Plusieurs enquêtes récentes viennent jeter une ombre sur le thon en boîte : il contiendrait des niveaux préoccupants de mercure, un métal lourd toxique pour l’homme. Au point que huit grandes villes françaises, dont Paris, Lyon et Montpellier, viennent d’annoncer le retrait temporaire du thon des cantines scolaires. Alors, sommes-nous en train de nous empoisonner sans le savoir ? Décryptage.
Le mercure est un métal lourd naturellement présent dans l’environnement, mais dont les émissions industrielles ont considérablement accru les concentrations dans les océans. Une fois rejeté dans l’eau, il se transforme en méthylmercure, un composé hautement toxique qui s’accumule dans la chair des poissons.
Plus le poisson est grand et en haut de la chaîne alimentaire, plus il concentre de mercure. Or, le thon est un prédateur migrateur de grande taille, ce qui en fait l’un des poissons les plus contaminés.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) rappelle que le thon, l’espadon ou encore le requin figurent parmi les espèces à éviter chez les populations sensibles : femmes enceintes, femmes allaitantes et jeunes enfants.
Pourquoi le thon est-il particulièrement concerné par le mercure ?
Que disent les enquêtes récentes sur le thon en boîte ?
En octobre 2024, les ONG Bloom et Foodwatch ont analysé 148 boîtes de thon vendues en France. Le résultat est sans appel : 100 % contenaient du mercure, parfois à des niveaux préoccupants. Selon leurs calculs, en raison du processus de mise en conserve (qui concentre le poisson), la teneur réelle en mercure pouvait atteindre 2,7 mg/kg, alors que la limite réglementaire européenne est fixée à 1 mg/kg pour le thon frais (Bloom, 2024).
Plus inquiétant encore, plus de la moitié des échantillons dépassaient la limite maximale fixée pour d’autres poissons plus petits (0,3 mg/kg). Un constat qui alarme d’autant plus que les enfants sont régulièrement exposés via les repas scolaires.
Quels sont les risques pour la santé ?
Le mercure, et plus particulièrement le méthylmercure, est un neurotoxique puissant. Il s’accumule dans l’organisme et peut provoquer des atteintes graves :
- Chez le fœtus et le jeune enfant : retards de développement, baisse du QI, troubles neuromoteurs et cognitifs (OMS).
- Chez l’adulte : troubles de la mémoire, atteintes rénales, cardiovasculaires et neurologiques en cas d’exposition chronique.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a fixé une dose hebdomadaire tolérable (DHT) de méthylmercure à 1,3 µg/kg de poids corporel. Mais avec une consommation régulière de thon en boîte, cette dose peut être rapidement dépassée, en particulier chez les enfants.
Pourquoi certaines villes ont-elles banni le thon des cantines scolaires ?
Fin août 2025, huit grandes municipalités françaises (Paris, Lyon, Grenoble, Lille, Montpellier, Rennes, Bègles et Mouans-Sartoux) ont annoncé la suspension du thon dans les menus scolaires. Leur objectif est d’appliquer le principe de précaution et protéger les enfants, population la plus vulnérable aux effets du mercure.
Ces villes demandent que la réglementation évolue et que la limite maximale de mercure pour le thon soit abaissée à 0,3 mg/kg, soit le même seuil que pour les petits poissons, beaucoup moins contaminés.
Mercure dans le thon : quelles précautions ?
Faut-il arrêter de manger du thon en conserve ?
Pas forcément, mais la modération est essentielle. Les autorités sanitaires conseillent :
- Limiter la consommation de thon (frais ou en boîte) à une fois par semaine maximum chez l’adulte.
- Éviter totalement le thon, l’espadon et d’autres grands prédateurs chez les femmes enceintes, allaitantes et les jeunes enfants.
- Varier les sources de protéines : sardines, maquereaux ou anchois sont riches en oméga-3, peu contaminés et souvent moins chers.
Que disent les industriels ?
La Fédération des industries d’aliments conservés (FIAC) défend la conformité des produits en affirmant que « les conserves de thon respectent la réglementation européenne » (≤ 1 mg/kg).
Selon leurs analyses internes menées sur huit ans, les niveaux moyens de mercure seraient même trois fois inférieurs au seuil légal. Ils contestent par ailleurs la méthodologie des ONG, qu’ils jugent non conforme aux standards réglementaires.
À SAVOIR
Des chercheurs suédois ont trouvé une méthode simple pour réduire le mercure dans le thon en conserve : ajouter une solution contenant de la cystéine, un acide aminé qui capte le mercure. Résultat : jusqu’à 35 % de mercure en moins dans les boîtes testées.








