Le cancer colorectal, qui fait plus de 16 000 victimes par an en France, peut être enrayé grâce à un simple dépistage. Les explications du professeur Jean-Christophe Saurin, chef du service d’hépato-gastroentérologie de l’hôpital Edouard-Herriot, à Lyon.
Troisième cancer le plus fréquent en France, le cancer colorectal devrait concerner selon les prévisions plus de 45 000 nouveaux cas annuels d’ici 2020. On établit en revanche à huit sur dix les chances de guérison en cas de diagnostic précoce du cancer. D’où l’importante primordiale d’un dépistage régulier à partir de 50 ans pour identifier et traiter les tumeurs éventuelles avant qu’elles ne se généralisent et ne se soldent par une issue fatale.
Quelle est l’origine du cancer colorectal ?
Professeur Jean-Christophe Saurin : C’est un cancer dit sporadique, souvent dû à ‘’la faute à pas de chance’’. Lors du renouvellement des cellules du côlon, qui se fait à toute allure, il y a souvent des anomalies. Le plus souvent, ces erreurs sont éliminées naturellement, mais ils arrivent que certaines survivent, créant des lésions appelées ‘’polypes’’. Ces polypes entraînent la détérioration progressive de la paroi interne du côlon ou du rectum.
Cancer du côlon, attention aux antécédents familiaux
Quel est le profil des personnes touchées ?
Les derniers chiffres font état de 46 000 nouveaux cas chaque année. Il s’agit aussi bien d’hommes et de femmes âgées souvent de plus de 50 ans, avec un âge moyen de diagnostic de 71 ans chez l’homme et de 75 ans chez la femme.
Quels sont les facteurs de risque ?
Le risque moyen, qui concerne une personne sur vingt, concerne tout le monde. C’est d’ailleurs à eux que s’adresse l’opération de sensibilisation des colon-days. Les personnes dites à risque élevé sont celles qui ont déjà eu un premier cancer colorectal, ou qui présentent des antécédents familiaux. Dans ce cas là, le taux de risque grimpe à une personne sur dix. Il existe un troisième niveau de risque, celui des personnes à risque très élevé : il s’agit de personnes atteintes de maladies génétiques comme le syndrome de Lynch ou la polypose adénomateuse familiale. Il faut savoir enfin que pour tous, le tabac et l’obésité sont d’importants facteurs de risque.
Cancer colorectal, des symptômes “imperceptibles”
Quels sont les symptômes du cancer colorectal ?
C’est bien là l’un des problèmes majeurs : il sont imperceptibles ! Et les jours où ceux-ci apparaissent, il est déjà souvent trop tard. D’où l’importance d’un examen régulier. Le seul signe révélateur est celui de la présence de saignements rouges ou noirs dans les selles, qui doivent immédiatement justifier une endoscopie basse ou une rectoscopie. Il est dramatique de voir arriver parfois des patients présentant des saignements dans les selles depuis plus de trois ans, et mis sur le compte de simples hémorroïdes…
Comment la maladie évolue-t-elle ?
D’abord sous forme de polype, une tumeur bénigne que l’on peut facilement enlever. Lorsque ce polype grossit, la tumeur devient cancéreuse. Cela peut prendre du temps, entre 5 et 25 ans, durant lesquels on ne sent rien. Les saignements débutent lorsque le polype est d’un volume déjà important. Le cancer, ensuite, se généralise en fonction des cas, s’infiltrant dans la paroi du côlon, touchant les ganglions à proximité et se diffusant à d’autres organes sous forme de métastases : le foie, les poumons ou encore le péritoine.
Traitement précoce, efficace contre le cancer
Quels sont les différents traitements contre le cancer colorectal ?
Une intervention sous forme d’endoscopie suffit généralement à résorber une tumeur superficielle. Elle peut d’ailleurs être réalisée directement par un gastroentérologue. Mais à partir du moment où la lésion est localisée plus profondément dans la paroi, il est nécessaire de procéder à une intervention chirurgicale, pour enlever la partie touchée du côlon. Cette chirurgie peut en fonction des cas s’accompagner de chimiothérapie, qui devient systématique lorsque le cancer est généralisé.
Quelles sont les chances de guérison d’un cancer colorectal ?
Plus le cancer est traité rapidement, plus les chances de guérir augmentent. Un traitement précoce permet aussi de limiter les risques de récidives, évalué à 30% au premier stade de la maladie, et à 50% lorsque les ganglions sont touchés. En revanche, lorsque l’on trouve des métastases dans le sang, on ne parvient à guérir que 5% des patients.
Le dépistage, la meilleure des prévention
Pensez-vous que le grand public soit suffisamment alerté de la nécessité du dépistage ?
La prévention est insuffisante : seuls 30% des Français pensent au dépistage, contre 65% des Danois ! Le dépistage n’empêche pas le cancer, mais il permettrait d’éviter 85 % des décès. En faisant un dépistage, les gens se rendent service à eux-mêmes, à leur famille, mais aussi à la société toute entière : le coût d’une année de vie en plus dans le cas d’un cancer évolué est de 150 000€. Ce coût tombe à 3000€ en cas de traitement immédiat suite au dépistage.
Comment explique-t-on ce déficit de dépistage ?
Les gens, globalement, n’ont pas assez confiance dans le test, qui est pourtant très bon. Le nouveau test immunologique pour les selles, en place de manière généralisée depuis 2014, permet de détecter 8 cancers sur 10. En 2017, on a pu grâce à ce test identifier 2,4 fois plus de cancers et détecter 3,6 fois plus de polypes dangereux.
* Conseil national professionnel d’hépato-gastroentérologie
Retrouvez la liste de tous les gastro-entérologues et spécialistes du cancer du colon de votre ville ou de votre quartier sur le site du conseil de l’ordre des médecins
À SAVOIR
Parrainée par le très médiatique Michel Cymes, l’édition 2018 des Colondays est la dixième opération de prévention et de dépistage du cancer du côlon de ce genre organisée en France. 1000 experts en hépato-gastroentérologie, dans plus de 100 établissements, se sont mobilisés pour accueillir et informer gratuitement le grand public. Etablie autour du slogan ‘’Attention, vous êtes peut-être assis sur un cancer’’, cette campagne de sensibilisation s’est également concrétisée à travers un road tour dans les grandes villes de France, du 13 au 31 mars 2018 (Toulouse, Bordeaux, Limoges, Nantes, Rennes, Boulogne, Paris, Rouen, Lille, Strasbourg, Dijon, Lyon et Marseille).