Une femme, atteinte d'Alzheimer, qui ne reconnaît plus vraiment ses proches.
La maladie d'Alzheimer touche davantage les femmes. © Freepik

Quand la maladie de ­Maladie d’Alzheimer gagne du terrain, l’un des moments les plus déchirants pour les familles survient quand l’être aimé ne reconnaît plus ceux qui l’entourent. Une équipe de chercheurs américains livre aujourd’hui une explication jusqu’alors manquante : la disparition de ce que l’on appelle des « réseaux périneuronaux ».

La perte de reconnaissance des proches chez un malade Alzheimer est un des symptômes les plus lourds à porter. On comprend bien que la mémoire commence à vaciller, mais l’effondrement de la « reconnaissance » va parfois plus loin. Le visage, la voix, l’identité de ceux que l’on aime glissent et ne reviennent plus. 

Pourquoi cela se produit-il ? Jusqu’à présent, on évoquait des dégâts liés aux plaques amyloïdes (amas de protéines anormaux dans les neurones) ou aux enchevêtrements de tau (des fibres qui s’emmêlent à l’intérieur des neurones). Mais ces explications restaient globales.

Une étude récente de l’équipe de ­University of Virginia (UVA) dompte un peu ce mystère et met en évidence la destruction des « perineuronal nets » (PNN). Ces filets protecteurs autour de certains neurones, une fois détruits, pourraient être la cause directe de cette perte de mémoire sociale, c’est-à-dire de cette reconnaissance des proches.

Les chercheurs se sont appuyés sur un modèle murin de la maladie d’Alzheimer (la lignée dite 5XFAD) pour étudier ce qui se passe dans le cerveau quand la reconnaissance sociale s’effrite. 

Ils ont observé que, dans la zone dite CA2 de l’hippocampe (une région impliquée dans la mémoire sociale) les perineuronal nets autour des neurones sont progressivement détruits. À partir d’environ six mois, ces filets se fragilisent fortement chez les souris malades.

Cette destruction s’accompagne d’un déficit précis. Les souris malades ne peuvent plus distinguer un congénère déjà rencontré d’un nouveau. En revanche, leur mémoire d’objet reste, dans cette expérience, relativement intacte. L’oubli de proches n’est pas qu’un effondrement global de la mémoire mais semble lié à une mémoire sociale spécifique.

Mieux encore, en bloquant l’activité des enzymes dites « MMP » (matrix metalloproteinases), responsables de la dégradation des PNN, les scientifiques ont réussi à préserver ces filets et à retarder la perte de mémoire sociale chez ces souris.

Grâce à cette étude, nous ne sommes plus dans l’approximation. Nous avons désormais un mécanisme biologique précis pour cette perte de reconnaissance des proches, et pas simplement une perte de mémoire générale

Le fait que la mémoire sociale puisse être affectée avant ou indépendamment d’autres formes de mémoire modifie notre perspective. Cela permet de penser que la reconnaissance des visages, des voix, des rapports affectifs s’appuie sur des structures cérébrales propres et que leur destruction entraîne ce symptôme particulier.

En clair, ce n’est pas “juste” que la maladie efface tout, mais que certains filets de connexion sociale s’effondrent en premier.

Avant de parler de révolution thérapeutique, il faut rester raisonnable. D’abord, cette étude a été réalisée chez la souris, et non chez des êtres humains. Même si les auteurs soulignent que les modifications observées “s’alignent” avec ce que l’on voit cliniquement, la traduction directe à l’humain reste à démontrer.

Ensuite, bien que des inhibiteurs de MMP existent et aient fonctionné chez l’animal, aucun essai clinique n’a encore validé ce type d’interventions pour les patients Alzheimer. On est encore dans une piste de recherche prometteuse.

Enfin, cette destruction des PNN s’ajoute aux autres phénomènes classiques (amyloïde, tau, inflammation, neurodégénérescence). La maladie est multifactorielle. Il est donc probable que ce mécanisme soit un élément, parmi d’autres, de la complexité de la maladie.

Et puis, précisément, on ne sait pas encore à quel moment de la maladie intervenir, quels patients seraient les meilleurs cibles, et si la préservation des PNN suffira à changer le cours de la maladie dans sa globalité.

Même en l’absence de traitement validé spécifique pour les PNN, il est judicieux de rester attentif aux signes précoces. Quand le malade commence à avoir du mal à reconnaître un proche (même s’il se souvient d’un lieu ou d’un objet), cela mérite d’être signalé à un neurologue ou à un spécialiste de la mémoire.

Veillez aussi à maintenir le lien :

  • Utiliser des supports visuels, 
  • nommer régulièrement les proches, 
  • favoriser les interactions sociales régulières. 

Ces mesures ne sont pas des traitements, mais elles exploitent le fait qu’il existe un “réseau social-mémoire” à maintenir.

À SAVOIR 

En France, 900 000 personnes sont atteintes de la maladie, dont deux fois plus de femmes que d’hommes. Ce chiffre est en progression constante à mesure que la population vieillit. Le coût humain, familial, social est immense, et toute avancée est donc à suivre de près.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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