Réduire sa consommation de cigarettes ou arrêter totalement de fumer. C’est le défi que se lancent les fumeurs à l’occasion du mois de novembre, le mois sans tabac. Invité de l’émission Votre Santé sur BFM TV Lyon ce mardi 8 novembre, le Pr Sébastien Couraud, chef du service pneumologie de l’hôpital Lyon Sud, profite de l’occasion pour revenir sur les terribles effets du tabac sur la santé.
Bien que la prévalence du tabac diminue en France depuis quelques années, les statistiques restent affligeantes. Chaque année dans le pays, près de 75 000 décès sont recensés comme liés au tabagisme. Soit environ 13% des décès en France. En moyenne, un fumeur régulier sur deux meurt des conséquences de son tabagisme.
Le Pr Sébastien Couraud, chef du service pneumologie de l’hôpital Lyon Sud, était l’invité de l’émission Votre Santé sur BFM TV Lyon, ce mardi 8 novembre. Il répondait aux questions de Pascal Auclair, rédacteur en chef du groupe Ma Santé, et de la présentatrice Éline Dany, pour rappeler le danger du tabac et l’importance de la sensibilisation effectuée lors du fameux “mois sans tabac”.
Il reste beaucoup de fumeurs qui nécessitent d’être aidés
Qu’est-ce que le mois sans tabac ?
C’est un mois de sensibilisation au danger du tabac, à travers notamment l’idée d’arrêter ensemble. Il y a donc tout un écosystème de communication, d’action et de sensibilisation qui se met en place pour aider les fumeurs à arrêter la cigarette. C’est plus facile d’y arriver à plusieurs. Et on sait qu’un mois sans fumer offre cinq fois plus de chances de réussir à arrêter.
On entend dire qu’il y a de moins en moins de fumeurs en France. En reste-t-il que l’on peut faire arrêter de fumer ?
Bien sûr. Il y a malheureusement toujours des fumeurs actifs, des personnes que l’on peut accompagner pour arrêter de fumer ainsi que des gens qui rentrent dans le tabagisme, notamment des jeunes. Je rappelle que le tabac est la première cause de mortalité évitable en France. Même avec la réduction du nombre de fumeurs de ces cinq dernières années (notamment grâce aux campagnes telles que le mois sans tabac), il reste beaucoup de fumeurs qui nécessitent d’être aidés.
Quels moyens faut-il utiliser pour aider ces fumeurs ?
Mon premier conseil est de se faire aider, de ne pas être seul. C’est très important. Le tabaccologue est le spécialiste à contacter. Il possède les compétences pour aider les fumeurs à arrêter la cigarette. Le but du mois sans tabac est d’ailleurs de montrer toutes les actions que l’on peut faire et toutes les types d’aides qui existent. Il y a aussi le numéro de téléphone du Tabac Info Service, le 39 89, qui peut aider. Des structures de tabaccologie sont également présentes un peu partout dans la métropole, où l’on peut prendre des rendez-vous de tabaccologie gratuits. Il y a vraiment beaucoup de ressources pour se faire aider.
Quel est le profil type du fumeur en 2022 ? On parle souvent d’une féminisation du tabac, est-ce vraiment le cas ?
Oui c’est le cas. Chez les hommes, le fait de fumer de manière active a plutôt tendance à diminuer. Les femmes ont quant à elles longtemps été très en retrait sur le tabagisme, mais elles ont récupéré le même niveau que les hommes. C’est un vrai challenge de concentrer les efforts en terme de santé publique sur la population féminine, qui est tout aussi à risque du cancer du poumon et de maladies liées au tabac, voire un peu plus.
Tabac : Première Cause de Mortalité Évitable en France et dans le Monde
Pourquoi le tabac est-il nocif ?
Le tabac est nocif à deux niveaux. Il y a d’abord un élément immédiat : l’irritation. Une bouffée de cigarette est riche en agents irritant. Fumer irrite l’arbre trachéobronchique, le nez, la gorge… Et est pourvoyeur de maladies irritatives chroniques des voies aériennes : les BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive).
La fumée du tabac contient aussi énormément de cancérogènes et risque donc de déclencher de nombreux cancers. Naturellement, on pense d’abord au cancer du poumon, qui est le plus fréquent et le plus évident. Mais il y a beaucoup d’autres cancers qui sont liés au tabagisme, un facteur aggravant. Je le répète, le tabac est la première cause de mortalité évitable en France et dans le monde.
Y’a-t-il des signes qui alertent du cancer du poumon ?
Malheureusement non. La fumée contient des agents cancérogènes qui vont induire des mutations aux cellules des bronches. Ces mutations vont rendre la cellule complètement folle. C’est cette cellule folle qui va créer un cancer. Il n’y a pas de signes qui alertent, ou alors ils sont très tardifs. C’est pour ça que le dépistage est essentiel. C’est une façon de devancer la maladie et de diminuer la mortalité liée au cancer du poumon.
La cigarette électronique est-elle un plus ou un piège ?
C’est un plus. Elle se positionne maintenant comme un vrai outil de sevrage. On l’utilise par exemple pour aider les fumeurs récalcitrants. On leur propose une vapoteuse individuelle qui délivre de la nicotine et permet de faire baisser progressivement cette dernière.
Les jeunes fument de plus en plus et de plus en plus tôt. Qu’est-ce qui les incite encore à acheter des cigarettes ?
Ce n’est ni le prix, ni l’odeur, ni le goût. Je pense que la jeunesse est dans la digression perpétuelle. Plus on leur dit de ne pas faire quelque chose, plus ils la font. Mais il y a aussi un marketing majeur de l’industrie du tabac. On ne le voit pas, mais c’est une industrie vraiment manipulatrice qui cible particulièrement les jeunes. Par tout un tas de mécanismes, elle les amène à faire le premier geste qui est d’acheter des cigarettes avant de les fumer. L’action de la nicotine, l’un des produits les plus addictifs qui existent, opère ensuite et fait basculer le fumeur vers une consommation de plus en plus excessive. C’est ce mécanisme, malheureusement, qui conduit ceux qui essayent la cigarette à continuer.
En février dernier, lors de la journée mondiale contre le cancer, vous avez lancé l’opération « Ensemble nous poumons ». De quoi s’agit-il ?
« Ensemble nous poumons » est un collectif de patients, de médecins et de scientifiques qui a pour objet de promouvoir le dépistage du cancer du poumon. À partir du moment où il n’y a pas de signe précoce et que la maladie est avancée, donc moins facile à guérir, on a tout intérêt collectivement à essayer de la diagnostiquer le plus tôt possible tant qu’elle est curable. L’examen du scanner thoracique faiblement dosé est un bon exemple. Lorsqu’il est administré dans une population à risque comme des gros fumeurs de plus de 50 ans, il va améliorer leur espérance de vie.
Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du 8 novembre 2022.
À SAVOIR
La France est le pays qui a la plus grande proportion de fumeurs dans toute l’Europe de l’Ouest. On y dénombre plus de 10 millions de fumeurs. Parmi eux, 24 % sont des consommateurs de tabac quotidien et le reste des consommateurs occasionnels.