Le Lyonnais Franck Trignat, victime de polypose nasale et, incidemment, de la perte du goût et de l'odorat.
Pour Franck Trignat, des plaisirs simples, comme sentir l'arôme d'un bon café, se sont envolés avec la perte de son odorat. ©DR

Mise en lumière par la crise Covid, la perte d’odorat n’est pas une découverte pour de nombreux Français. C’est même l’un des principaux symptômes de la très isolante polypose nasale, une affection terriblement handicapante au quotidien dont souffre le Lyonnais Franck Trignat. Six ans après les premiers signes, cet épicurien dynamique, chef d’entreprise et père de deux enfants, a finalement pu retrouver goût à la vie par la grâce d’un médicament miraculeux. Au terme de longues années de souffrance, il témoigne de la descente aux enfers qui accompagne la perte de ces sens bien plus essentiels qu’on ne le pense : l’odorat et le goût.

« Je baigne dans le goût et l’odorat depuis tout petit ». Sans avoir conscience de ce privilège, comme la plupart d’entre nous, puisque c’est généralement au moment de la privation que l’on arrive à juger ce que l’on a perdu.

Enfant, Franck Trignat se rêvait cuisinier. Si l’avenir en a décidé autrement, ce consultant en informatique a toujours cultivé l’amour des bonnes choses, le goût du vin, la convivialité de la table… Un bon vivant, en somme, qui a pris de plein fouet la perte de son goût et de son odorat, plusieurs années avant que l’épidémie de Covid-19 ne vienne populariser ces termes un brin barbares que sont l’agueusie et l’anosmie.

« Quand le Covid est arrivé, je me suis dit ‘’bienvenue les amis’’, vous allez comprendre ce qu’est ma vie ». Cette vie, c’était celle d’un homme victime, dans une indifférence quasi générale, d’un handicap aux répercussions physiques et mentales bien plus lourdes que ce que l’on pense. « Cela a aidé beaucoup de monde, y compris parmi mes amis et ma famille, à prendre conscience de l’effet invalidant de la perte du goût et de l’odorat ».

Aux origines du mal, la polypose nasale

Pour Franck, le mal s’est annoncé à travers quelques signes bénins. « J’ai toujours eu un terrain allergique, et parfois, tout se fermait. J’avais souvent le nez bouché et je prenais de la cortisone pour remédier au problème », témoigne ce grand sportif, 35 ans de rugby au compteur.

Sauf que le ‘’souvent’’, peu à peu, finit par devenir ‘’tout le temps’’. Et « en juillet 2017, après une grosse crise, j’ai fini par aller voir un ORL, qui m’a dit que le souci venait de mes sinus et qui a mis un mot sur le mal ». Ce mot, c’est celui de la polypose nasale, forme de rhinosinusite chronique se caractérisant par la prolifération de polypes dans les cavités nasales.

Cette affection méconnue, qui toucherait pourtant près d’un million de Français, ne se traduit pas seulement par une obstruction des voies nasales. Elle est le plus souvent accompagnée par une perte partielle et/ou totale du goût et de l’odorat, comme chez Franck, chez qui « cela s’est généralisé jusqu’à devenir permanent ».

Absence d’odorat et de goût : “à table, on devient un étranger”

À l’époque, les regards n’ont pas encore la compassion post-Covid. Le mal-être, pourtant, s’installe insidieusement, dans des proportions que ce Lyonnais, installé dans le décor plus verdoyant de Grigny, résume à merveille : « on mange un steak comme on mange un bout de coton. Et c‘est quelque chose que l’on vit mal, car cela affecte un sens très personnel, touchant aux sentiments et aux émotions. Pour le cerveau, le circuit de l’odorat est très proche de celui de la récompense. Il prive de petits plaisirs de la journée que sont l’odeur des arbres, des tartines grillées, du cuir de la voiture ou même de l’air frais… Tout cela disparaît, et avec lui la sécrétion d’endorphine », la fameuse hormone du bonheur.

