Overdoses, cancers, accidents, maladies cardiovasculaires… L’alcool est la première cause d’hospitalisations en France, avec à la clé plus de 41 000 décès chaque année. Si les dangers sont réels et bien souvent connus, de nombreuses personnes s’ignorent alcooliques. Le point sur cette maladie qui touche de plus en plus de jeunes avec la psychiatre et addictologue Aurélie Berger-Vergiat, invitée de l’émission Votre Santé sur BFM Lyon.
La France détient le triste record de la mortalité liée à l’alcool la plus élevée d’Europe. Chaque année, plus de 41 000 personnes en décèdent, dont 30 000 hommes, selon l’INSERM. Un problème de santé majeur qui s’invite souvent aux tables des bars et restaurants en saison estivale. Quand peut-on parler d’alcoolisme ? Comment s’en rendre compte ? Comment s’en sortir ?
Aurélie Berger-Vergiat, psychiatre et addictologue aux Hospices Civils de Lyon (HCL) a répondu aux questions d’Élodie Poyade et de Pascal Auclair, rédacteur en chef du groupe Ma Santé, sur les dangers de l’alcool dans l’émission Votre Santé du 17 juin sur BFM Lyon.
L’alcool est la première cause d’hospitalisations en France et serait responsable de 3 millions de décès par an, à l’échelle mondiale. À partir de quand est-on considéré comme alcoolique ?
L’alcoolisme est l’addiction à l’alcool. Elle apparaît lorsque l’on ne peut plus s’abstenir de consommer de l’alcool. C’est-à-dire qu’il a de telles répercussions sur la santé et sur le fonctionnement global d’une personne qu’elle ne peut s’empêcher d’en boire régulièrement.
L’alcoolisme définit-il forcément une consommation quotidienne d’alcool ?
Pas forcément. Si une personne consomme de l’alcool trois fois par semaine et que cela est ancré dans ses habitudes elle peut déjà être dans l’addiction.
Alcoolisme : différents profils pour une même maladie
Il existe différents types d’alcoolisme : le mondain, le fonctionnel, le chronique et le foetal. Faut-il les différencier ?
D’un point de vue médical, on ne les différencie pas. L’alcool peut toucher différentes personnes dans différents milieux et circonstances mais la maladie reste la même : l’addiction. La dose maximale recommandée et à retenir se limite à deux verres par jour et pas tous les jours. Il faut maintenir au minimum deux jours d’abstinence totale dans la semaine.
Y a t-il un profil de patients spécifique que vous suivez dans vos services ?
On rencontre tous les profils de patients. Certains sont très jeunes et ont des consommations de types “binge drinking”. C’est-à-dire qu’ils vont consommer une grande quantité d’alcool (parfois 7 ou 8 verres) en un laps de temps très court et atteindre des comas éthyliques et des ivresses majeures. Et les profils vont jusqu’aux personnes très âgées qui ont consommé de l’alcool toute leur vie : deux ou trois verres à chaque repas, sans s’en rendre compte, et qui font face aux conséquences à 60 ans.
Le traitement est-il le même pour les différentes typologies de patients ?
Le traitement global est le même : comprendre pourquoi on boit de l’alcool en excès puis essayer de réduire voire arrêter cette consommation.
Été et alcool : un combo dangereux
Quelles sont les incidences de l’alcool sur l’organisme ?
L’alcool est responsable d’au moins une soixantaine de maladies, notamment cardiovasculaires et des cancers. Mais également de nombreuses maladies neurologiques telles que les démences ou les pertes de mémoire, par exemple. La consommation d’alcool est réellement nocive pour la santé et les conséquences sont très vastes.
La crise sanitaire et les divers confinements ont-ils eu un impact sur la consommation d’alcool ?
Il est pour le moment trop tôt pour définir le réel impact de la crise sur la consommation d’alcool. L’enquête de Santé publique France observe toutefois qu’il y a eu les deux phénomènes : une augmentation de la consommation pour certains, et une réduction pour d’autres. Sur le long terme en revanche, les données ne sont pas encore connues.
