Après l'accouchement, des exercices simples permettent au périnée de retrouver sa tonicité © Racool_studio sur Freepik

La grossesse et l’accouchement mettent à rude épreuve le périnée. Or, un bon périnée permet d’éviter les problèmes comme les descentes d’organes ou les fuites urinaires. Isabelle Megevet, sage-femme libérale à Grenoble, explique pourquoi la rééducation périnéale est une étape à ne pas négliger après l’accouchement.

Pourquoi est-il nécessaire de rééduquer le périnée après l’accouchement ?

Les mamans ne sont pas toutes sur un pied d’égalité. Certaines auront à peu près récupéré, quand d’autres auront le périnée plus abîmé. A l’accouchement, le passage du bébé provoque un étirement du périnée vers l’extérieur. On peut imaginer le périnée comme un col roulé qui se déplierait. Après l’accouchement, ce col roulé doit revenir à sa place initiale, comme si on souhaitait le réaspirer. A 90%, ce processus se fait seul, mais pour les 10% restants, il est intéressant d’avoir conscience de son périnée. C’est pour cela que je donne des informations sur le périnée dès la préparation à la naissance, afin que les mamans puissent le visualiser et le ressentir.

Justement, comment décrire rapidement le périnée ?

Le périnée est un ensemble de muscles qui forment la base du bassin. On peut imaginer cette base comme une bassine dont les bords sont formés par les os du bassin (sacrum, os iliaque, coccyx), et le plancher de cette bassine est l’ensemble des muscles du périnée. Le périnée fonctionne avec la respiration. C’est le deuxième diaphragme du corps. Même une maman qui a un bon périnée doit apprendre à le synchroniser avec les autres muscles du corps. Pour cela, elle doit le visualiser et le ressentir. Ce qui est intéressant, c’est que la maman apprenne à remonter le diaphragme de son périnée pendant l’effort. Pour aider mes patientes à mieux comprendre l’utilité du périnée, je leur fais faire un exercice très révélateur. Il s’agit de pousser un mur avec ses bras. Si l’on a une mauvaise position du périnée, (c’est-à-dire que l’on est cambrée, les genoux fléchis etc…), on a peu de force. Alors que si l’on remonte le périnée sur l’expiration, on se rend compte que l’on a beaucoup plus de force dans le haut du corps, et notamment les bras. Ne pas bien utiliser son périnée, c’est comme laisser une porte blindée ouverte !

La rééducation périnéale, nécessaire même après une césarienne

Est-ce uniquement l’accouchement ou également la grossesse qui met à mal le périnée ?

La grossesse aussi a une influence sur le périnée. Même les mamans qui ont eu une césarienne ont besoin d’une rééducation périnéale, car la grossesse induit un changement hormonal qui va entraîner un relâchement musculaire, y compris du périnée. La femme enceinte porte en permanence une charge lourde avec une bassine dont le plancher est formé par les muscles du périnée. Dans tous les cas, faire au moins 4 à 5 séances est toujours bénéfique pour plus tard. Même les femmes de 55 ans qui n’ont jamais accouché peuvent avoir un relâchement musculaire du périnée, avec des fuites urinaires, car elles ont l’habitude de pousser vers le bas quand elles font des efforts.

Le fait d’avoir eu ou non une épisiotomie pendant l’accouchement joue-t-il sur l’état du périnée ?

Je dirais plutôt oui car cela veut dire en général que le périnée avait peu d’élasticité, ou alors qu’il a fallu aller vite pour sortir le bébé. Certaines mamans (environ une sur dix) gardent aussi des douleurs après l’épisiotomie. Les forceps peuvent également avoir créé une lésion tout au fond du vagin. Pour traiter cela, j’utilise notamment une sonde qui possède un programme permettant de détendre des zones restées douloureuses.

Faut-il conjointement associer la rééducation périnéale à la rééducation abdominale ?

Tout à fait. Dans un premier temps, avant de commencer la rééducation abdominale, il faut que le périnée ait une efficacité minimum. Dès que celle-ci est acquise, il est intéressant de commencer la rééducation abdominale car le périnée n’est pas un muscle isolé, et est utilisé dans notre pratique sportive, nos mouvements dans la vie quotidienne, ou même lorsque l’on chante ! L’intérêt de cette rééducation est que la maman fasse ensuite mieux ses abdominaux, et protège son périnée notamment grâce à la respiration.

Que se passe-t-il pendant la grossesse au niveau des abdominaux ?

Ils s’étirent et ils s’écartent pour laisser la place à l’utérus. C’est pourquoi il ne faut pas les solliciter pendant la grossesse. A priori, tout comme pour le périnée, les abdominaux se remettent en place naturellement à 90%.

La rééducation débute 7 à 8 semaines après l’accouchement

Quand la jeune maman peut-elle démarrer la rééducation périnéale et abdominale ? Et doit-elle attendre plus longtemps si elle allaite ?

Lorsqu’une maman est très gênée, qu’elle a vécu un accouchement traumatisant, qu’elle souffre de fuites urinaires, a des douleurs ou l’impression de ne plus avoir de sensations, je peux la voir dans les 2, 3 ou 4 semaines suivant l’accouchement, juste pour lui montrer quelques exercices très simples de respiration en position allongée, assise ou debout. Le dos bien placé, la maman doit souffler et remonter son périnée, afin de le réaspirer.
Ensuite, la vraie rééducation abdominale commence 7 à 8 semaines après l’accouchement. Lorsqu’une maman allaite, il peut arriver qu’on lui conseille d’attendre 3 mois afin que la rééducation soit plus efficace, car elle est encore imprégnée d’hormones. On peut d’abord commencer par des exercices légers tous les 15 jours, puis entamer le vrai travail après 3 mois. Mais cela concerne surtout les mamans qui ont un gros travail à effectuer. Pour celles qui ont un bon périnée, il est possible de commencer plus tôt, même en cas d’allaitement.
Quant à la rééducation abdominale, si la maman a un très bon périnée, il sera possible de travailler directement la respiration avec des exercices où tout le corps est sollicité. Elle devra être capable de percevoir qu’elle ne pousse pas sur son périnée. Il faudra donc attendre que la maman ait récupéré un bon périnée pour commencer.

