Le trafic routier est l'une des principales sources d'exposition aux particules fines. © welcomia sur Freepik

La région Auvergne-Rhône-Alpes fait face depuis le début de l’hiver à de nouveaux épisodes de pollution atmosphérique. Qu’en est-il de la détérioration de la qualité de l’air que l’on respire ? Le docteur Gaël Bourdin, pneumologue au Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc, tire la sonnette d’alarme.

Les sources de pollution atmosphérique sont multiples, et leurs effets sur la santé ne sont pas sans conséquences. Le pneumologue Gaël Bourdin, réanimateur au Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc et coordinateur de l’événement, démêle le vrai du faux et revient sur les actions pour s’en prémunir, individuellement comme collectivement.

Faut-il avoir peur de la pollution de l’air à Lyon et en Auvergne Rhône-Alpes ?

L’enjeu de cette conférence est justement de faire la part des choses entre les fantasmes et craintes liées à la pollution atmosphérique, et ce que l’on sait réellement de ses effets sur la santé, de ce que l’on peut attendre d’un changement des comportements, de l’action des pouvoirs publics… L’idée n’est donc pas de faire peur, mais d’apporter de justes informations, basées sur des données scientifiques, afin que chacun puisse mesurer l’ampleur de la tâche et prendre sa part de responsabilité.

Pollution, des seuils dépassés dans les métropoles

Quelle est la situation dans les grandes villes de la région?

Les seuils d’exposition fixés par l’OMS sont largement dépassés à Grenoble et Lyon, comme dans toutes les métropoles. Les aires urbaines, où les populations sont les plus nombreuses, concentrent beaucoup de trafic routier et sont donc particulièrement exposées à la pollution de l’air. Toutefois, elles ne sont pas les seules concernées. Des zones rurales ou semi-rurales sont régulièrement touchées, comme le Nord-Isère ou la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, qui a fait récemment l’actualité.

Sans céder à la psychose, il est donc temps de tirer la sonnette d’alarme ?

Nous avons fait l’autruche pendant des années, mais la population, comme les pouvoirs publics, ne peuvent plus se voiler la face. Nous faisons face à un véritable problème de santé publique, avec de forts impacts sur les populations. On parle beaucoup « pollution atmosphérique » en période hivernale, à l’occasion des pics, mais la pollution de l’air, c’est toute l’année. Ne pas le voir serait s’exposer à des risques importants dans l’avenir. Il est donc effectivement temps de tirer la sonnette d’alarme, mais sans se laisser paralyser par la peur : il y a des moyens de changer la donne !

La situation ne s’est-elle pas déjà améliorée ?

C’est une fausse manière d’observer l’évolution de la pollution atmosphérique. Il est vrai que l’on constate, malgré une hausse constante du trafic routier, une diminution des émissions qui lui sont imputées depuis une quinzaine d’années. Mais, notre seuil de tolérance n’est plus le même qu’au siècle dernier, et c’est tant mieux en terme de santé publique.

Le chauffage au bois, premier coupable en hiver

Quelles sont les principales sources de pollution atmosphérique ?

Les principales sources sont l’habitat, le trafic routier, l’industrie et l’agriculture. Tout dépend du type de polluant dont on parle : particules fines, oxydes d’azote (NOx), dioxyde de soufre (SO2), etc…

En ce qui concerne l’habitat, le chauffage individuel au bois est une source majeure d’émission de particules fines, polluant particulièrement dangereux. Les chaudières anciennes, mal entretenues, les cheminées d’agrément et l’utilisation de bois humide ou de mauvaise qualité participent fortement à ce phénomène.

En Rhône-Alpes, ce mode de chauffage peut dans certaines périodes être même responsable de deux tiers des émissions de particules fines en période hivernale ! En zone urbaine, où se concentre la plus grande densité de population, le principal fautif reste le transport routier. Même s’il faut reconnaître que d’importants efforts ont été fournis au niveau technologique, sous la contrainte législative notamment européenne.

L’augmentation du trafic et l’importante part du diesel dans le parc automobile constituent de véritables défis. L’industrie a fourni d’importants efforts grâce à une législation de plus en plus sévère. Elle reste néanmoins responsable d’environ 15 à 20% des émissions de particules fines.

Quelles sont les populations à risque ?

