Le tarif moyen des mutuelles devrait augmenter d’environ 6% en 2025. Une hausse inéluctable pour Éric Chenut, le président de la Mutualité Française, qui était à la Cité Internationale, à Lyon, pour s’exprimer devant les délégués mutualistes d’Auvergne-Rhône-Alpes.
Rejet du PLFSS : “on espère avec le nouveau gouvernement une autre méthode”
Le rejet du PLFSS 2025 est-il une bonne nouvelle pour la Mutualité Française, sachant que ce projet de loi de finance prévoyait un transfert de charges de la Sécurité Sociale vers les mutuelles ?
Il y a eu très peu de concertation avec le précédent gouvernement, au point que l’on a appris certaines mesures par voie de presse. On peut le regretter car il s’agissait d’élaborer une vision pluriannuelle indispensable pour faire face aux grands défis qui nous attendent. Par ailleurs, le PLFSS rejeté par l’Assemblée nationale ne réglait en rien le problème de soutenabilité du financement du système de santé pour l’année en cours et les années à venir.
Or, on sait qu’il faut des réformes systémiques pour s’inscrire dans la durée et non une approche comptable et technocratique. Enlever de la dépense à l’Assurance maladie pour la transférer aux complémentaires n’est pas une solution durable pour assurer l’accès aux soins et l’efficience de notre système de santé. On espère avec le nouveau gouvernement une autre méthode, une autre approche…
Compte tenu du déficit abyssal de la Sécurité Sociale, une hausse du ticket modérateur chez le médecin ou sur certains médicaments n’est-elle pas inéluctable ?
Il faut poser la question différemment. Est-ce qu’il y a des dépenses superflues, inadéquates ou redondantes sur les 315 milliards de dépenses du système santé actuel ? On pense que oui ! Et on n’est pas les seuls car la direction statistique du ministère de la santé a chiffré à 50 milliards par an. On peut donc gagner en efficience. Cela passe notamment par une amélioration de la prescription médicale et une lutte contre de surmédication.
Maintenant, côté recettes, on doit avoir une réflexion prospective sur le financement de la Sécurité sociale dans les années à venir dans un contexte de transition démographique avec moins d’actifs et plus de personnes âgées malades. Les dépenses de santé vont encore augmenter, alors que la dépense de santé évolue déjà deux à trois fois plus vite que la richesse nationale.
“En vingt ans, la dépense de santé en France a augmenté de 130%”
Dans ces conditions, une hausse des cotisations est-elle inéluctable début 2025 ?
Les dépenses de santé augmentent tous les ans et elles vont continuer d’augmenter du fait du vieillissement de la population, de l’explosion des maladies chroniques et de longue durée, des techniques médicales de plus en plus onéreuses. Résultat, les cotisations mutuelles évoluent au même rythme, parfois un peu plus vite en raison des mesures de transfert de l’Assurance maladie vers les complémentaires.
En vingt ans, la dépense de santé en France a augmenté de 130%, passant de 9% à 12% du PIB. Et cela s’est accéléré depuis la crise Covid. Donc, il faut tenir un discours de vérité à nos concitoyens. Se soigner coûte et va coûter de plus en plus cher. D’où la nécessité d’avoir une approche plus efficiente, pour s’assurer du caractère nécessaire voire indispensable d’une dépense de santé. Il faut aussi faire de la pédagogie, restaurer une forme de citoyenneté sociale car, avec la carte vitale et la généralisation du tiers-payant, les gens ont perdu la notion de prix.
La crise Covid a-t-elle eu une incidence sur l’aggravation de notre système de santé et son devenir ?
Cette crise a mis notre système en tension et révélé que les moyens humains n’étaient pas infinis. Cela doit nous inciter à réfléchir sur l’organisation de notre système de santé, notamment pour les soins de ville. On a 23 millions de passages aux urgences en France. C’est le double de l’Allemagne. Pourquoi ? Parce que la permanence de soins n’est plus garantie et cela pèse sur l’hôpital qui n’est plus en mesure d’assurer sa mission première.
Il existe des solutions. Il faut les mettre en œuvre rapidement. Sinon, on ne fera que gérer la pénurie, que ce soit en soins de ville ou à l’hôpital.
“Le rôle des complémentaires reste donc indispensable”
Compte tenu du contexte politique et social, le projet de « Grand Sécu » risque-t-il de revenir au cœur du débat ?
La priorité, c’est l’accès aux soins. Notre système actuel n’est pas parfait. Malgré tout, la complémentarité entre Assurance maladie obligatoire et complémentaire santé garantit aux Français le reste à charge le plus bas d’Europe. Le rôle des complémentaires reste donc indispensable. Et puis, c’est l’émulation qui permet d’innover. N’oublions pas que ce sont les mutuelles qui ont initié la télémédecine, longtemps contre l’avis de l’assurance maladie. Heureusement que l’on a persisté car les téléconsultations se sont révélées bien utile durant la crise Covid.
Ce sont aussi les mutuelles qui ont initié les réseaux conventionnés pour réduire les restes à charge, préfiguration du 100% santé. Bref, l’intérêt de notre système de santé comme des assurés sociaux et des professionnels de santé passe par une émulation entre les opérateurs. D’où la nécessité de travailler dans une approche partenariale et non dans une démarche conflictuelle.
En résumé, quels sont les grands axes de réflexion de la Mutualité Française pour sortir de cette spirale déficitaire infernale ?
D’une part, améliorer l’accès aux soins et l’efficience des dépenses. D’autre part, promouvoir la prévention personnalisée avec une meilleure utilisation des datas pour orienter vers le bon soin au bon moment, mais aussi proposer des soins personnalisés de prévention, seule façon de réduire les inégalités en santé.
Troisième axe, lutter contre toutes les formes de fraude. Dans un système par répartition solidaire comme le nôtre, la confiance est indispensable donc la fraude inacceptable. Enfin, mettre en place une conférence des financeurs du système de santé et de protection sociale pour s’accorder sur le niveau de recettes global afin de garantir la soutenabilité du système à moyen et long terme.
À SAVOIR
Selon une enquête de la Mutualité Française qui a sondé 41 mutuelles représentant près de 19 millions de cotisants, le prix moyen des complémentaires santé devrait augmenter en moyenne d’environ 6% en 2025, après une hausse de 8,1% l’an dernier. Dans le détail, les contrats individuels devraient augmenter de 5,3%, alors que les tarifs des contrats collectifs obligatoires (souscrits par les salariés des entreprises) devraient s’envoler de 7,3%.