Un sénior victime d'une chute.
Les chutes, pour des raisons physiologiques, ont de plus lourdes conséquences chez les personnes âgées. © Depositphotos/ljsphotography

Chaque année, près de 10 000 personnes âgées décèdent des suites d’une chute en France. Alors que le nombre de séniors ne cesse d’augmenter, tout l’enjeu consiste à mettre en place une prévention suffisamment efficace pour réduire le risque de chutes et, incidemment, faire baisser le nombre d’hospitalisations. Pourquoi les séniors chutent-ils plus ? Quels sont les moyens d’éviter les chutes ? Les réponses du Dr Aurélia Marfisi-Dubost, gériatre à Lyon et conseiller médical à l’Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes.

Selon l’Insee, un Français sur trois aura plus de 65 ans en 2050. Et la prise en charge humaine et financière de ce vieillissement sera l’un des grands enjeux de santé publique de ces prochaines décennies. Les personnes âgées, plus fragiles, sont plus sujettes aux maladies et aux blessures, aux conséquences inévitablement plus graves.

À l’heure du virage domiciliaire et de l’essor de la notion du bien vieillir, la prévention des chutes revêt ainsi une importance particulière. Chaque année, plus de 100 000 personnes âgées sont hospitalisées pour chutes graves en France, pour 10 000 décès. Soit largement autant que certains fléaux beaucoup plus médiatisés, comme la grippe ou la canicule.

Pourquoi les séniors sont-ils plus exposés ? Comment prévenir ces chutes aux conséquences dramatiques ? Les explications du Dr Aurélia Marfisi-Dubost, praticien hospitalier gériatre pendant 25 ans aux Hospices Civils de Lyon et aujourd’hui conseiller médical à l’Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes.

Constatez-vous une hausse des chutes chez les personnes âgées dans votre région, Auvergne-Rhône-Alpes ?

Tout à fait. Nous avons recensé 22 000 hospitalisations pour chute grave et 2700 décès en 2024 en Auvergne-Rhône-Alpes, contre 21 000 en 2023. Si l’on observe des statistiques plus larges, le nombre de personnes hospitalisées était de 96 personnes âgées sur 1000 en 2014, alors qu’il s’élève aujourd’hui à 128 sur 1000. L’un des objectifs du plan régional anti-chutes activé depuis 2022 est de faire baisser ce chiffre, grâce à une meilleure prévention des risques (lire À SAVOIR).

Pourquoi le risque de chute augmente-t-il avec l’âge ?

Le risque de chute est en effet multiplié par deux lorsque l’on passe de la tranche des 65-75 ans à la tranche des 75-85 ans, puis par un et demi lorsque l’on passe à la tranche de plus de 85 ans.

Ce risque augmente avant tout pour des raisons physiologiques. Le vieillissement génère des troubles de l’équilibre, des troubles de la vision, une perte de masse musculaire, un recul de l’agilité… Avec l’âge, on a aussi plus de maladies. On consomme donc plus de médicaments, et l’on sait que la sur-médication, comme la sous-médication, est également un facteur de risque.

Pourquoi les conséquences d’une chute sont-elles plus graves chez la personne âgée ?

Lorsqu’une personne jeune chute, elle peut plus facilement se rattraper et minimiser ainsi l’impact de la chute. Avec l’âge, les réflexes dits parachutes (avec les mains) sont moindres, ce qui explique pourquoi l’on voit souvent des personnes âgées, après une chute, se présenter avec de gros hématomes sur le visage.

Les séniors ont aussi des os plus fragiles, et donc plus à même de se fracturer. L’ostéoporose, une pathologie encore mal prise en charge et qui augmente avec l’âge, est aussi un vrai facteur de risque.

Conséquence, plus vous êtes âgés, plus le risque d’hospitalisation pour chute grave augmente, qu’il s’agisse de fractures du col du fémur ou du poignet, de commotions cérébrales, etc. Et ces conséquences ont également des répercussions psychologiques et sociales.

Un sénior victime d’une chute mettra-t-il aussi plus de temps à récupérer ?

Oui. Chez la personne âgée, la rééducation prend plus de temps que chez un jeune patient. Lorsque la masse musculaire est déjà faible, l’immobilisation engendre une fonte musculaire encore plus importante, ce qui va rendre la rééducation plus longue et difficile. Si la personne âgée, en plus, est victime de troubles cognitifs, les informations données par le rééducateur seront plus complexes à intégrer.

Nous sommes souvent face à une conjonction de facteurs, qui rendent le risque de chute plus important, la rééducation plus complexe et la possibilité de retrouver sa forme antérieure plus délicate.

À quel âge faut-il commencer à redoubler de vigilance ?

L’important est de prévenir le risque à tout âge et de ne pas attendre d’être un grand sénior de 85 ans pour entamer sa prévention. Plus celle-ci est prise en main tôt, plus l’état de forme sera préservé et susceptible de mieux protéger d’une chute. Et il n’y a pas de chute anodine. Souvent, les personnes âgées minimisent la gravité de leur chute, notamment les plus jeunes d’entre elles. Mais c’est un signe qu’il ne faut pas prendre à la légère.

Quelles sont les moyens de prévenir les risques de chutes ?

Avant tout par de bonnes pratiques : cultiver des liens sociaux, avoir une activité physique adaptée, privilégier une bonne nutrition, conserver une masse musculaire correcte. Ces habitudes favorisent le bien vieillir. Et plus vous anticipez ce bien vieillir, mieux c’est.

Comment faire prendre conscience de l’enjeu à une personne âgée ?

D’abord à travers une sensibilisation aux bonnes habitudes à adopter. Ensuite par le repérage, qui se fait souvent par l’entourage, le médecin, l’infirmier, le pharmacien, le club que l’on fréquente… Ce repérage d’une personne à risque permet d’activer une prévention concrète, notamment à travers des aides techniques, comme une canne ou l’aménagement du domicile.

Existe-il une certaine forme de déni chez la personne âgée, qui ne veut pas se sentir vieillir ?

Bien sûr, et c’est l’un des freins à la prévention. À 65 ans, on ne se sent pas concerné, mais on l’est déjà. À 75 ans non plus, souvent. Et lorsque l’on dépasse les 85 ans, on en prend conscience mais l’on juge qu’il est trop tard. D’où l’intérêt de bien communiquer auprès des personnes âgées, et ce dès 65 ans, pour évacuer ce déni.

À SAVOIR

Le plan anti-chutes des personnes âgées déployé en Auvergne-Rhône-Alpes est déployé depuis 2022 par l’Agence Régionale de Santé, sur les bases d’un décret national et en partenariat avec le Gérontopôle Auvergne-Rhône-Alpes. La sensibilisation du grand public est adaptée en fonction de l’âge des personnes âgées, de leur autonomie, de leurs besoins de repérage et de prise en charge. Une première journée régionale avait eu lieu en octobre 2023. 300 professionnels de santé ont participé, le 17 avril 2025, à la deuxième journée régionale du plan anti-chutes, avec des interventions autour de l’ostéoporose, de la iatrogénie médicamenteuse (sur ou sous-consommation de médicaments), des parcours de prévention et de prise en charge plus adaptés, etc.

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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