cela est possible, ces alternatives peuvent générer des rabais significatifs. 
  • Mettre en place des modalités de financement adaptées : le rapport du Leem et de l’Académie de médecine évoquait la nécessité « d’adapter les modalités de financement aux différents types d’innovation ». 

Autant de pistes de réflexion qui doivent permettre de relever un double défi : maintenir l’accès rapide à des traitements innovants et efficaces tout en garantissant des coûts compatibles avec les moyens de notre système de santé. Cela passe par davantage de transparence, des critères de prix fondés sur la valeur réelle, et de nouvelles modalités de financement. Vaste chantier qui sera forcément abordé lors de l’adoption du PLFSS (Projet de Loi de Finance de la Sécurité Sociale) 2026.

À SAVOIR

Montré du doigt par UFC -Que Choisir, le traitement d’immunothérapie baptisé Keytruda (ou pembrolizumab) représente une dépense de 72 000 euros par patient et par an. D’abord pris en charge pour traiter les mélanomes avancés lors de son lancement en 2014, il fait aujourd’hui l’objet d’une extension de prise en charge pour d’autres types de cancer (colorectal, œsophage, sein triple négatif, col de l’utérus…). Conséquence, le nombre de patients traités au Keytruda a bondi de 16 000 en 1017 à 92 000 l’an dernier. Son prix, lui, reste stable à près de 2 200 euros le flacon, alors que les analystes estiment son prix de revient réel entre 52 et 885 euros…

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    Enfant des radios locales, aujourd'hui homme de médias, il fait partager son expertise de la santé sur les supports print, web et TV du groupe Ma Santé AuRA.

    1 COMMENTAIRE

    1. Pourquoi continuer à rembourser les statines qui font baisser le cholestérol mais sans incidence sur les événements cardio vasculaires à venir.l’atherosclerose est un processus inflammatoire au départ qui abîmé les artères et favorise la formation de caillots.De plus le cholestérol est un aliment nécessaire au système nerveux et les statines ne protègent pas le cœur mais même abîment le muscle cardiaque

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