
Souvent confondue avec de simples infections bénignes, la kératite amibienne gagne du terrain en Europe. Cette pathologie rare mais sévère, provoquée par un parasite présent dans l’eau douce, constitue une urgence ophtalmologique majeure. Les porteurs de lentilles de contact en sont les principales victimes. Explications.
Un œil rouge, qui pique, une lumière qui agresse, une douleur aiguë qui monte… et cette impression persistante d’avoir un grain de sable sous la paupière. Vous pensez à une conjonctivite passagère ? Peut-être. Mais ces symptômes anodins peuvent cacher une maladie bien plus grave : la kératite amibienne.
Encore peu connue du grand public, cette infection de la cornée, causée par une amibe microscopique, fait des dégâts considérables lorsqu’elle n’est pas prise en charge à temps. Cécité partielle, greffe de cornée, voire perte complète de l’œil : les conséquences peuvent être dramatiques.
Kératite amibienne : de quoi parle-t-on exactement ?
Une infection rare, mais de plus en plus fréquente
La kératite amibienne est due à un protozoaire du nom d’Acanthamoeba, que l’on trouve un peu partout : dans l’eau douce (robinet, douche, piscine, lac), dans le sol, l’air, et surtout dans les étuis et solutions mal nettoyées des lentilles de contact.
Selon le rapport de la Société Française d’Ophtalmologie (SFO, 2024), cette pathologie représente jusqu’à 5 % des kératites infectieuses. Et 85 à 87 % des cas en Europe concernent les porteurs de lentilles, souvent victimes d’un manque d’information sur les bonnes pratiques d’hygiène.
Les symptômes à ne pas ignorer
Si vous portez des lentilles et que vous ressentez l’un de ces signes caractéristiques, soyez vigilants :
- un larmoiement continu,
- une sensibilité accrue à la lumière,
- des yeux rouges,
- une douleur oculaire intense (parfois insupportable),
- une vision floue ou déformée,
Vous constatez l’un de ces symptômes ? Ne tardez pas à consulter. Ces signes doivent vous alerter, surtout s’ils s’aggravent rapidement. Les amibes peuvent littéralement “ronger” la cornée, provoquant des ulcérations sévères et une perte de vision irréversible si rien n’est fait.
Kératite amibienne : attention aux lentilles !
Pourquoi les lentilles sont-elles autant en cause ? Parce qu’elles retiennent les amibes contre l’œil, les empêchant d’être éliminées naturellement par les larmes. Elles créent un petit cocon humide parfait pour que l’amibe prolifère. C’est un peu comme si on couvrait un feu avec un couvercle : il étouffe… puis il repart de plus belle.
Et les erreurs sont fréquentes :
- se doucher avec ses lentilles,
- les rincer à l’eau du robinet (interdit !),
- ou encore oublier de se laver les mains avant de les manipuler.
Kératite amibienne : de l’errance au traitement
Un diagnostic trop souvent retardé
Autre problème, le diagnostic est complexe. Les symptômes ressemblent à ceux d’une conjonctivite ou d’un herpès oculaire, ce qui entraîne parfois plusieurs semaines d’errance médicale. Pendant ce temps, l’amibe continue son œuvre destructrice.
Seuls quelques examens permettent de poser un diagnostic fiable :
- Un examen à la lampe à fente chez l’ophtalmologue,
- Un prélèvement cornéen pour analyse microbiologique,
- Et, dans certains centres hospitaliers, un test PCR pour détecter l’ADN de l’amibe.
Traitement : un vrai parcours du combattant
La prise en charge est longue, intense et douloureuse. Le traitement repose sur :
- Des collyres antiseptiques puissants, comme le polihexanide, à mettre toutes les deux heures, jour et nuit.
- Des antalgiques, car la douleur est souvent insoutenable.
- Une éviction totale de la lumière pendant des semaines.
Et la guérison n’est pas toujours complète. Certains patients récupèrent une cornée transparente, d’autres gardent des séquelles visuelles permanentes, voire doivent subir une greffe si la cornée est trop abîmée.
Kératite amibienne : prévenir pour ne pas subir
Si vous portez des lentilles de contact, voici les gestes simples à adopter :
- Ne jamais utiliser d’eau du robinet pour les nettoyer.
- Toujours se laver les mains avant de les manipuler.
- Retirer ses lentilles avant de se baigner, se doucher ou dormir.
- Changer régulièrement l’étui et utiliser uniquement des solutions stériles.
Ces gestes peuvent littéralement sauver votre vue.
Une avancée majeure : un collyre enfin autorisé en Europe
Il y a toutefois une bonne nouvelle : un nouveau traitement développé par le laboratoire SIFI a été autorisé à la vente dans toute l’Europe. Ce collyre à base de polihexanide, efficace à la fois sur les trophozoïtes et les kystes d’Acanthamoeba, pourrait changer la donne.
Selon la société SIFI, environ 500 patients européens pourraient bénéficier chaque année de ce traitement innovant.
À SAVOIR
En France, les kératites d’origine bactérienne touchent environ 5 000 personnes chaque année, tandis que les cas de kératite amibienne demeurent très rares, avec seulement quelques dizaines de cas recensés par an.







