Au cœur de la Biennale de la Danse de Lyon émerge cette année un projet follement ambitieux, qui met en scène des artistes amateurs pour certains nonagénaires. Le spectacle Miroir Miroir, imaginé par le groupe ACPPA en partenariat avec la ville de Lyon, réunit sur scène ce 26 septembre des résidents d’Ehpad, des soignants et des danseurs professionnels. Sa vocation ? Montrer que l’âge n’a pas de limites et que l’on est encore capable, malgré le vieillissement, de performances insoupçonnées.
Le groupe ACPPA, qui assure la gestion d’une quarantaine d’Ehpad, dont une majorité en Auvergne-Rhône-Alpes, concrétise un projet remarquable, qui contribuera très certainement à changer le regard porté sur le grand âge.
Alors que la Biennale de la Danse bat son plein à Lyon (du 6 au 28 septembre), des comédiens pas comme les autres montent sur la scène feutrée de la Chapelle de la Trinité, le 26 septembre.
Ces artistes éphémères jouent ici le rôle d’une vie. Car dans Miroir Miroir, ce sont bel et bien des résidents, parfois très âgés, qui mêlés à des professionnels confirmés et à quelques soignants volontaires assurent le spectacle. « Nous avons voulu intégrer un grand nombre de résidents, pour toucher le plus de personnes possibles et montrer qu’en vieillissant, on peut faire encore plein de chose, qu’il n’y a ni restrictions ni limites », confie Cécile Juan, psychomotricienne au sein de l’Ehpad des Collines de la Soie et danseuse pour le spectacle.
“Lorsque l’on montre que c’est possible, ils y sont arrivés”
Sur la trentaine d’interprètes, 15 sont des aînés, issus de quatre Ehpad (trois du réseau ACPPA et un du CCAS de la Ville de Lyon).
Il y a là Françoise, Dolorès, Bernadette ou Claudine. Mais aussi Jean-Patrick, le seul homme du groupe. Tous sont en fauteuil roulant. Tous frôlent ou ont dépassé les 90 ans. Tous, avant de se porter volontaires, ne s’imaginaient plus à même de réaliser des gestes simples, comme le confirme Cécile Juan : « ils ont d’abord été surpris, car ils pensent ne plus être capable de se mettre debout, de bouger… Ils ont mal, sont fatigués… Et finalement, lorsqu’on leur montre que tout est possible, ils y sont arrivés »

Au milieu des danseurs et musiciens, ils ont répété, avec un enthousiasme touchant, sous la houlette des deux créateurs du spectacle, les chorégraphes Cécile Combaret et Tarek Aït Meddour, de la compagnie Colégram. Et le résultat est bluffant, comme l’explique le second : « la meilleure manière de faire cohabiter deux mondes différents est de considérer qu’ils ne le sont pas. Ces aînés sont considérés comme des égaux, avec le même potentiel que nous. Ils ont des problèmes moteurs, entendent mal, voient mal, mais les ondes et l’énergie, la magie que dégagent la danse et la musique, font le reste du travail ».
Au fil des minutes, les gestes se font plus sûrs, et ces danseurs d’un jour révèlent des forces qu’ils pensaient disparues pour toujours. « On pense trop souvent à la mémoire cérébrale, mais la danse nous apprend qu’il y a aussi une mémoire du corps, qui fait appel aux sensations, aux souvenirs, à l’instant, sans besoin d’apprendre par cœur », reprend Tarek Aït Meddour.
“La jeunesse éternelle se trouve en chacun de nous”
L’initiative, lancée il y a trois ans, répond à plusieurs ambitions majeures. Elle révèle notamment, une nouvelle fois, toute la puissance de l’expression artistique dans un projet de soin, en l’occurrence le bien vieillir, avec toutes ses répercussions physiques, mentales ou cognitives.
Mais elle est aussi, et surtout, une fenêtre ouverte sur un autre monde. Celui où chacun aurait encore sa place, quel que soit son âge… « C’est un projet aussi humain qu’artistique », témoigne Cécile Combaret, qui évoque cette « richesse incroyable de partager ces moments avec des personnes bien plus âgées que nous. Ils nous apportent beaucoup, par la tendresse ou la facétie d’un regard. Et l’on sent que ce biais artistique les aide à se sentir pleinement vivants, même s’ils ont des moyens limités. Il y a des lignes qui bougent, on espère que ça s’installe de manière plus pérenne en eux ».
C’est là toute la finalité du spectacle : réveiller chez des personnes en grande perte d’autonomie, parfois minées par la maladie d’Alzheimer, ce sentiment qu’elles sont encore capables de beaucoup, et le faire comprendre aux générations qui les suivent, souvent stigmatisantes à leur égard. « Miroir Miroir est une pièce imaginée comme un conte, accessible à tous. C’est l’histoire d’une bande de jeunes ou de moins jeunes qui s’introduisent dans une chapelle où serait caché le secret de la jeunesse éternelle », révèle Cécile Combaret, complétée par Céline Juan : « Grâce au spectacle, on découvre que cette jeunesse éternelle se trouve en chacun de nous… »
À SAVOIR
Les résidents participant au spectacle Miroir Miroir, le 26 septembre à la Chapelle de la Trinité (entrée sur invitation), sont issus des Ehpad Les Amandines, la Colline de la Soie et La Rochette (groupe ACPPA) et Marius Bertrand (CCAS Ville de Lyon). Le projet est porté par le Groupe Associatif ACPPA, en collaboration avec Momentum et la compagnie de danse Colegram, dans le cadre de la Biennale de la Danse de Lyon. Il bénéficie du soutien de la ville de Lyon, de la Métropole de Lyon, du Groupe APICIL, de Malakoff Humanis et de la Fondation de France.