Avec la réouverture des bars et restaurants, depuis quelques semaines, y a t-il des risques que certains abusent de l’alcool après plusieurs mois de “frustration” ?
La saison estivale est une période déjà propice à la consommation d’alcool mais cette année, les risques sont plus importants que les autres années. Après la frustration, un phénomène de compensation va forcément s’opérer. De plus, l’épée de Damoclès qui fait que les gens ne savent pas jusqu’à quand ni pendant combien de temps ils auront accès à l’alcool amplifie le phénomène. Il y a donc en effet un risque de consommation excessive sur cette période.
Plus de la moitié des jeunes sont concernés par des ivresses ponctuelles*
On a le sentiment que les jeunes consomment de plus en plus d’alcool au fil des années. Est-ce une réalité ?
Les consommations sont en effet plus massives. Mais le mode de consommation est différent. Auparavant, on consommait quelques verres, tous les jours. Aujourd’hui, les jeunes ont tendance à aller plus régulièrement jusqu’à l’ivresse. Toutefois, on note une diminution globale de la consommation d’alcool totale des Français sur les vingt dernières années.
Comment faire lorsque l’on est face à un proche alcoolique qui refuse de se faire soigner ?
Il faut l’accompagner, lui montrer que l’on est inquiet pour sa santé sans pour autant le culpabiliser. L’alcoolisme et l’addiction n’est pas de la faute de la personne concernée, il s’agit d’une réelle maladie. Ensuite, on peut se renseigner et obtenir des conseils sur le site drogues-info-service notamment sur le lieu de consultation le plus proche et encourager la personne à s’y rendre et l’accompagner. Mais cette démarche doit également venir de la personne qui se rend aux soins.
Le vrai du faux des idées reçues sur la consommation d’alcool
Un verre par jour, bon pour la santé ?
FAUX ! L’alcool n’est jamais bon pour la santé. On a le droit de boire un verre par jour mais cela n’est en aucun cas bénéfique pour la santé.
L’alcool fait grossir ?
VRAI. L’alcool apporte beaucoup de sucres dans l’organisme et fait donc grossir.
Boire une bière fraiche quand il fait chaud permet de se désaltérer ?
FAUX ! L’eau reste le meilleur moyen de de désaltérer son corps, la bière ne l’est certainement pas.
Le vin est un alcool comme un autre.
VRAI. Le vin est un alcool comme un autre. Une unité d’alcool que ce soit de la bière, d’un vin ou de l’alcool fort, c’est pareil.
Boire un verre d’eau entre chaque verre d’alcool permet-il d’éviter la gueule de bois le lendemain ?
VRAI et FAUX. Cela dépend surtout de la quantité totale d’alcool ingérée. Mais cela permet de faire monter moins vite son taux d’alcoolémie et d’étaler un peu plus la consommation d’alcool.
Manger ou boire un café permet de dessoûler plus vite ?
FAUX ! Cela va permettre, comme le verre d’eau, d’absorber l’alcool moins rapidement. Mais ne va en aucun cas permettre de dessoûler plus vite. Vous avez beau essayer de tricher en buvant de l’eau ou en mangeant des choses à côté mais la consommation d’alcool reste la même.
*La part des personnes déclarant au moins une API est de 54,1% parmi les 18-24, selon les données de 2017 de Santé publique France.
À SAVOIR
Pour repère, 10 grammes d’alcool pur soit un verre d’alcool dit standardisé représente :
- 25 cl de bière ou cidre à 6 degrés,
- 12,5 cl de vin ou de champagne à 11 degrés
- 6 cl d’apéritif à 20 degrés
- 3 cl d’alcool fort à 40 degrés
Pour en savoir plus et évaluer votre consommation d’alcool, rendez-vous sur : alcool-info-service.fr