Le salon Preventica, prévu du 29 septembre au 1er octobre à Eurexpo-Lyon, fait partie des nombreux événements annulés face à l’aggravation de la situation sanitaire. Son commissaire général, Éric Dejean-Servières, revient sur les conséquences du report d’une édition 2020 qui, marquée par la crise du printemps, devait justement placer l’épidémie de Covid-19 au coeur de la réorganisation du monde du travail, entre télétravail et prévention des risques.
Comme de nombreux autres événements lyonnais, le salon Préventica a fait les frais du rebond de l’épidémie de Covid-19. Ses organisateurs ont officialisé lundi le report de l’événement, suite aux mesures de restrictions prises par le préfet du Rhône. L’interdiction des rassemblements de plus de 1000 personnes a en effet condamné la tenue d’un salon qui devait rassembler plus de 10 000 visiteurs autour de la prévention en santé en travail en milieu professionnel.
Son commissaire général, Éric Dejean-Servières, revient sur les raisons de ce report, mais aussi sur les grands sujets qui toucheront à l’organisation du travail dans un contexte fortement impacté par l’épidémie de coronavirus.
Comment avez-vous vécu la décision de reporter Préventica 2020?
La décision du préfet de limiter les rassemblements à 1000 personnes est marquée par la sagesse. Notre décision, dès lors, était de suivre celle du préfet. Non pas en annulant le salon, ce qui aurait été une catastrophe, mais en le reportant à une date que nous n’avons pas encore établie. Si les conditions sanitaires s’aggravent dans la région, il est en effet plus sage d’interdire les grands événements. Cela ne se discute pas. Mais en tant qu’organisateurs, nous avons pris un énorme coup derrière la tête. À une semaine de l’événement, c’est un an de travail qui tombe à l’eau. Nous ne sommes bien sûr pas seuls dans ce cas-là, mais c’est très dur à encaisser sur le plan humain.
Report du salon Préventica : “les conséquences seront lourdes”
Quelles sont les conséquences d’un tel report pour le salon et ses exposants ?
Les conséquences financières seront lourdes. Un report, même si nos partenaires suivront le mouvement, entraîne un renouvellement d’investissements, comme celui de la communication. Certains exposants, du fait d’autres engagements, ne pourront sans doute pas venir aux nouvelles dates. Et nombreux sont ceux qui comptaient profiter de cette période de rentrée pour se relancer, après un confinement qui a fait mal.
Avez-vous déjà été confronté à une crise économique d’une telle ampleur ?
Il y a eu la crise de 2008, qui a été fatale à de nombreuses entreprises. Mais en tant que chef d’entreprise, en activité depuis 1994, je n’ai jamais vécu un tel cataclysme. Il va y avoir du dégât dans de nombreux secteurs, et notamment parmi les acteurs de l’événementiel, même si nous sommes soutenus par le PGE (le prêt garanti par l’État, NDLR) ou par les mesures de chômage partiel.
Report du salon : “une forme d’injustice”

Avez-vous des regrets quant aux choix des mesures restrictives ?
Je mets ma main au feu que ce salon aurait été parfaitement clean. Nous sommes un salon de la santé, qui se doit d’être exemplaire. Et nous avions prévu de prendre des mesures sanitaires encore plus fortes que fortes. C’est pour cela que nous sommes aussi animés par un certain sentiment d’incompréhension lorsque l’on voit tous les jours des milliers de personnes dans les grandes surfaces, des rues commerçantes bondées le samedi, sans que cela ne suscite de mesures particulières. Il y a une forme d’injustice, même si l’on approuve à 150% la décision face à l’aggravation de la situation.
Comment voyez-vous l’avenir du salon Préventica ?
Il faut rester positif. Le salon, lorsqu’il pourra avoir lieu, sera d’autant plus dans l’ère du temps et utile à toutes les entreprises. Nous ne parlerons que de réorganisation du travail, face à ce virus qui circule toujours, face à d’autres crises potentielles, face à des situations imprévisibles comme le confinement… Les prochaines éditions de Préventica n’en seront que plus intéressantes, car nous sommes dans la réinvention constante du travail.
Justement, quelles problématiques de santé au travail devaient être au centre de Préventica Lyon 2020 ?
