La contestation au projet de loi de santé du gouvernement ne faiblit pas en Rhône-Alpes. Les principaux syndicats de médecins spécialistes libéraux ont affiché leur solidarité à Lyon lors d’une conférence de presse commune.
La grogne perceptible depuis trois semaines dans les rangs des médecins français atteint son paroxysme en Rhône-Alpes. Alors que de nombreux généralistes continuaient de mettre à exécution leur menace de grève administrative en boycottant la carte vitale, les médecins spécialistes libéraux de la région ont organisé une conférence de presse pour exprimer leur vive opposition au projet de loi porté par la ministre de la Santé, Marisol Touraine.
Activité en berne dans une cinquantaine de cliniques
Regroupés derrière un même leitmotiv, le « retrait pur et simple et la réécriture complète » de la loi, l’Union Française pour une Médecine Libre, l’AAL (Syndicats des Anesthésistes Libéraux), le Syndicat des Gynécologues Obstétriciens de France, l’Union des Chirurgiens de France, la Fédération des Médecins de France et le Syndicat des Médecins Libéraux continuent d’appeler les praticiens libéraux (chirurgiens, anesthésistes, obstétriciens) a suspendre leurs activités. Dès lundi, une cinquantaine des cliniques de la région (soit 80%) étaient touchées par le mouvement. A Lyon, les urgences de la Clinique de la Sauvegarde sont ainsi fermées depuis dimanche. Tout comme le service SOS Main (chirurgie de la main), dans celle du Tonkin, à Villeurbanne. L’une des principales maternités de l’agglomération lyonnaise, le Pôle femme-mère-enfant Natecia, renvoit quant à elle vers d’autres établissements les patientes qui ne sont pas sur le point d’accoucher.
Lundi, 450 des 1500 praticiens libéraux exerçant dans des établissements privés de santé en Rhône-Alpes se sont aussi retrouvés devant les portes de l’ARS (Agence Régionale de Santé) pour faire valoir leur courroux et confier à sa directrice, Véronique Wallon, une lettre de revendications adressée à Marisol Touraine.
Les praticiens réclament le dialogue
D’une « durée indéterminée pour les uns, illimitée pour d’autres », selon le dr Didier Legeais, chirurgien urologue à Grenoble et vice-président du syndicat LE BLOC (regroupement AAL, SYNGOF et UCDF), le mouvement ne s’éteindra pas sans un geste fort de la ministre de la santé, à qui les médecins reprochent un refus systématique du dialogue et une communication « mensongère ». Anesthésiste à la Polyclinique du Beaujolais, le dr Sylvie Filley, réclame ainsi un « Grenelle de la Santé pour faire évoluer le système de santé en concertation réelle avec les médecins, afin d’apporter une amélioration efficiente de la qualité de la prise en charge, mais aussi d’économie ».
Vers une médecine “à l’américaine” ?
La plupart des contestataires pointent l’amateurisme d’un texte de loi jugé inutile et incompris. « Notre système de santé est reconnu comme l’un des meilleurs du monde, pourquoi vouloir le changer ? », s’interroge le dr Julien Cabaton, anesthésiste au centre orthopédique Paul Santy, à Lyon. De plus en plus de praticiens, à l’image du dr Didier Legeay, s’interrogent sur les orientations futures de ce fameux système de santé français. Généralisation du tiers payant, trop-plein administratif, pouvoir accru des Agences Régionales de Santé, mise en œuvre du dossier médical partagé sont autant de mesures qui, selon eux, nuiront à leur indépendance. De quoi conduire certains, exaspérés, à choisir de se déconventionner (pratique libre des tarifs) et favoriser ainsi l’instauration d’une médecine à deux vitesses, déclinée en fonction des moyens des patients à la manière américaine. Une dérive inquiétante qui, bien qu’encore lointaine, n’a plus rien d’utopique à l’aune du ras-le-bol ambiant.
En attendant, alors que le recours massif aux réquisitions contribue à accroître le malaise ambiant, les internes pourraient bien être les prochains à rejoindre le mouvement.
A SAVOIR
La région Rhône-Alpes compte 11 610 médecins libéraux, généralistes ou spécialistes. 1500 d’entre eux exercent leurs activités au sein d’établissements de santé privés (cliniques).
Le secteur privé représente 35% de l’offre hospitalière régionale et accueille 800 000 patients par an.