Une personne qui tombe beaucoup, sans savoir que c'est peut-être un signe avant-coureur de la maladie d'Alzheimer.
Une chute n’est pas un verdict, mais un élément à prendre au sérieux pour diagnostiquer la maladie d'Alzheimer © Freepik

Un simple gadin n’est jamais banal après 65 ans. En France, les chutes de nos aînés causent des milliers de décès et plus de cent mille hospitalisations par an. Et aujourd’hui, des étude démontrent qu’une chute avec blessure peut précéder, de quelques mois à un an, le diagnostic de démence, dont la maladie d’Alzheimer.

Et si une chute n’était pas seulement le fruit du hasard, d’un tapis mal ajusté ou d’un moment d’inattention ? C’est la question que posent des chercheurs américains dans une étude publiée dans JAMA Network Open. En examinant les dossiers médicaux de 2,45 millions d’Américains de plus de 66 ans, ils ont observé un phénomène troublant. Les personnes âgées ayant subi une chute avec blessure présentaient un risque accru de recevoir un diagnostic de démence dans l’année suivante.

Concrètement, 10,6 % des personnes tombées ont été diagnostiquées avec une démence dans les douze mois, contre 6,1 % chez celles blessées par d’autres causes (accident de voiture, choc, etc.). Après ajustement des données (âge, sexe, antécédents médicaux), la probabilité de démence restait supérieure de 21 % pour les patients ayant chuté.

Autrement dit, la chute pourrait être un événement sentinelle, un signal clinique qui précède la détérioration cognitive. « Ce n’est pas une relation de cause à effet, mais un lien suffisamment fort pour justifier une évaluation cognitive systématique après une chute », soulignent les auteurs de l’étude.

Pourquoi un trouble du cerveau provoquerait-il une chute ? 

Les scientifiques avancent plusieurs pistes. Dès les stades précoces de la maladie d’Alzheimer, les régions du cerveau impliquées dans la coordination motrice, la planification des mouvements et l’attention visuo-spatiale commencent à être altérées.

La marche devient moins fluide, la posture moins stable, les réactions plus lentes. Une bordure de trottoir, un sol irrégulier ou un simple tournant peuvent alors devenir de véritables pièges. « Ces changements sont souvent invisibles à l’œil nu. La personne paraît en forme, mais son cerveau ne commande plus ses gestes aussi efficacement », rappellent les chercheurs dans JAMA.

Des études antérieures, menées notamment à l’Université de Washington, avaient déjà noté que des troubles subtils de la marche pouvaient précéder de plusieurs années les premiers symptômes cognitifs. Mais jamais la corrélation entre chute et diagnostic de démence n’avait été aussi solidement chiffrée.

En France, un signal de plus dans un paysage déjà préoccupant

Sur le territoire français, la question est loin d’être anecdotique. Chaque année, une personne âgée sur trois chute, selon Santé publique France. Cela représente plus de 130 000 hospitalisations et près de 10 000 décès liés directement à ces accidents. Les chutes constituent la première cause de décès accidentel chez les plus de 65 ans, devant les accidents de la route.

Dans le même temps, environ 1,4 million de Français vivent aujourd’hui avec une maladie d’Alzheimer ou apparentée, selon l’Inserm, et 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Les deux phénomènes (chutes et démences) se croisent ainsi dans une zone d’alerte commune. Celle du grand âge et de la fragilité neurologique.

Le Plan antichute des personnes âgées, lancé par le ministère de la Santé en 2022, visait à réduire de 20 % le nombre de chutes d’ici 2025. Mais jusqu’ici, ces politiques de prévention n’intégraient pas la chute comme indicateur neurologique. Les résultats de l’étude américaine pourraient donc inspirer une évolution du dépistage en gériatrie : examiner le cerveau après une chute aussi systématiquement que l’on vérifie la tension ou la fracture.

Tomber, ce n’est pas seulement perdre l’équilibre, c’est souvent perdre des repères. Derrière un accident apparemment anodin, les médecins observent parfois des troubles de l’attention, de la perception ou de la coordination qui trahissent un déclin cognitif débutant.

Le phénomène n’est pas nouveau, mais il a longtemps été relégué au second plan. « On a toujours su que les patients atteints d’Alzheimer chutaient plus souvent », rappellent les neurologues français. « La nouveauté, c’est de comprendre que la chute peut précéder la maladie et non l’inverse. »

C’est un basculement de perspective. La chute n’est plus un simple symptôme de la démence, mais peut devenir un signal d’alerte diagnostique. Cela ne signifie évidemment pas qu’une personne qui tombe développera Alzheimer, mais plutôt que cette chute mérite une vigilance médicale plus importante.

Diagnostiquer Alzheimer plus tôt est devenu un véritable enjeu de santé publique pour donner une longueur d’avance aux patients. Car si la maladie reste incurable, la recherche a montré que des interventions précoces (activité physique, stimulation cognitive, adaptation de l’environnement) permettent de ralentir la progression des symptômes et de maintenir l’autonomie plus longtemps.

Les autorités de santé françaises encouragent désormais le repérage précoce des troubles de la mémoire dans les parcours seniors. L’Assurance maladie promeut notamment le programme ICOPE, conçu par l’OMS, qui propose un suivi global des fonctions cognitives, motrices et sensorielles dès 60 ans. Une chute pourrait, demain, en devenir un autre critère prioritaire.

À SAVOIR 

D’ici 2030, près de 20 millions de personnes auront plus de 65 ans. Une évolution démographique qui annonce un double défi majeur de santé publique : la hausse attendue des cas d’Alzheimer et, par ricochet, une augmentation des chutes liées au déclin cognitif.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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