Un sénior confronté à la maladie d'Alzheimer.
Un sénior de plus de 75 ans sur cinq est touché en France par la maladie d'Alzheimer. © Freepik

La maladie d’Alzheimer ferait-elle de plus en plus de ravages ? La réponse est oui, mais la raison principale à l’augmentation des cas tient tout simplement au vieillissement de la population, cette maladie neurodégénérative frappant essentiellement après 65 ans, comme l’explique Antoine Coutrot, chercheur en neurosciences au CNRS à Lyon et spécialiste de la maladie d’Alzheimer, interrogé sur le boom de la maladie dans l’émission Votre Santé du mardi 11 mars 2025.

Alors que la recherche bat son plein pour tenter de lui trouver un remède, l’épidémie de maladie d’Alzheimer s’étend. Le nombre de malade, en effet, s’accroît chaque année. En France, 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, et 8% des Français, soit plus d’un million, sont atteints.

La raison de cet essor est toute simple : l’âge des patients. En effet, la maladie d’Alzheimer frappe particulièrement après 65 ans. La population française vieillissant, le nombre de malades s’accroît mathématiquement, comme le rappelle le chercheur du CNRS Antoine Coutrot, docteur en neurosciences et spécialiste de la maladie d’Alzheimer à Lyon, lors de son passage sur le plateau de l’émission Votre Santé du 11 mars 2025.

C’est quoi la maladie d’Alzheimer ?

La maladie d’Alzheimer est une maladie de la famille des maladies neurodégénératives qui attaque les cellules du cerveau. On appelle ça aussi une démence, c’est le type de démence le plus commun. 70 % des démences sont des maladies d’Alzheimer.

Cette maladie a une symptomatologie assez vaste : il y a en effet toute une sorte de symptômes différents, le plus commun étant celui que tout le monde connaît : la perte de mémoire. Les autres symptômes les plus courants sont des troubles du langage, une désorientation temporelle, une désorientation spatiale, une altération du comportement, des difficultés à prendre des décisions, à raisonner comme avant. Donc nous sommes face à un tableau assez complexe et qui varie beaucoup d’une personne à l’autre, ce qui rend justement son diagnostic, sa détection, et sa prise en charge assez compliqués.

Y a-t-il vraiment de plus en plus de victimes de ces troubles cognitifs ?

Effectivement, a prévalence de cette maladie est énorme. En France, un million de personnes sont atteintes de cette maladie. Chez les plus de 75 ans, c’est presque une personne sur cinq, ce qui est gigantesque. Mais si on a l’impression qu’il y a de plus en plus de personnes qui ont cette maladie, c’est surtout parce que la population vieillit. Cette maladie se développe généralement après 65 ans, même s’il y a quand même des cas qui peuvent être très précoces. Mais le vieillissement général de la population en France et dans le monde fait donc qu’il y a de plus en plus de cas.

Va-t-on un jour arriver à traiter de façon efficace, voire à guérir de la maladie d’Alzheimer ?

Il y a d’intenses efforts de recherche qui sont faits pour essayer de trouver des médicaments, des moyens pour atténuer et freiner cette maladie. Mais pour l’instant, cela ne marche pas très bien. Quelques médicaments permettent de jouer sur les symptômes. Ils n’arrêtent pas la maladie en elle-même, mais permettent de mieux se souvenir de certaines choses ou de diminuer l’anxiété qui est forcément liée à cette maladie. Cependant, une fois qu’on arrête ces traitements, la maladie continue de progresser dans le cerveau et la personne voit son état cognitif se détériorer assez rapidement.

Quels sont les signes qui doivent alerter ?

Cela dépend vraiment des personnes. De manière très précoce, il peut y avoir des altérations du sens de l’orientation. Des personnes qui se perdent sur un trajet pour retourner chez elles, par exemple. Un trajet sur lequel elles ne s’étaient jamais perdues et là, elles commencent à se perdre. Souvent, les gens viennent consulter au tout début pour des problèmes de mémoire et la plupart du temps, ces troubles sont plutôt liés simplement à de l’anxiété et pas à la maladie d’Alzheimer elle-même, parce que c’est normal.

Ce réflexe montre bien qu’il s’agit d’une maladie qui fait peur ?

