
La campagne de prévention contre la bronchiliote bat son plein, mais la couverture reste décevante. Pourtant, la France dispose enfin de moyens préventifs efficaces contre le virus responsable de cette infection respiratoire du nourrisson. Vaccin maternel et anticorps pour les bébés : les outils sont là. Alors pourquoi tant de nouveau-nés passent encore à côté d’une protection pourtant prouvée ?
En France, la bronchiolite du nourrisson reste une réalité sanitaire majeure, et cette année elle débute son offensive plus durement encore. Chaque année, près de 30 % des enfants de moins de deux ans sont touchés par le virus respiratoire syncytial (VRS), selon la Haute Autorité de Santé (HAS). Parmi eux, environ 2 à 3 % des bébés de moins d’un an nécessitent une hospitalisation, le plus souvent pour des difficultés respiratoires importantes.
Depuis 2023, la France s’est dotée de deux moyens de prévention jugés « hautement efficaces » par les autorités sanitaires. Deux armes, deux approches. D’un côté, la vaccination maternelle avec Abrysvo®, administrée entre la 32e et la 36e semaine de grossesse ; de l’autre, une injection d’anticorps monoclonaux (Beyfortus®, nirsevimab) pour les nouveau-nés avant leur première saison hivernale.
Les deux traitements sont validés par la Haute Autorité de Santé, pris en charge par la Sécurité sociale, et leurs bénéfices sont largement documentés.
Les vaccins sauvent des vies… quand ils sont faits !
Selon Santé publique France et l’Institut Pasteur, l’immunisation avec le nirsevimab a permis, dès la saison 2023-2024, une réduction de 76 % à 81 % des formes graves de bronchiolite entraînant une hospitalisation en soins intensifs. Ces résultats « en vie réelle » confirment ce qu’avaient déjà montré les essais cliniques.
Le ministère de la Santé estime qu’environ 5 800 hospitalisations de nourrissons ont pu être évitées sur la première saison d’utilisation du Beyfortus®. Quant à la vaccination maternelle, autorisée depuis 2023 également, elle vise à protéger le nouveau-né dès la naissance, en transmettant les anticorps de la mère au fœtus. Le vaccin Abrysvo®, produit par Pfizer, est remboursé à 100 % pour les femmes enceintes entre 32 et 36 semaines d’aménorrhée.
Sur le papier, la France dispose donc d’un dispositif complet pour prévenir la bronchiolite sévère. Mais dans les faits, la couverture reste décevante.
Beyfortus® : où en-t-on de la vaccination ?
Une couverture vaccinale encore trop faible
Le ministère de la Santé a publié, en février 2025, un premier bilan. Environ 352 000 doses de Beyfortus® ont été administrées aux nourrissons et 91 000 doses de vaccin Abrysvo® ont été délivrées aux femmes enceintes. Ces chiffres sont encourageants, mais ils ne représentent qu’une fraction des naissances annuelles en France (environ 700 000 bébés par an). Cela signifie qu’une part importante des nourrissons n’a pas encore bénéficié d’une protection contre le virus.
Les pédiatres s’inquiètent de ce retard. Plusieurs d’entre eux, notamment au sein de la Société française de pédiatrie, alertent depuis l’automne 2025 : la couverture est « insuffisante », et l’information « ne circule pas encore assez vite ».
Moins d’un nouveau-né sur deux est vacciné
La saison de la bronchiolite commence habituellement doucement en octobre et atteint son pic en décembre. Or, selon ces médecins, de nombreux bébés nés entre février et août 2025, qui auraient pu recevoir le traitement préventif , ne l’ont pas reçu.
Les données officielles de couverture nationale n’ont pas encore été publiées par Santé publique France, mais selon la Société française de pédiatrie, moins d’un nourrisson sur deux né entre février et août 2025 aurait bénéficié d’une immunisation contre la bronchiolite.
Bronchiolite : pourquoi ce retard dans la vaccination ?
Les vaccins sont encore inconnus
Plusieurs explications se superposent, souvent très terre-à-terre. D’abord, ces traitements sont récents. Le vaccin maternel n’a été disponible qu’en septembre 2023, et la diffusion du nirsevimab à grande échelle a réellement commencé lors de la saison 2023-2024. Le temps que les maternités, les sages-femmes et les pédiatres s’approprient le protocole, l’organisation a pu manquer de fluidité.
Ensuite, la logistique joue un rôle. Pour que le vaccin Abrysvo® soit efficace, il doit être injecté à la mère entre 32 et 36 semaines de grossesse. Si la grossesse est suivie tardivement, ou si la patiente ne reçoit pas l’information à temps, la fenêtre se referme.
Même logique pour Beyfortus®. Il doit être administré avant ou juste après la naissance, et la coordination entre maternité et médecine de ville n’est pas encore optimale partout.
Bronchiolite : une campagne qui manque de communication…
S’ajoute un facteur d’information. Beaucoup de parents découvrent l’existence de ces traitements trop tard, parfois même après la naissance. Le mot « vaccin » pour une femme enceinte ou un bébé peut aussi susciter des interrogations, voire de la méfiance. Pourtant, il ne s’agit pas d’un vaccin au sens classique pour Beyfortus®, mais d’une injection d’anticorps déjà formés.
Enfin, certaines inégalités d’accès persistent. Toutes les maternités ne disposent pas encore du stock nécessaire, et dans certaines zones rurales, les pharmacies ont eu des délais de livraison plus longs.
Un enjeu de santé publique et de pédagogie
Pour les autorités, l’objectif est de faire connaître et simplifier l’accès à ces outils avant le cœur de l’hiver. La Haute Autorité de Santé et le ministère de la Santé ont rappelé dans leurs dernières communications qu’il s’agit d’une « avancée majeure en matière de prévention infantile », comparable à l’introduction du vaccin contre la coqueluche il y a plusieurs décennies.
Mais il reste à convaincre. Beaucoup de parents ne perçoivent pas la bronchiolite comme un risque grave, d’autant qu’elle se soigne souvent à domicile. Pourtant, chaque hiver, environ 45 000 à 50 000 hospitalisations de nourrissons sont recensées en France pour bronchiolite, selon Santé publique France. La prévention pourrait éviter une grande partie de ces hospitalisations et alléger la pression sur les services pédiatriques, régulièrement saturés à l’automne.
À SAVOIR
D’après Santé publique France, l’hiver 2024-2025 a connu un démarrage plus tardif de l’épidémie de bronchiolite que les saisons précédentes. Les experts estiment que cette baisse de circulation précoce du virus pourrait être liée à la montée progressive de l’immunisation des nourrissons grâce au Beyfortus® et à la vaccination maternelle Abrysvo®.







