Depuis janvier 2025, les rayons des pharmacies se vident dangereusement de leurs antidépresseurs les plus prescrits. Sertraline, venlafaxine, lithium… Autant de traitements devenus introuvables pour des milliers de patients, déjà fragilisés par leurs troubles psychiques. Comment en est-on arrivé là ? Et surtout, que faire pour en sortir ? Décryptage.
En France, l’année 2025 a débuté sur une note pour le moins préoccupante : les antidépresseurs, des médicaments indispensables à l’équilibre mental de centaines de milliers de personnes, viennent à manquer.
Plus de 14 molécules psychotropes sont concernées. Cela va de la sertraline, souvent prescrite pour les troubles anxieux, à la venlafaxine, utilisée dans le traitement de la dépression sévère. Même les antipsychotiques comme la quétiapine ou les stabilisateurs d’humeur comme le lithium sont touchés. venlafaxine sertraline
Ce n’est pas une pénurie passagère. C’est une situation qui s’enlise, et les conséquences sont lourdes. Patients comme professionnels de santé tirent la sonnette d’alarme. Car au-delà du manque, c’est l’angoisse, l’instabilité thérapeutique et parfois la rechute qui guettent.
Une pénurie qui plonge les patients dans l’incertitude
Quelles molécules sont concernées ?
C’est une première : 14 molécules psychotropes sont en tension ou en rupture de stock depuis janvier, selon l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Parmi elles :
- Sertraline : un antidépresseur de la famille des ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine), très prescrit pour l’anxiété généralisée ou les troubles obsessionnels.
- Venlafaxine : un IRSNa (inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline), utilisé en cas de dépressions sévères.
- Quétiapine : antipsychotique souvent prescrit dans les troubles bipolaires.
- Lithium : stabilisateur de l’humeur incontournable dans la prévention des épisodes maniaques.
Pourquoi la France manque-t-elle d’antidépresseurs ?
La pénurie d’antidépresseurs en France ne tombe pas du ciel. C’est le fruit d’un enchaînement de failles, à la fois industrielles, économiques et structurelles. Notamment des problèmes de production à l’étranger. L’usine grecque Pharmathen International, qui fournissait 60 % de la quétiapine consommée en France, a connu des ralentissements de production. Résultat, des ruptures prolongées dans les pharmacies françaises.
Autre explication, et pas des moindres, les laboratoires jugent le prix de vente des psychotropes en France peu attractif. Ils préfèrent souvent réorienter leurs stocks vers d’autres pays européens où ces médicaments sont vendus plus chers.
Autre frein majeur, la rigidité de notre chaîne d’approvisionnement. Lente à réagir, trop dépendante de quelques fournisseurs, elle peine à s’adapter en cas de rupture. Alors, entre l’alerte, la validation des alternatives et les autorisations d’importation, les patients attendent, souvent trop longtemps.
Des patients désemparés, des soignants en détresse
La pénurie d’antidépresseurs en France n’est pas qu’une histoire de chiffres. C’est une réalité médicale qui complique sérieusement la prise en charge des patients. Faute de traitements disponibles, certains doivent changer de molécule en cours de suivi, avec tous les risques que cela implique : efficacité variable, effets secondaires, instabilité.
Pour les médecins, c’est un véritable casse-tête. Ils adaptent, réajustent, tentent parfois les préparations magistrales, des médicaments fabriqués à la demande en pharmacie. Mais ces solutions restent limitées, peu rentables, et donc rarement mises en œuvre. Le système s’adapte comme il peut, mais ce sont souvent les patients qui en paient le prix.
Pénurie d’antidépresseurs : comment faire face à cette crise ?
Quelles réponses apportent les autorités sanitaires ?
Face à la pénurie d’antidépresseurs, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a multiplié les réunions avec les industriels. Des autorisations ont été données pour importer certains traitements depuis l’Europe. Mais ces solutions restent ponctuelles, loin de répondre à l’ampleur du problème.
Du côté des professionnels, le ton se durcit. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) parle d’une situation “intenable”, qui s’aggrave mois après mois. Les associations de patients, elles, demandent des mesures structurelles : relocalisation de la production, meilleure régulation des prix, et surtout, transparence sur les stocks disponibles.
Pénurie d’antidépresseurs en France : comment sortir de l’impasse ?
Pour éviter que la pénurie d’antidépresseurs en France ne devienne la norme, plusieurs pistes sont sur la table :
- Réviser les prix de remboursement pour rendre le marché français plus attractif pour les laboratoires.
- Diversifier les sources de production, notamment en relocalisant certaines fabrications stratégiques.
- Créer une réserve stratégique de médicaments essentiels, comme c’est le cas pour certains vaccins.
Mais surtout, il est urgent de replacer la santé mentale au cœur des priorités. Grand sujet de santé publique en cette année 2025. Parce qu’un patient qui ne peut plus se soigner n’est pas juste une statistique. C’est une vie bouleversée, un équilibre fragilisé.
À SAVOIR
La pénurie d’antidépresseurs en France touche aussi les plus jeunes. Selon la Haute Autorité de Santé, le nombre de jeunes sous antidépresseurs a bondi de 60 % en 2025, avec 143 600 nouveaux patients. Un chiffre qui souligne l’urgence de sécuriser l’accès à ces traitements pour une population particulièrement vulnérable.