Véritable outil de justice, la médecine légale est une discipline complexe qui connaît une vague de popularité depuis quelques années. Pourtant, le public n’en connaît pas tous les aspects et résume souvent la discipline aux autopsies et à l’étude des corps. Invité de l’émission Votre Santé sur BFM TV Lyon ce jeudi 30 juin, le Dr Laurent Fanton, chef du service de médecine légale des HCL, lève le voile sur les réalités de ce métier aux prérogatives bien plus importantes qu’on ne le pense.
On pense souvent aux autopsies, mais la médecine légale a une fonction bien plus large. Certificat d’ITT (Interruption Temporaire de Travail), accompagnement psychologique de victimes d’accident ou d’agression… Ce métier, à l’image biaisée par de nombreuses idées reçues, relève d’une prise en charge bien plus globale que ce que l’on pense.
Chef du service de médecine légale des HCL, le Dr Laurent Fanton a profité de l’émission Votre Santé, coanimée par Elodie Poyade et Pascal Auclair ce jeudi 30 juin sur BFM TV Lyon, pour démystifier sa discipline et en expliquer toutes les applications.
Comprendre la médecine légale : rôle, suivi des victimes et définition de l’ITT
Quel est le rôle de la médecine légale ?
Nous ne pratiquons pas que des autopsies et il est important d’attirer l’attention du public sur ce sujet. Le service de médecine légale des Hospices Civils de Lyon est composé de deux unités : l’institut de médecine légale et les unités médico-judiciaires.
Les unités médico-judiciaires sont des endroits dans lesquels les médecins légistes prennent en charge les victimes de tous âges et de tout type de violence. Les violences intra-familiales représentent 25% de la consultation actuellement. On a aussi affaire à des violences sexuelles, des violences au travail, etc… Le médecin légiste rédige des certificats qui vont contribuer au fonctionnement de la justice au quotidien. Ce certificat va permettre aux magistrats d’orienter l’affaire vers la bonne juridiction. Aujourd’hui, les unités médico-judiciaires constituent aussi une porte d’entrée sur le système de santé. Quand on est victime de violences, il y a la violence physique mais également la violence psychologique. Le service de médecine légale est donc une porte d’entrée sur la prise en charge psychologique des victimes.
Y a-t-il un suivi des victimes après la prise en charge ?
Il existe deux types de suivi. Le premier est relativement récent et novateur et concerne les victimes de violences sexuelles. À Lyon, les victimes de violences sexuelles sont systématiquement rappelées par une psychologue dans les 10 à 15 jours qui suivent les faits. Sinon, on propose une prise en charge psychologique immédiate à toutes les victimes, notamment les victimes de violences conjugales. Selon le degré de gravité, il existe également une prise en charge différée avec une orientation vers nos partenaires, à l’intérieur du CHU ou sur le réseau de proximité.
Comment est défini une ITT (Incapacité Totale de Travail) ?
Quand on parle d’Incapacité Totale de Travail, on parle en fait de retentissements physiques ou psychologiques sur la vie personnelle de la victime. Pour évaluer cette ITT, nous devons essayer d’évaluer la durée durant laquelle la victime va être gênée dans sa vie personnelle.
Pour ce faire, on utilise des éléments objectifs, comme par exemple la durée de l’immobilisation ou de l’hospitalisation. La durée pendant laquelle la personne va avoir besoin d’une aide à domicile est aussi très importante pour évaluer une ITT (aide à l’habillement, accompagnement pour les sorties…). Il faut savoir que cette ITT ne s’impose pas aux magistrats. Le magistrat est complètement autonome : il va qualifier les faits et décider de la juridiction vers laquelle orienter l’auteur de l’agression.
Médecine légale : un outil de la justice
Comment travaillez-vous précisément ?
Nous travaillons en équipe. Le service de médecine légale est commun au service hospitalier. Il y a des médecins mais aussi des agents techniques qui nous aident à faire les autopsies. Nous recevons des missions de la part de la justice, comme la recherche de la cause du décès par exemple. Puis pour aller plus loin, on nous demande de déterminer les circonstances dans lesquelles est survenu ce décès, mais ce n’est pas toujours possible.
Dans quelles circonstances a-t-on recours à une autopsie ?
C’est le magistrat qui décide si l’on fait ou non une autopsie. Le magistrat cherche à traquer l’homicide. Mais l’homicide peut prendre de multiples masques, il peut se cacher derrière un suicide, un accident… Les principales indications en matière d’autopsie aujourd’hui sont les morts violentes, c’est-à-dire tout décès en rapport avec la mise en jeu d’une force à l’origine de la mort. Ensuite, il y a les décès qui sont susceptibles d’engager la responsabilité des médecins. Enfin, il existe des décès pour lesquels l’identité de la victime n’est pas possible à déterminer.
Comment se passe une autopsie ?
L’autopsie est un acte qui dure plusieurs heures en fonction de la complexité des cas. Il débute par un examen externe, puis on fait l’examen de tous les organes.
La relève est assurée !
Est-ce un métier qui attire aujourd’hui ?
Ce métier a été popularisé par les séries télévisées, c’est incontestable. Nous n’avons pas de peine à recruter. Beaucoup de jeunes sont attirés par cette discipline pour de multiples raisons. La relève est assurée par une génération de jeunes extrêmement motivés et très brillants qui ont ce souci de traquer la vérité et de s’occuper des victimes le mieux possible.
Est-ce un métier pesant dans la vie personnelle ?
Cela peut être pesant dans certaines affaires. Dans le service de médecine légale des HCL, l’administration et les chefs de service prennent soin de leur personnel. Il existe un accompagnement lorsque l’on prend en charge des affaires particulièrement douloureuses susceptibles de nous impacter. Mais il y a aussi des accompagnements mis en place de manière pérenne et c’est vraiment important.
Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du 30 juin 2022.
À SAVOIR
L’émission Votre Santé est à suivre chaque jeudi en direct à 17h45 sur BFM Lyon. L’émission est ensuite diffusée le jeudi soir ainsi que tout le week-end en multidiffusion sur la chaîne locale.