L’eczéma atopique ou dermatite atopique est la troisième maladie de la peau la plus fréquente après l’acné et les mycoses. Elle touche deux millions de Français et particulièrement les enfants. Cette maladie complexe et multifactorielle est loin d’être une fatalité. Quels sont les moyens préventifs à mettre en place. Existe-t-il des traitements adaptés ? Le point avec le Dr Florence Hacard, chef de service adjointe du service d’allergologie et d’immunologie clinique de l’hôpital Lyon Sud.
L’eczéma, cette maladie qui couvre le corps de plaques rouges prurigineuses, n’a pas que des répercussions physiques chez les patients. En effet, elle dégrade également l’estime de soi des personnes atteintes. Ces dernières ont tendance à s’isoler et à s’exclure en période de poussées. Le retentissement sur les relations professionnelles et sociales peut être important. Le point avec le Dr Florence Hacard, dermatologue à Lyon.
Qu’est-ce que l’eczéma ?
L’eczéma est un signe clinique pour définir une plaque rouge inflammatoire à la bordure pas nette et qui démange. Globalement trois types d’eczéma sont possibles: les eczémas atopiques (ou constitutionnels), les eczémas de contact d’irritation ou allergiques.
Quelles sont les différentes causalités de l’eczéma ?
La dermatite atopique ou eczéma atopique ou encore eczéma consitutionnel est une maladie courante dans la mesure où elle touche 10 à 15% des enfants et 3 à 5% des adultes. Les personnes touchées ont un terrain prédisposant appelé atopie. Leur peau est poreuse comme une passoire. Aussi, tout ce qui est dans l’air passe facilement à travers leur peau en provoquant une réaction inflammatoire.
L’eczéma de contact peut être allergique ou irritatif. L’eczéma de contact allergique nécessite une sensibilisation préalable. Il récidive à chaque nouveau contact avec l’allergène. Par exemple, lorsqu’on est allergique au nickel, un contact avec un élément métallique contenant du nickel déclenche l’affection.
L’eczéma de contact irritatif est lié à une irritation. Par exemple, quand on se lave fréquemment les mains avec du gel hydroalcoolique (personnel soignant).
La dermatite atopique est-elle transmise par les parents ?
Dans les maladies atopiques, on recense la dermatite atopique, l’asthme, la rhino-conjonctivite et les allergies alimentaires. Si le père et la mère souffrent de l’une de ces trois maladies, le risque qu’a l’enfant de développer une maladie atopique est de 70%. Si seul un des deux parents est atteint, le risque pour l’enfant est de 40%. Si aucun parent n’est atteint, le risque pour l’enfant est de 10%.
Au-delà de la génétique, existe-t-il d’autres facteurs aggravants ?
On sait que les facteurs environnementaux et sociaux jouent un rôle de plus en plus prépondérants dans le développement d’une dermatite atopique. Il y a cinquante ans, seuls 3 à 5% des enfants étaient concernés, contre 10 à 15% aujourd’hui. En cause, des logements souvent surchauffés et trop aseptisés. Notre manière de vivre aussi a modifié la donne, notamment notre rapport à l’hygiène. Alors qu’on ne se lavait pas forcément tous les jours avant, il n’est pas rare aujourd’hui de prendre deux douches par jour avec des produits nettoyants. La pollution a également un gros impact. Dans certaines zones très polluées en Chine, on estime que près de 40% des enfants sont sujets à de l’eczéma.
L’eczéma n’est pas une maladie psychosomatique.
Le stress est-il un facteur particulièrement important ?
Bien sûr, il est même très courant. C’est un facteur déclenchant ou aggravant, mais seulement chez les sujets ayant une prédisposition génétique à développer de l’eczéma. C’est d’ailleurs pour cela que l’on ne classe pas l’eczéma parmi les maladies purement psychosomatiques.
La dermatite atopique est-elle saisonnière ?
Certains patients voient leurs symptômes s’aggraver pendant l’hiver, du fait de la sécheresse induite par le froid et le vent. D’autres verront leurs symptômes s’aggraver durant l’été, saison propice à la sueur et à la transpiration. Cela dépend beaucoup de chacun. Certains patients constatent une flambée en période pollinique, d’autres en période de stress à la rentrée… L’eczéma est donc bel et bien multifactoriel et aléatoire.
Quel est le public concerné ?
C’est une maladie qui touche beaucoup les enfants, pour lesquels elle est généralement bénigne et facile à traiter. Quand elle persiste à l’âge adulte, sa forme est en revanche souvent sévère. C’est une maladie fluctuante évoluant par poussées. On peut être libre d’eczéma pendant vingt ans et le voir réapparaître à l’âge de cinquante ans.