Comme toujours, les personnes les plus sensibles. Celles souffrant de pathologies chroniques comme l’asthme, la BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive, NDLR) et autres maladies respiratoires ou encore de maladies cardio-vasculaires.

Les personnes âgées et les enfants sont également particulièrement exposés ?

Oui, et notamment les enfants à naître, du fait de l’exposition des mères durant leur grossesse. Avec à la clé des naissances prématurées, des petits poids de naissance, des problèmes de développement respiratoire au cours des premières années de vie. Une étude menée par l’équipe de l’épidémiologiste grenoblois Rémy Slama (INSERM, Université de Grenoble) a démontré qu’un quart des petits poids à la naissance était attribuable à la pollution atmosphérique dans les régions lyonnaise et grenobloise.

Asthmes, maladies cardiaques, cancers…

Quels sont les principaux effets, à court et long terme ?

A court terme, on constate, lors des épisodes prolongés de pollution, une augmentation des crises d’asthmes, de pathologies respiratoires chroniques, de maladies cardiaques… Et l’on distingue de mieux en mieux les effets sur le long terme de l’exposition chronique aux polluants atmosphériques. Par exemple, habiter à proximité de voies à haute densité de trafic automobile pourrait être responsable d’environ 15 à 30% des nouveaux cas d’asthme de l’enfant. En outre, la pollution de l’air extérieur est classée « cancérigène certain » par l’OMS. L’étude citée plus haut a révélé que 7% des cancers du poumon diagnostiqués dans la région grenobloise étaient imputables à la pollution de l’air. Enfin, de récents travaux suggèrent un lien entre pollution de l’air et maladies neurodégénératives.

Peut-on se soustraire à une exposition ?

Chaque personne souffrant d’un asthme sévère connaît les bienfaits d’un séjour dans une zone moins exposée. Sur le court terme, on peut en revanche limiter ses effets, en évitant de pratiquer des activités sportives lors des pics de pollution, notamment lorsqu’on souffre d’une pathologie chronique.

Sur le long terme, seuls les politiques publiques et les changements de comportement individuels pourront prémunir chacun d’une exposition excessive aux polluants atmosphériques.

La seule solution réside-t-elle dans un changement des comportements ?

Il faut se méfier des donneurs de leçons et la solution universelle n’existe pas. Le chemin passe par une prise de conscience collective, et la certitude que chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. Si nos décideurs ont une responsabilité importante, c’est sans doute aussi à chacun de trouver ce qu’il peut améliorer dans son quotidien.

 

Pour en savoir plus : http://www.atmoauvergne.asso.fr/
Les sites internet de l’Agence Nationale de Santé Publique (ex-Institut National de Veille Sanitaire) et de l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) recèlent également de nombreuses informations.

A SAVOIR

On estime à 48 000 le nombre de décès évitables chaque année, si le niveau d’exposition aux pollutions de l’air dans les grandes villes était aligné sur celui des villes les moins exposées. En outre, une étude a également suggéré un gain moyen d’espérance de vie à l’âge de 30 ans de près de 6 mois par habitant, si le niveau moyen annuel des PM2,5 qui sont les particules les plus fines (égal à 16,5 µg/m3 à Lyon, Paris, Strasbourg ou encore Lille) était ramené au niveau du seuil fixé par l’Organisation Mondiale de la Santé (moins de 10 µg/m3).

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

1 COMMENTAIRE

  1. Les commentaires sur les pics de pollutions soulignent particulièrement Grenoble et Lyon comme étant polluées. Si à Saint-Etienne intra-muros la qualité de l’air est jugée satisfaisante , il n’en est pas de même sur les abords de la RN 88 dans la traversée de milieux très urbains ou ” ou ATMO RHône-Alpes juge sur la période annuelle de 2014 de très mauvaise aux abords de la RN 88 et l’institution ORHANE qui regroupe les pollutions AIR- BRUIt juge la situation du site RN 88 de “TRES DEGRADEE ” Et on en parle pas !!!! Les riverains de cette voie doivent subir à longueur d’année et 24/24 h ces pollutions qui agissent sur leurs santé. Sont-ils des oubliés ???
    Nol Berlier Président de ARDISO88
    J’aime · Répondre · 15 janvier 2017 00:03 · Modifié

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