Si le salon est à la convergence de tous les acteurs de la santé au travail et plus largement de l’évolution du travail, le fil rouge devait forcément tourner autour de la gestion de crise et des nouvelles organisations du travail issues de la crise sanitaire du Covid-19. On vit actuellement un mouvement violent et inédit qui aura des répercussions à long terme sur la vie de l’entreprise et du salarié. À la clé, de nouvelles réflexions pour améliorer la prévention des risques et la qualité de vie au travail.
Report du salon: Préventica, le télétravail au coeur des échanges
Vous pensez à quels types de changement ?
En premier lieu au télétravail. Avant la crise, de nombreux dirigeants étaient rétifs à ce concept. Le bureau était la règle et le télétravail l’exception. Dans de nombreuses entreprises, ce rapport s’est inversé avec le Covid. Cela induit de nouvelles problématiques. Quelles sont les tâches à réaliser à la maison ? Comment adapter son environnement de travail ? Comment organiser les réunions ? Faut-il réduire les surfaces de bureau ? Comment maintenir un état d’esprit corporate ? Comment prévenir la désinsertion professionnelle, quels sont les risques psychologiques ?…
Le Covid a-t-il changé le regard sur la santé au travail en France ?
Oui, forcément. Au-delà de la généralisation du télétravail, c’est une nouvelle vision du travail qui a vu le jour. Une question fondamentale, presque existentielle, qui va révolutionner la façon dont le salarié organise son temps sur son lieu de travail mais aussi son rapport au travail. Dans ce contexte Préventica va jouer pleinement son rôle de laboratoire d’échanges et de réflexions avec de nombreuses tables rondes, conférences et ateliers participatifs sur le sujet.
Quelles étaient les tendances émergentes sur Préventica 2020 ?
La réorganisation du travail. Autrement dit, comment rester performant et pérenniser l’entreprise tout en s’adaptant aux nouveaux impératifs de prévention. L’idée n’est plus de trouver l’entreprise idéale mais simplement l’entreprise sereine dont l’environnement est sain et sécurisé
Vous organisez Préventica dans d’autres pays. La France est-elle un « bon élève » en matière de santé au travail et de prévention du risque ?
Oui. En France, il existe une véritable culture de la santé au travail et de la prévention. Même si nous savons que tous les acteurs doivent restés mobilisés et continuer à promouvoir l’importance de ces sujets.
Nous organisons en effet Préventica en Afrique, notamment au Maroc et au Sénégal. L’organisation de la santé au travail et de la prévention est différente bien évidemment mais nous sentons une forte poussée de ces sujets qui deviennent prioritaires pour le bon développement des entreprises et des organisations.
Il est sûr que notre événement est organisé dans chaque pays avec les autorités nationales qui nous guident dans les grandes orientations à donner au contenu de nos rendez-vous.
Dans quels domaines la France doit-elle s’améliorer ?
Il reste encore beaucoup de progrès à réaliser en matière de sécurité routière. La route reste la première cause de mortalité au travail. Les chutes de hauteur et les chutes de plain-pied demeurent aussi de vraies priorités malgré les efforts déployés en matière de formation et d’action sur le terrain.
Nous observons aussi de nombreux besoins en termes de management.
Les sujets sont nombreux mais nous avons la chance d’avoir de nombreux acteurs engagés pour soutenir les entreprises et les organisations publiques dans le développement de leur politique de prévention des risques et d’amélioration de la qualité de vie au travail.
À SAVOIR
Organisée du 29 septembre au 1er octobre à Lyon-Eurexpo, l’édition 2020 de Préventica devait réunir près de 400 exposants sur le site de Lyon-Eurexpo, du 29 septembre au 1er octobre. Plus de 10 000 visiteurs étaient attendus pour assister à 180 conférences et ateliers animés par plus de 500 experts. Parmi les principaux thèmes abordés : manager et accompagner les équipes, produire et construire en toute sécurité, protéger la santé des salariés, sécuriser les lieux de travail, faciliter l’accès et la vie au travail… Préventica Lyon proposait aussi un programme exceptionnel de conférences intitulé : « Gestion de crise et nouvelles organisations du travail, pour aujourd’hui et pour demain ».
Je pense souvent à vous dans cette période d’épidémie galopante qui asphyxie les entreprises…….bises à tous