Peut-on faire certains exercices avant même le début de la rééducation ?

Oui, comme on l’a vu, on peut faire des petits exercices de respiration. On inspire légèrement, et sur le souffle, le périnée remonte, tout comme le diaphragme principal.

Redonner du tonus au vagin

En quoi consiste la première séance de rééducation périnéale ?

Il y aura tout d’abord un questionnaire sur leur santé : état de fatigue, traitements en cours (par exemple les antidépresseurs peuvent entraîner plus de fuites urinaires), déroulement de l’accouchement, antécédents gynécologiques. Et puis je demande à la patiente sous forme de question ouverte comment elle se sent aujourd’hui, avant de poser des questions plus intimes comme l’existence de fuites urinaires, la possibilité de se retenir comme avant, la sensation de pesanteur, une envie d’uriner mais qui n’est pas suivie par grand-chose (la vessie se contracte pour rien), le besoin de se lever pour faire pipi plus d’une fois dans la nuit, la reprise ou non des rapports sexuels (sachant que plus d’une femme sur deux n’a pas eu à nouveau de rapport avec son conjoint), le ressenti d’une sécheresse vaginale (l’accouchement et l’allaitement rendent la paroi très sèche). Je leur demande également quels sports elles pratiquent (sachant qu’il faut se méfier des sports où l’on saute et l’on court), je les questionne sur leur prise de poids et enfin sur d’éventuels problèmes au niveau des sphincters (constipation, hémorroïdes, impossibilité de retenir les gaz…).
Puis je vais procéder à un examen clinique du périnée. Sans toucher, je commence par observer l’état de la cicatrice, du périnée, la longueur entre le bas de la vulve et le sphincter anal. Je demande aux patientes de contracter et relâcher, puis je les fais pousser en écartant légèrement la vulve afin de voir si le plafond est visible de l’extérieur. Ensuite, l’examen au toucher me permettra, entre autres, d’évaluer la tonicité intérieure du vagin, ou encore la capacité à serrer le périnée pendant 5 secondes. Une fois le muscle principal vérifié, je teste le plafond et le plancher (car le périnée est comme une petite grotte avec des parois devant, derrière, sur les côtés). Je regarde également si les patientes sont capables de tousser sans pousser.

Rééducation, pilates et yoga

Existe-t-il différentes méthodes de rééducation périnéale ?

Oui, en fonction du premier rendez-vous, nous allons pouvoir choisir parmi plusieurs méthodes de rééducation. Pour moi, c’est important car certaines techniques seront plus ou moins adaptées aux besoins de la patiente. En voici quelques unes :

  • Nous pouvons utiliser de petites sondes qui permettent à la patiente de stimuler et renforcer la tonicité du périnée, et de regarder sur un écran ce qu’elle fait. Cela permet d’améliorer le schéma corporel et musculaire.
  • Il y a aussi le toucher manuel qui permet de rééduquer le périnée avec les doigts. Personnellement, je ne l’utilise que pour le diagnostic, mais certaines sage-femmes s’en servent pour des exercices.
  • Ensuite, il existe des exercices de respiration dans différentes positions.
  • Le pilates est aussi un très bon outil pour prendre conscience de son périnée et le sentir de l’intérieur. Les femmes apprennent à serrer et remonter leur périnée, et améliorent ainsi sa tonicité.
  • Enfin, l’eutonie, le yoga ou la méthode Feldenkrais peuvent être des méthodes intéressantes.

La patiente doit-elle faire des exercices à la maison entre les séances ?

Oui, il est très intéressant pour les femmes d’intégrer aussi des exercices dans leur vie quotidienne.

Faut-il attendre la fin de la rééducation pour reprendre le sport, ou y a-t-il certaines disciplines que l’on peut pratiquer ?

Oui, il faut attendre, sauf pour les sports à faible impact comme la piscine (attention pas avant 5 à 6 semaines en raison des risques infectieux), le vélo (à condition d’être à l’aise sur la selle), l’escalade (pour retrouver son centre de gravité, son équilibre et s’étirer, mais attention à ne pas prendre de risque de chute), ou encore le roller.

Avez-vous quelques conseils à donner aux femmes en prévention ?

Je dirais que c’est avant tout une question d’éducation qui débute dans l’enfance. Dès qu’une petite fille a le contrôle de ses sphincters, il peut être intéressant de lui apprendre à « fermer la porte », afin qu’elle ait conscience de son muscle périnéal. Car bien souvent, les petites filles, qui se comparent aux garçons, pensent qu’elles n’ont rien. Tout cela est important pour que le schéma corporel s’inscrive dans l’esprit de la petite-fille, puis de l’adolescente et la femme.

A SAVOIR

La Sécurité Sociale prend en charge à 100% les 10 séances de rééducation périnéale, puis à 70%.

 

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Journaliste indépendante depuis 2013, Paulina Jonquières d'Oriola s'est longtemps spécialisée dans la rédaction d'articles santé : psycho, sexualité, santé animale... Une fine plume au service de l'info santé !

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