Après quatre années à Villeurbanne, “L’Espace”, structure d’accueil en santé mentale pour les publics en précarité, a ouvert ses portes en avril dans le troisième arrondissement de Lyon. Son rôle, permettre à des personnes “en situation de grande vulnérabilité”, pour la grande majorité des migrants, de rencontrer des psychologues, médiateurs et autres spécialistes en santé mentale. Et les lieux, signes d’un besoin grandissant en la matière, sont loin de sonner creux, puisqu’ils sont fréquentés chaque jour par une trentaine de personnes en moyenne.
Ce n’est un secret pour personne, la santé mentale des Français est en berne. Alors que le phénomène s’est accéléré avec la crise sanitaire, tout un pan de la population reste à l’écart des soins, tant sur le plan psychologique que psychiatrique.
Hebergée au sein de l’hôpital psychiatrique du Vinatier, à Lyon, l’observatoire Orspere-Samdarra n’a pas attendu la pandémie pour se pencher sur les liens entre santé mentale et précarité. Fondé en 1996, l’Observatoire ne se contente pas d’un travail de recherche et anime depuis 2020 “l’Espace”, un lieu d’accueil principalement destiné “aux personnes concernées par la migration”. Jusqu’ici basée à Villeurbanne, la structure s’est déplacée dans de nouveaux locaux, situés au coeur du troisième arrondissement de Lyon.
Depuis le mois d’avril, le lieu poursuit sa mission en accueillant chaque jour une trentaine de personnes. “Il s’agit essentiellement de jeunes adultes, des personnes isolées, demandeurs d’asile, réfugiés ou sans abris”, résume la coordinatrice du site, Nina Mottola. Autant de publics dont la santé mentale n’est pas restée indemne, au gré de trajectoires éprouvantes marquées par de nombreuses épreuves, séparations, blessures, rejets…
“Repérer ceux qui ne vont pas bien”
Sur place, ils participent à des sorties, font du sport, suivent des cours de Français… Mais ils rencontrent surtout des professionnels spécialement formés pour la prise en charge de leurs failles et de leurs besoins, entre psychologues et médiateurs.
Ces derniers ne sont pas choisis par hasard, puisqu’ils ont eux-mêmes vécus, un jour, le parcours migratoire : “cela facilite un accueil adapté des personnes migrantes, qui se sentent comprises, dans ce qu’ils ont vécu, mais aussi sur le plan de leurs codes sociaux et culturels. Cela permet d’instaurer une vraie confiance”, confie l’un de ces médiateurs-pairs, Sayed Hashimi, d’origine iranienne. Ces échanges leur permettent de repérer “ceux qui ne vont pas bien”, de “faire le lien avec les psychologues” et de les “orienter vers les bonnes structures”.
“L’Espace”, le chaînon manquant dans la chaîne du soin en santé mentale
Le dispositif, quasi unique en France, est l’un des éléments manquants de la chaîne de prise en charge en santé mentale. Il offre notamment une véritable solution aux structures psychiatriques conventionnelles, comme le centre hospitalier du Vinatier. “Les migrants font partie des publics qui n’accèdent que très peu aux soins, y compris en matière de santé mentale”, abonde le Dr Halima Zeroug-Vial, psychiatre et directrice de l’Ospere-Samdarra. “Et l’on sait qu’une bonne santé mentale est essentielle pour favoriser un parcours de vie et l’inclusion dans la société”.
Une ouverture à laquelle souscrit Marielle Schmitt, directrice départementale adjointe du Rhône de l’Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes. “L’isolement social est un déterminant essentiel de la santé, et notamment de la santé mentale. Nos systèmes de santé doivent savoir évoluer pour permettre la prise en charge de toutes et tous”.
Une ambition clairement concrétisée par “l’Espace”, officiellement inauguré le 13 septembre 2024 en présence des acteurs sanitaires et politiques qui soutiennent le projet (voir À SAVOIR). Le maire de Lyon, Grégory Doucet, a profité de l’événement pour saluer la pertinence “d’un lieu d’histoires, racontées ou non, chaotiques pour beaucoup, mais qui sont prises comme elles sont, sans jugement ni préjugés”.
À SAVOIR
L’Espace est accessible librement et sans rendez-vous du lundi au vendredi de 14h à 17h15, au 275 rue André Philip, dans le 3eme arrondissement de Lyon (contact : 07 61 07 89 12). L’équipe est qualifiée pour assurer des échanges dans une dizaine de langues (italien, farsi, arabe, anglais, amharique…)
Géré par l’Observatoire Orspere-Samdarra (Orspere = Observatoire régional de la souffrance psychique en rapport avec l’exclusion; Samdarra = Santé mentale, précarité, demandeurs d’asile et réfugiés en Rhône-Alpes, fusionnés en 2013), l’Espace bénéficie du soutien de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, de la Ville de Lyon et de la Métropole de Lyon.