Le détournement de la cigarette électronique inquiète les experts. Le vapotage de substances psychoactives, autres que la nicotine, est une pratique en forte augmentation, notamment chez les jeunes. Contrairement aux idées reçues, vapoter ces substances, plutôt que de les fumer, ne réduit pas les risques, bien au contraire : l’absorption par inhalation amplifie leurs effets et peut provoquer des intoxications graves. Face à une explosion des cas signalés, les autorités sanitaires alertent sur les conséquences, entre addiction, maladies graves et troubles psychiatriques.
Lorsqu’on parle de cigarette électronique, on pense d’abord au sevrage tabagique. Pourtant, certains jeunes et consommateurs expérimentés détournent cette technologie pour inhaler des substances psychoactives bien plus puissantes que la nicotine.
Le cannabis figure parmi les produits les plus vapotés, sous forme de résine diluée dans des e-liquides ou d’extraits concentrés. Mais ce sont surtout les cannabinoïdes de synthèse, comme le PTC (« pète ton crâne » ou Buddha Blue), qui inquiètent les spécialistes. Ces substances, conçues en laboratoire, imitent les effets du THC tout en étant beaucoup plus puissantes et imprévisibles.
D’autres molécules, comme des benzodiazépines de synthèse, viennent parfois s’y ajouter, amplifiant encore les effets et les risques. Depuis 2019, les centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) constatent une augmentation alarmante des intoxications liées au vapotage de ces produits.
En 2024, plusieurs adolescents ont été hospitalisés après avoir consommé du PTC. Ces e-liquides ne sont pas disponibles en boutiques spécialisées ; ils se trouvent principalement sur des sites internet douteux, souvent basés à l’étranger, ou circulent via le marché noir. Notamment dans les lycées et les réseaux de proximité. Certains consommateurs vont encore plus loin en fabriquant leurs propres mélanges, sans aucun contrôle des dosages ni des interactions entre substances, ce qui augmente considérablement les risques d’intoxication.
Pourquoi le vapotage de substances psychoactives est-il si dangereux ?
Des conséquences graves pour la santé
Contrairement à ce que certains consommateurs pensent, l’inhalation de ces substances ne les rend pas moins nocives. En réalité, la diffusion par voie pulmonaire accélère leur absorption dans l’organisme, ce qui renforce leur effet et augmente les risques de surdosage. Les effets du vapotage de substances psychoactives peuvent varier d’une personne à l’autre, mais les risques sont bien réels.
- Troubles psychiatriques : hallucinations, crises de panique, épisodes délirants, idées suicidaires.
- Problèmes cardiovasculaires : accélération du rythme cardiaque (tachycardie), douleurs thoraciques.
- Troubles digestifs : nausées, vomissements, douleurs abdominales.
- Complications neurologiques : pertes de connaissance, amnésies, convulsions.
- Dépendance et syndrome de sevrage sévère : les cannabinoïdes de synthèse sont souvent beaucoup plus addictifs que le cannabis naturel.
Entre 2021 et 2022, les signalements d’effets secondaires graves ont considérablement augmenté, en particulier chez les mineurs. En 2024, de nouveaux cas d’intoxications au PTC ont entraîné des hospitalisations chez des adolescents.
Les mélanges DIY : une prise de risque supplémentaire
Avec la popularisation des tutoriels sur TikTok et Snapchat, certains consommateurs fabriquent leurs propres e-liquides en mélangeant différentes substances. Une pratique extrêmement risquée, car les dosages sont aléatoires et les interactions chimiques peuvent être dangereuses.
- Surdosage : une quantité mal évaluée peut provoquer une intoxication sévère.
- Compositions incertaines : certaines substances peuvent être coupées avec des produits toxiques.
- Effets imprévisibles : en fonction des mélanges, les réactions peuvent être violentes et mettre la vie du consommateur en danger.
Si après avoir vapoté un e-liquide, une personne présente des nausées, pertes de connaissance, convulsions, hallucinations ou idées suicidaires, il faut agir immédiatement et contactez les secours.
Addiction : comment s’en sortir ?
Les personnes qui ressentent des difficultés à contrôler ou arrêter leur consommation peuvent se tourner vers plusieurs solutions. Les consultations jeunes consommateurs (CJC) offrent un accompagnement gratuit et confidentiel aux moins de 25 ans.
Les professionnels de santé spécialisés en addictologie, comme les médecins et psychologues, peuvent également proposer une prise en charge adaptée. Le site drogues-info-service.fr met à disposition des informations et des contacts pour orienter les consommateurs vers des structures d’accompagnement adaptées.
Un message pour les professionnels de santé
Les médecins et urgentistes doivent être attentifs aux symptômes liés au vapotage de substances psychoactives. En cas de suspicion d’intoxication :
- Réaliser un prélèvement biologique conservatoire (sang, urines), car les cannabinoïdes de synthèse ne sont pas détectables par les tests classiques.
- Orienter les patients vers une prise en charge addictologique adaptée.
Les CEIP-A (Centres d’Évaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance-Addictovigilance) et les centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) peuvent être contactés pour plus d’informations sur les substances en cause.
À SAVOIR
Une étude menée entre 2022 et 2023 par plusieurs centres d’addictovigilance, en partenariat avec le laboratoire de toxicologie du CHU de Lille et Drogues Info Service, a révélé que 81 % des produits à base de CBD analysés présentaient des teneurs en CBD différentes de celles indiquées sur l’étiquetage. De plus, 6 % des échantillons contenaient des néocannabinoïdes, tels que le HHC, le Δ8-THC et le H4-CBD, non mentionnés sur l’étiquette. Des substances similaires, voire plus dangereuses que le cannabis.