Exactement : on a très peur, car on a tous des gens dans notre entourage qui ont cette maladie. Mais c’est normal d’avoir une mémoire qui est plus ou moins bonne en fonction du temps et, plus on vieillit, même au cours du vieillissement normal, plus notre mémoire se dégrade. Ce n’est pas forcément la maladie d’Alzheimer. Mais voilà, si on s’inquiète, ne serait-ce que pour calmer l’angoisse, c’est toujours bien d’en parler avec son médecin traitant qui va éventuellement vous référer vers un spécialiste. À Lyon, il y a des consultations mémoire, notamment à l’hôpital des Charpennes, où il y a des spécialistes, des gériatres, qui vont être amenés à réaliser des batteries d’examens plus approfondis s’ils jugent que c’est nécessaire.

Avoir un mauvais sens de l’orientation est-il un indicateur de risque ?

Non bien sûr ! Ce n’est pas parce qu’on a un mauvais sens de l’orientation qu’on est plus ou moins à risque de développer la maladie. Moi, j’ai un très mauvais sens de l’orientation, mais je ne pense pas avoir la maladie d’Alzheimer. Il y a plein de facteurs qui ne sont pas pathologiques et qui expliquent les différences entre les gens : la façon dont on se déplace, si on prend le vélo, si on utilise le GPS, comment on dort, le pays dans lequel on habite, etc. Tout cela influence notre sens de l’orientation sans que ce soit forcément pathologique.

Y a-t-il un caractère héréditaire à la maladie d’Alzheimer ?

Oui, il y a deux formes principales de cette maladie. La première est une forme familiale, avec vraiment une très grande composante génétique. Le gène en question s’appelle « APP ». Les gens qui ont cette variante le savent en général parce que dans leur famille, la maladie est fréquente. Ce sont des maladies qui se déclarent de manière très précoce, avant 65 ans, voire avant 50 ans, parfois même plus tôt, mais c’est très minoritaire. Cela représente seulement 1 % de toutes les personnes qui ont cette maladie.

La forme de loin la plus commune est la forme sporadique, qui n’a pas ce caractère d’hérédité automatique ou presque, mais il y a quand même des gènes qui sont impliqués, qui sont des facteurs de risque. Alors, ce n’est pas parce qu’on a telle version de ce gène qu’on va forcément avoir la maladie, mais on peut être plus ou moins à risque. Il y a aussi des allèles, des formes de gènes qui protègent contre la maladie.

En quoi consistent vos recherches sur la maladie d’Alzheimer ?

Mes recherches concernent le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. C’est un gros enjeu parce que le diagnostic est assez compliqué. Il est chronophage et il y a peu de gens qui y ont accès, parce qu’il faut aller dans de grands centres de santé, faire des imageries, des ponctions lombaires, et des tests neuropsychologiques qui prennent beaucoup de temps. Donc, dans le cadre d’une collaboration avec des universités anglaises, j’ai développé un jeu vidéo qui s’appelle « Sea Hero Quest ». Ce jeu teste votre sens de l’orientation, l’un des symptômes les plus précoces de cette maladie. Ainsi, si on arrive à quantifier et à tester le sens de l’orientation chez les patients, cela peut être un premier filtre qui va permettre de dire : « Ah oui, vous, votre sens de l’orientation est un peu inquiétant, on va vous référer à un spécialiste qui fera des analyses complémentaires. »

Ce jeu vidéo a été lancé en 2016 : quels enseignements en avez-vous déjà tiré ?

L’enjeu c’était d’avoir une grande base de données pour comprendre quels étaient les facteurs non pathologiques qui allaient influencer sur le sens de l’orientation. On a pu, à partir de cette base de données, voir représentés tous les pays du monde du Groenland au Togo, des pays qui ne sont jamais testé normalement dans la recherche scientifique faute de moyens. Le jeu vidéo a ouvert une fenêtre sur le monde, pour pouvoir tester des profils auquel on n’a pas accès depuis notre laboratoire. On a pu comprendre comment le sens de l’orientation était distribué chez les humains en fonction des pays, des cultures, de l’âge, des genres. Et l’idée, à partir de cette base de données, est de pouvoir comparer le comportement spatial de patient.

Par exemple, un patient, Monsieur Martin, vient consulter parce qu’il a des doutes et qu’il est inquiet. Le gériatre ou le neurologue le teste avec ce jeu vidéo et compare son comportement avec d’autres patients de notre base de données présentant des ressemblances démographiques, qui ont le même âge, qui viennent du même pays, qui ont la même culture etc. Cela permet d’isoler la composante pathologique du comportement de ce Monsieur Martin des autres facteurs non pathologiques.

À SAVOIR

Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du mardi 11 mars 2025 sur Ma Santé TV.

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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