Quelles zones du corps sont principalement touchées ?
Chez les enfants, la maladie touche le plus souvent les joues et la face externe des membres. On parle des convexités des membres, qui correspondent aux zones de frottements. Chez les plus petits, l’eczéma se développe en revanche plutôt au niveau des plis des coudes et des genoux, ainsi que dans le cou. À l’âge adulte, l’atteinte se porte sur le visage, le cou et les mains. Il existe également des eczémas généralisés qui touchent tout le corps.
Que faire pour éviter son apparition ?
Les personnes prédisposées à l’eczéma doivent prendre soin de leur épiderme (partie superficielle de la peau) et veiller à ne pas aggraver « les trous » dans la peau. Il est conseillé de privilégier les douches rapides plutôt que les bains, qui favorisent la porosité de la peau. On recommande également d’éviter les températures brûlantes et de ne pas dépasser les 30 degrés. Les savons ayant des propriétés caustiques, ils ont tendance à nuire à la peau en agressant le film gras naturellement présent sur la peau. Il est donc recommandé d’utiliser des produits sans savon. En traitement préventif, il est ainsi conseillé d’appliquer quotidiennement une crème ou un baume dédié, voire du cérat (préparation magistrale à base de cire d’abeille) en vue de reboucher les trous de la peau. Certains produits peuvent même faire l’objet d’un remboursement par la Sécurité sociale quand ils sont prescrits par un médecin.
Des traitements efficaces existent pour soulager les patients.
Quels sont les traitements ?
Dès l’apparition des plaques d’eczéma, il est recommandé d’utiliser des crèmes dermocorticoïdes. Souvent les patients attendent trop tard pour entamer leurs soins. Il est également fréquent qu’ils stoppent trop tôt leur traitement ou en applique en quantité insuffisante. Il est donc essentiel de bien respecter les recommandations. Parfois décriées, à tort, pour de pseudo effets indésirables, les crèmes dermocorticoïdes sont extrêmement efficaces, sécuritaires et ont peu d’effets secondaires.
Existe-il des risques de complications ?
À force de se gratter, les plaques peuvent dégénérer en plaies qui peuvent se surinfecter. Ce sont en effet des portes d’entrées à une bactérie redoutable, le staphylocoque doré. Traiter l’eczéma sans tarder permet donc d’éviter les plaies et, donc, les infections.
Le syndrome de Kaposi-Juliusberg est la contamination par le virus de l’herpès d’un enfant souffrant d’un eczéma étendu. Les boutons sont très douloureux et comporte un risque grave. Une hospitalisation et un traitement rapides sont nécessaires.
On s’intéresse également aux maladies associées. L’eczéma engendre des démangeaisons insoutenables qui réveillent parfois les patients la nuit. Cela entraîne des troubles du sommeil, et donc un état de fatigue qui entretient un cercle vicieux. Des troubles psychologiques peuvent également apparaître. Certains enfants peuvent ainsi souffrir d’hyperactivité, ce qui a des conséquences sur leur scolarité. Chez l’adulte, les effets de l’eczéma peuvent être à l’origine de dépressions, anxiété, soucis professionnels et relationnels… L’eczéma est en effet une maladie affichante. Ceux qui en souffrent n’osent plus se montrer en cas de flambée. C’est une vraie atteinte à l’image de soi.
L’eczéma, est-ce une fatalité ?
Non, des moyens efficaces existent pour en atténuer les affres. Si les soins locaux sont insuffisants, on peut proposer des traitements systémiques (immunomodulateur) et de la biothérapie (des anticorps rééquilibrent les déséquilibres de la peau). La recherche, très active en France, continue d’apporter de nouvelles solutions. Enfin, il existe un peu partout en France des écoles de l’atopie, dont la mission est de favoriser l’éducation thérapeutique. On prend un temps avec le patient pour parler de la maladie, ses facteurs, ses traitements et les modes de prévention des éventuelles poussées. Tout est mis en place pour que les patients aient les outils en main pour être autonomes dans leur gestion de la maladie.
À SAVOIR
Le service d’allergologie et d’immunologie clinique de l’hôpital Lyon Sud organise la 7ème journée de l’eczéma. Cet événement réunissant les patients et leur entourage ainsi que les professionnels de santé aura lieu le 17 septembre de 13h30 à 17h30 à l’Amphithéâtre Boiron situé à Pierre-Bénite. L’inscription, ouverte à tous, est gratuite et obligatoire.