Peur de la foule, du vide ou encore des reptiles… Si l’anxiété génère un processus d’adaptation essentiel à la survie, les peurs demeurent parfois constantes et prédominantes. Ces phobies, comme on les appelle, sont dès lors davantage invalidantes. Mais comment naissent ces peurs déraisonnables ? Pourquoi faire ? Explications avec le Dr Pascal Verrier, psychiatre et praticien en Thérapie Cognitivo-Comportementale à Lyon.
Fréquentes, les phobies n’en sont pas moins déstabilisantes. Entre conscience de l’absence de danger réel et peur intense, les répercussions peuvent devenir absurdes et douloureuses. Anxiété diffuse, chronique, crise d’angoisse aiguë… Que faire pour endiguer une phobie ? Et comment en guérir ?
Sans chiffre fiable, on estime à 10 % la part de la population concernée par une phobie spécifique. Agoraphobie (peur de la foule), dysmorphophobie (peur d’un défaut physique), phobie sociale, émétophobie (peur de vomir), eurotophobie (peur de rougir en public) … Toutes engendrent un stress chronique et des conduites d’évitement multiples. De quoi perturber le quotidien. Mais d’où proviennent ces phobies ? Dans quel but ? Le point avec le Dr Pascal Verrier, psychiatre à Lyon.
Phobies : normales ou pathologiques ?
Définies comme des peurs irrationnelles spécifiques, les phobies sont déclenchées par un objet ou une situation pourtant non-dangereuse. Cris, fuite, sidération ou attaque de panique… Tout indique la présence d’un danger pour soi. Et si une fois éloignée de la menace perçue la phobie cesse de s’exprimer, elle ne reste pas moins ancrée dans la réalité psychique de l’individu.
Dès lors, conduites d’évitement et d’apaisement sillonnent le quotidien de la personne. Et ce, afin d’éviter de déclencher toute manifestation de la phobie mais également de se tranquilliser face à une anxiété exacerbée. Autant absurde que torture, la phobie peut s’accompagner d’une souffrance véritable profonde. Mais est-ce normal de souffrir d’une peur déraisonnée ?
« Cette peur excessive est humaine. Si la personne a conscience de cette peur démesurée, l’émotionnel prend quand même le pas sur le rationnel », explique le Dr Pascal Verrier. Véritable retentissement sur la vie quotidienne, il devient de ce fait nécessaire de détecter l’origine de ce trouble anxieux et de le soigner. À noter que les femmes restent statistiquement davantage concernées par toute forme de phobie.
Phobies, pourquoi faire ?
Ainsi, les caractéristiques individuelles pourraient entrer en jeu. De la même manière que le rythme cardiaque peut différer d’une personne à l’autre, l’anxiété n’est également pas la même. Dès lors, la personne peut souffrir d’une sensibilité psychique forte, et ce sous-tendu par un fonctionnement cérébral hyperactif dans les zones de la peur. Comme une prédisposition à souffrir de troubles anxieux. Des causes génétiques, biologiques voire héréditaires sont donc à considérer.
De même, les traumatismes vécus et expériences émotionnelles marquantes contribuent à développer un trouble anxieux pathologique. L’éducation joue certainement un rôle dans sa dimension mémorielle. En effet, les souvenirs laissent des traces émotionnelles qui peuvent devenir facteur de stress.
En somme, « on décompose l’origine des phobies selon trois axes égaux : l’hérédité, les événements de vie et l’éducation », explique le Dr Pascal Verrier. Mais quelles que soient ses sources, la phobie se nourrit des craintes intimes et invisibles. D’une crainte existentielle qu’est la peur de mourir. Comme le déclarait Woody Allen, « l’homme ne sera pas vraiment décontracté tant qu’il sera mortel ».
Se libérer des phobies
« Il est tout à fait possible de guérir d’une phobie », rassure le Dr Pascal Verrier. « La psychothérapie en particulier les thérapies cognitivo-comportementales voire un traitement médicamenteux peut apporter une guérison ». Cependant, facteur essentiel de prise en charge, l’implication du patient doit être entière. Sans quoi la personne risquerait de fuir avant même d’essayer. De même, la phobie ne disparaîtra jamais d’elle-même. Une aide est nécessaire pour lutter contre cette souffrance.
Principale thérapie, la thérapie cognitivo-comportementale. Son but ? Apprendre à faire face à sa peur en la rationalisant puis en s’y exposant régulièrement. À l’aide de schémas de pensées décrits et analysés, des expositions progressives pourront être envisagées afin d’apprendre à faire face à cette peur. Le tout pour atteindre un degré de bien-être acceptable. La thérapie psychanalytique, l’EMDR ou encore l’hypnose sont également d’autres méthodes efficaces pour se débarrasser de ces peurs.
Enfin, le temps de parvenir à un état de santé mental satisfaisant, la personne peut aussi se voir prescrire des médicaments destinés à limiter l’anxiété. C’est notamment le cas dans la phobie sociale ou l’agoraphobie. Une solution d’aide temporaire pour renforcer l’efficacité de la thérapie.
Et la peur d’avoir peur ?
« La peur d’avoir peur est fréquente. En particulier dans les attaques de panique. Tachycardie, étouffement… Des symptômes qui inquiètent les patients, redoutant un arrêt cardiaque », dénote le Dr Pascal Verrier.
En effet, la phobophobie est courante. Bien que souvent considérée comme un complément d’une phobie spécifique, elle consiste à avoir peur d’avoir peur continuellement. Contrairement aux autres phobies, elle ne se déclenche pas à un instant précis mais est continue, tacite. Il s’agit donc d’une anticipation, d’un état d’anxiété général.
Particulièrement nuisible, la phobophobie peut entraîner la personne dans un cercle vicieux d’anxiété où l’angoisse ne se dissocie plus du simple stress. L’épuisement émotionnel est proche. Et ce, d’autant plus que les attaques de panique deviennent fréquentes. Ainsi, un traitement approprié est particulièrement nécessaire pour lutter contre une dégradation de l’état de santé mentale de la personne. Comme Sénèque le citait, « que de fois nous mourrons de notre peur de mourir ».
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À SAVOIR
Les phobies sont référencées par la dixième version de la Classification Internationale des Maladies (CIM-10). Parmi elles, on retrouve la claustrophobie (peur des espaces clos), la zoophobie (peur d’un animal) ou encore la bromidrosiphobie (peur des odeurs corporelles).