Franck, du fait de son asthme, est rapidement confronté à des troubles du sommeil, qui altèrent son humeur et accroissent fatigue et irritabilité. Sa libido est en chute libre, il ne sent plus ses propres odeurs et fait face à de nouveaux dangers, laissant « deux fois le gaz allumé », ne devinant plus « un œuf ou une huître avarié ». Une spirale infernale qui devient invivable au moment des repas, instants chers à tout épicurien : « on ne partage plus l’atmosphère et, à table, on devient un étranger. On finit par s’isoler et à perdre le goût des autres… »

« Cet avenir était inacceptable, alors je me suis obstiné »

Habitué aux défis, Franck Trignat refuse pourtant de subir. D’autres n’ont pas eu cette chance, mais lui sait que son goût et son odorat ne sont pas loin. La cortisone, en effet, les lui réveillent partiellement, lorsqu’il s’en administre des doses de cheval pour profiter, trois fois par an, des fêtes de Noël, de son anniversaire et des vacances. Mais à quel prix : « j’avais le choix de vivre avec, ou de flinguer quinze ans de ma vie en prenant de la cortisone. Cet avenir était inacceptable, alors je me suis obstiné ».

Le chef d’entreprise consulte des spécialistes, pneumologue et ORL, candidate à des protocoles thérapeutiques, gratte des informations dans des revues médicales… Et finit par dénicher une information américaine faisant état des bienfaits du Dupixent, médicament prescrit contre la dermatite atopique (eczéma), sur l’asthme… et la polypose nasale. « Mais nous étions en 2020, et il y avait à l’époque tout un processus de validation du médicament, sans date annoncée ».

« J’en ai pleuré de joie »

Les mois passent, et son médecin, le Dr Clémentine Daveau, ORL à la Croix-Rousse à Lyon, lui laisse enfin entrevoir le bout du tunnel. Avec une dernière épreuve à franchir, une intervention chirurgicale pour évacuer les polypes et dégager le nez. « Je savais que cela ne marcherait pas, mais il fallait passer par là pour éliminer les autres options et avoir droit au traitement. Je me suis fait opérer en novembre 2021. Cela a fonctionné un mois, avant que je ne reperde mes sens. C’est le côté aberrant des protocoles, et si je témoigne aujourd’hui, c’est aussi pour que cela change ».

Las, Franck est désormais éligible au remède miracle. En mars 2022, il subit sa première injection : « en 24 heures, j’ai retrouvé le goût et l’odorat, comme avant. Je n’ai plus de polypes, et cela a même des effets sur mon asthme ! Le produit est ultra efficace. Tout ce que j’ai à faire, c’est une piqûre tous les quinze jours, et depuis un an je n’ai eu aucun problème ».

Après six ans de calvaire olfactif, ce père de famille de 48 ans est sorti du brouillard : « j’en ai pleuré de joie… C’était devenu tellement dur que j’étais prêt à essayer n’importe quoi, de la transfusion de sang de bœuf au recours à une guérisseuse », sourit-il aujourd’hui. « Cela montre à quel point il faut être acteur de sa guérison en allant chercher les solutions que l’on ne vous apporte pas sur un plateau. Oui, cela vaut le coup de se battre ! » Ne serait-ce que pour retrouver le goût de soi et des autres.

Retrouvez ici le témoignage du restaurateur Michel Doriez, anosmique et agueusique depuis 20 ans.

À SAVOIR

On sait encore peu de chose sur la polypose nasale, dont les origines peuvent aussi bien être congénitales (de naissance), que traumatiques ou virales (Covid-19). Chez la plupart des patients (87%), elle est associée à d’autres maladies comme des allergies, de l’asthme ou encore de l’eczéma (dermatite atopique). De nombreux asthmatiques et de patients souffrant de rhinosinusite chronique développent une polypose nasale.

Son diagnostic est souvent tardif (40-50 ans), mais la maladie se développe bien plus tôt, ce qui a le temps d’infliger d’infinies souffrances physiques et morales à ceux qui en sont les plus fortement atteints.

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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